Salon de 1847. Theophile Gautier

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Salon de 1847 - Theophile Gautier

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chauds, une seule teinte mate revêt les corps des pieds à la tête: il est vrai que la lumière qui baigne les personnages de M. Couture semble tomber plutôt du ciel gris du nord que de la coupole de saphir du midi; ce qui n’empêche pas son tableau d’être une fort belle chose et d’éteindre toutes les toiles qui l’environnent.

      Avec ses qualités et ses défauts, M. Couture est parvenu à une chose bien difficile aujourd’hui, à produire une vive impression sur les artistes et sur le public. Homme du monde ou rapin, nul ne passe indifférent devant l’Orgie romaine, et ceux mêmes qui la voudraient plus antique lui reconnaissent un mérite hors ligne et un grand caractère.

      Le jeune maître a gagné devant l’opinion publique la bataille décisive pour laquelle il avait appelé le ban et l’arrière-ban de ses forces.

      Que le succès de l’Orgie romaine ne nous fasse pas oublier de dire que M. Couture a exposé deux magnifiques portraits: celui d’un homme, d’une singulière puissance de relief; et celui d’une femme drapée dans un châle, peinture pleine de réalité, de souplesse et de vie.

       Table des matières

      Le Sabbat des Juifs à Constantine, tableau refusé de M. Théo dore Chasseriau. — MM. Gérôme, — Horace Vernet, — Ziégler, — Laëmlein, — Hippolyte Flandrin.

      Sans la niaise férocité du jury qui a refusé M. Théodore Chasseriau, il se serait établi une lutte bien intéressante entre l’Orgie romaine et son Sabbat des juifs à Constantine, toile de sept mètres, composition immense, de la plus audacieuse originalité, où le jeune peintre, encore tout doré du soleil d’Afrique, a renfermé une éblouissante vision d’Orient dans ce fin contour grec qu’il semble avoir emprunté aux artistes de Pompeï et d’Herculanum, et qui en faisait l’élève chéri du maître le plus sévère. Rien n’est à la fois plus barbare et plus pur, plus arrêté et plus flamboyant; on dirait un rêve peint; mais ce rêve si éclatant, si bigarré, si splendide, si plein de rayons de soleil et d’yeux de diamant, c’est la vérité, c’est la vie. Nous qui avons passé par cette rue dont les maisons s’étagent sur des escaliers renversés, qui pouvons saluer comme des connaissances ces belles têtes au vague sourire, au regard chargé de mystère, nous nous sommes cru transporté sur l’aile de l’oiseau-roc ou sur le tapis des quatre Fakardins dans le nid de vautours d’Achmet-Bey.

      N’est-ce pas une honte et une infamie que quelques membres de l’Institut, dont les noms sont inconnus et les œuvres risibles, aient eu l’outrecuidance de rejeter un tableau de cette importance, qui, outre le mérite qu’il renferme, est le premier où l’Orient moderne soit représenté avec les proportions et le style de l’histoire? Est-il national de fermer les portes du Louvre à un ouvrage dont l’étrangeté même témoigne de notre gloire? En effet, ces figures chimériquement réelles, ces costumes fabuleusement vrais, ces maisons d’une exactitude invraisemblable, tout cela est devenu une ville française. Ces fantômes bariolés sont nos compatriotes. Le tableau ne fùt-il pas — ce qu’il est — de première force, cette idée de révéler à la France les physionomies de l’Afrique, de lui présenter, comme en un bouquet, les plus purs types de ces belles races qui nous sont maintenant soumises, ne valait-elle pas d’être prise en considération, et d’amener à l’indulgence les esprits timides ou retardataires qu’auraient pu alarmer la fierté du dessin et la fougue de l’exécution?

      Est-ce qu’ils savent d’ailleurs ce qu’ils veulent, ces juges iniques ou absurdes, et souvent l’un et l’autre? N’ont-ils pas repoussé, l’année dernière, une Cléopâtre se faisant piquer par l’aspic, du même peintre, sujet classique s’il en fut, et traité avec une élévation de style, une correction de dessin, une fermeté de pinceau et une puissance de couleur admirables? Ce cadre, l’un des plus beaux de l’école moderne, semblait un carton de M. Ingres coloré par Titien.

