La Comédie de la mort. Theophile Gautier
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Est fille de la mort.
En plongeant sous le sol, peut-être sa racine,
Dans quelque cendre chère a pris l'odeur divine
Qui vous charme si fort.
O fiancés d'hier, encore amants, l'alcôve
Où nichent vos amours, à quelque vieillard chauve
A servi comme à vous;
Avant vos doux soupirs elle a redit son râle,
Et son souvenir mêle une odeur sépulcrale
A vos parfums d'époux!
Où donc poser le pied qu'on ne foule une tombe?
Ah! lorsque l'on prendrait son aile à la colombe,
Ses pieds au daim léger;
Qu'on irait demander au poisson sa nageoire,
On trouvera partout l'hôtesse blanche et noire
Prête à vous héberger.
Cessez donc, cessez donc, ô vous, les jeunes mères
Berçant vos fils aux bras des riantes chimères,
De leur rêver un sort;
Filez-leur un suaire avec le lin des langes.
Vos fils, fussent-ils purs et beaux comme les anges,
Sont condamnés à mort!
V.
A travers les soupirs les plaintes et le râle
Poursuivons jusqu'au bout la funèbre spirale
De ses détours maudits.
Notre guide n'est pas Virgile le poëte,
La Béatrix vers nous ne penche pas la tête
Du fond du paradis.
Pour guide nous avons une vierge au teint pâle
Qui jamais ne reçut le baiser d'or du hâle
Des lèvres du soleil.
Sa joue est sans couleur et sa bouche bleuâtre,
Le bouton de sa gorge est blanc comme l'albâtre
Au lieu d'être vermeil.
Un souffle fait plier sa taille délicate,
Ses bras, plus transparents que le jaspe ou l'agate,
Pendent languissamment;
Sa main laisse échapper une fleur qui se fane,
Et, ployée à son dos, son aile diaphane
Reste sans mouvement.
Plus sombres que la nuit, plus fixes que la pierre,
Sous leur sourcil d'ébène et leur longue paupière
Luisent ses deux grands yeux,
Comme l'eau du Léthé qui va muette et noire,
Ses cheveux débordés baignent sa chair d'ivoire
A flots silencieux.
Des feuilles de ciguë avec des violettes
Se mêlent sur son front aux blanches bandelettes,
Chaste et simple ornement;
Quant au reste, elle est nue, et l'on rit et l'on tremble
En la voyant venir; car elle a tout ensemble
L'air sinistre et charmant.
Quoiqu'elle ait mis le pied dans tous les lits du monde
Sous sa blanche couronne elle reste inféconde
Depuis l'éternité.
L'ardent baiser s'éteint sur la lèvre fatale
Et personne n'a pu cueillir la rose pâle
De sa virginité.
C'est par elle qu'on pleure et qu'on se désespère:
C'est elle qui ravit au giron de la mère
Son doux et cher souci;
C'est elle qui s'en va se coucher, la jalouse,
Entre les deux amants, et qui veut qu'on l'épouse
A son tour elle aussi.
Elle est amère et douce, elle est méchante et bonne;
Sur chaque front illustre elle met la couronne
Sans peur ni passion.
Amère aux gens heureux et douce aux misérables,
C'est la seule qui donne aux grands inconsolables
Leur consolation.
Elle prête des lits à ceux qui, sur le monde,
Comme le Juif errant, font nuit et jour leur ronde
Et n'ont jamais dormi.
A tous les parias elle ouvre son auberge,
Et reçoit aussi bien la Phryné que la vierge,
L'ennemi que l'ami.
Sur les pas de ce guide au visage impassible,
Nous marchons en suivant la spirale terrible
Vers le but inconnu,
Par un enfer vivant sans caverne ni gouffre,
Sans bitume enflammé, sans mers aux flots de soufre,
Sans Belzébuth cornu.
Voici contre un carreau comme un reflet de lampe
Avec l'ombre d'un homme. Allons, montons la rampe,
Approchons et voyons.
Ah! c'est toi, docteur Faust! Dans la même posture
Du sorcier de Rembrandt sur la noire peinture
Aux flamboyants rayons.
Quoi! tu n'as pas brisé tes fioles d'alchimiste,