      Heureusement pour M. Chasseriau, sa belle chapelle de Sainte-Marie-l’Égyptienne, dans l’église de Saint-Merry, et ses gigantesques peintures murales au palais du quai d’Orsay, qui ne contiennent pas moins de deux cent trente figures, et qu’il vient d’ouvrir au public, cassent violemment l’arrêt du tribunal prévaricateur; les juges prévenus auront beau lui fermer le Louvre, personne ne croira que l’auteur de la Vénus Aphrodite, des Troyennes au bord de la mer, du Christ descendant du jardin des Olives, ne mérite pas un coin dans une exposition où M. Heim, l’un des juges, obtient un succès de fou-rire, par la peinture la plus grotesque qui ait jamais fait la grimace entre quatre morceaux de bois doré.

      N’y a-t-il pas en outre une absurdité patente à ce qu’un jeune homme chargé, par la direction des Beaux-Arts, du travail le plus vaste de ce temps-ci, et à la plus belle place qui existe peut-être à Paris, soit jugé indigne d’appendre une toile sur la tenture verte, à côté de ces affreux portraits de bourgeois et de cucurbitacées pour lesquels le jury montre toujours la plus paternelle indulgence?

      On dit qu’effrayés des clameurs qu’ils soulèvent et de la réprobation publique dont ils sont poursuivis, ces inquisiteurs de l’art, ces faiseurs d’exécutions secrètes, qui ont, pour noyer les jeunes réputations, un canal Orfano sous un pont des Soupirs, ont pris, à la fin, leur triste besogne en aversion; à leur chevet d’assassins se dressent, la nuit, les spectres des tableaux tués par eux, et, comme le meurtre d’une pensée est tout aussi grave que celui d’un corps, et qu’il vaut tout autant prendre la vie à quelqu’un que lui prendre la gloire, ils sont en proie à des insomnies amères et à des remords cuisants; ils vont, à ce que l’on assure, adresser une pétition au roi pour le supplier de les débarrasser de ces fonctions d’exécuteurs des basses œuvres. S’ils se repentent, à tout péché miséricorde...

      Puisque nous sommes malheureusement privé du plaisir de rendre compte du Sabbat des juifs à Constantine, félicitons-nous de ce que le jury ait laissé passer, par distraction apparemment, un charmant tableau plein de finesse et d’originalité d’un jeune homme dont nous entendons parler pour la première fois, et dont c’est le début si nous ne nous trompons: nous voulons dire les Jeunes Grecs faisant battre des coqs, de M. Gérôme.

      Ce sujet, tout vulgaire en apparence, a pris sous le fin crayon et le pinceau délicat de M. Gérôme une élégance rare et une distinction exquise; ce n’est pas, comme on pourrait le croire, au choix du thème adopté par l’artiste, une toile de petite dimension, comme cela est habituel pour de semblables fantaisies. Les figures sont de grandeur naturelle, et traitées d’une façon tout historique.

      Il faut beaucoup de talent et de ressources pour élever une scène si épisodique au rang d’une composition noble, et que ne désavouerait aucun maître.

      Au pied du socle d’une fontaine tarie où s’adosse un sphinx de marbre au profil écorné, et qu’entourent les végétations des pays chauds, arbousiers, myrtes, lauriers-roses, dont les feuilles métalliques se découpent sur l’azur tranquille de la mer, séparée de l’azur du ciel par la crête violâtre d’un promontoire, sont groupés deux adolescents, une vierge et un éphèbe, qui font battre les courageux oiseaux de Mars.

      La jeune fille s’accoude sur la cage, qui a contenu les belliqueux volatiles, dans une pose pleine de grâce et d’élégance. ’Ses mains effilées et pures s’entre-croisent et s’arrangent heureusement; un de ses bras presse légèrement sa gorge naissante, et le torse prend cette ligne serpentine si cherchée par les anciens; la cuisse, vue en raccourci, est dessinée savamment; la tête, coiffée avec un goût exquis d’une couronne de cheveux blond-cendré, dont les tons fins et doux tranchent à peine sur la peau, a une mignonnerie enfantine, une suavité virginale; les yeux baissés, la bouche

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