Salon de 1847. Theophile Gautier

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Salon de 1847 - Theophile Gautier

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de pourpre; cet assemblage de tons très-doux et très harmonieux fait valoir la blancheur dorée du corps de la jeune Grecque.

      Le garçon, les cheveux ornés de quelque folle brindille, de quelque feuille cueillie au buisson, s’agenouille et se penche vers son coq, dont il tâche d’exciter la valeur. Ses traits, quoique rappelant peut-être un peu trop le modèle, sont dessinés avec une finesse extrême; on voit qu’il suit de tous ses regards et de toute son âme les péripéties du combat.

      Quant aux coqs, ce sont de vrais prodiges de dessin, d’animation et de couleur; ni Sneyders, ni Veeninex, ni Oudry, ni Desportes, ni Rousseau, ni aucun de ceux qui ont peint des animaux n’ont atteint, après vingt ans de travail, la perfection où M. Gérôme est arrivé tout d’un coup.

      Le coq noir et lustré de reflets verdâtres, qui ne touche plus la terre, et s’élance le col recourbé, son triple collier de plumes se hérissant, l’œil furibond, la crête sanglante, le bec ouvert, les pattes ramenées au poitrail, et présentant à l’adversaire deux étoiles d’ongles menaçants et d’éperons formidables, est une merveille de pose, de dessin et de coloris.

      Le coq au pelage cuivré de nuances rousses, qui s’écrase contre le sol, relève la tête sournoisement, et tend son bec comme un glaive où doit s’embrocher son trop fougueux adversaire, n’est pas moins digne d’admiration.

      Ce qu’il y a surtout de remarquable dans ces coqs, c’est qu’à la plus parfaite vérité ils joignent une élégance, une noblesse singulières. Ce sont des coqs épiques, olympiens, et tels que Phidias les aurait sculptés aux pieds d’Arès, le dieu farouche enfanté par Hêrê sans la participation de Zeus.

      Enfants et coqs font du tableau de M. Gérôme une des plus charmantes toiles de l’exposition. Quel délicieux dessus de porte pour la salle à manger d’un roi ou d’un Rothschild!

      Cette année, Horace Vernet a fait trêve à son épopée d’Afrique. Il ne couvre plus tout un côté du salon de ses panoramas militaires tracés d’une main si prompte et d’un pinceau si alerte.

      Deux tableaux composent tout son bagage: l’un est le Portrait équestre du roi au milieu de ses fils; l’autre, une Judith, thème favori auquel l’artiste aime à revenir.

      Très-probablement Horace Vernet n’obtiendra pas, avec ce portrait, le succès que lui ont valu, auprès du public, la Smala et la Bataille de l’Isly; c’est pourtant une des meilleures choses qu’il ait faites; mais il n’y a là ni sujet, ni drame, ni palanquins se renversant avec des dromadaires qui les portent, et répandant sur le sable leur charge de femmes comme un écrin qu’on jette à terre et dont s’égrainent les bijoux, ni avare sauvant son trésor, ni négresse idiote agitant le hochet de la folie au milieu du tumulte et de l’épouvante; aucun de ces épisodes demi-grotesques dont la foule est si friande. Mais ces chevaux vus de face présentent des difficultés de raccourci que personne à coup sûr n’eût pu surmonter aussi heureusement qu’Horace Vernet. Ils sont bien dessinés, bien peints, sauf quelques nuances criardes, quelques brillants outrés; qui n’appartiennent qu’au vernis de la Chine de lord Elliot, et dont jamais la robe d’un quadrupède n’a pu se lustrer, pour moirée et soyeuse qu’elle fût. Le frisson de la lumière chatoie vivement, nous le savons, sur le poil d’une bête de race bien nourrie et pleine de vigueur; mais nous ne pensons pas que les éclairs métalliques dont flamboie le cheval noir, ou plutôt violet, qui piaffe à la gauche du roi, aient jamais illuminé le poitrail d’aucun coursier.

      Les personnages, d’une ressemblance suffisante, sont bien en selle, sans roideur, et suivent bien le mouvement de leurs montures.

      Au fond, par derrière, à travers une grille surmontée d’un écusson fleurdelisé, on aperçoit, au milieu de la cour du palais de Versailles, un Louis XIV de bronze chevauchant fièrement sur un coursier d’airain.

      Cette disposition bizarre et nécessaire de six personnages équestres, qui s’offrent tous de front au spectateur, préoccupe d’abord l’œil, qui ne sait trop où s’arrêter, mais qu’attirent bientôt et que ramènent au centre de la composition le blanc argenté du cheval que monte le roi et la lumière plus largement répandue sur le noble père de cet escadron de princes.

      Nous trouvons le fond un peu trop étroit; quelques pieds de plus dans tous les sens eussent donné de l’air et de la grâce au groupe des cavaliers.

      La Judith nous semble un des tableaux les plus malheureux d’Horace Vernet. Même dans ses toiles les plus rapidement brossées, il y a toujours du mouvement, de l’adresse, de l’esprit, une sûreté d’emporte-pièce dans la touche; ici, nous le disons à regret, tout est gauche, pénible, maladroitement emmanché ; la composition a toutes les peines du monde à se loger dans le cadre. Le malheureux Holopherne, outre le désagrément d’avoir eu la tête coupée, éprouve encore celui de ne savoir où mettre ses jambes, et se contourne dans une mare de sang de la façon la plus incommode pour lui et pour le spectateur. Judith, au bout d’un bras d’une roideur automatique, tient un yatagan émaillé de caillots pourpres, et jette de l’autre la tête du général assyrien dans un cabas de tapisserie, substitué, on ne sait pas trop pourquoi, au sac biblique tenu ouvert par la servante traditionnelle. Horace Vernet a commencé depuis longtemps cette mascarade à la bédouine des sujets de l’Ancien Testament.

      Nous ne protesterions pas contre ces fantaisies, car nous admettons très-bien, dans le Mariage de la Vierge de Raphaël, le jeune homme en pantalon rouge qui brise des baguettes sur son genou; et nous ne sommes nullement choqué des anachronismes de costume des maîtres vénitiens, parce qu’ils sont involontaires et naïfs; si les plis du bournous étaient agencés dans un grand style, si toutes les petites verroteries de la toilette arabe étaient rendues avec largeur, et si, à défaut de la vérité historique, la vérité humaine, la vérité éternelle, brillait dans la figure; si cette Judith avait le corps d’une des filles des tribus errantes, les formes fines et nerveuses, le feu dans l’œil, le souffle dans la narine, la palpitation du cœur sous un sein ému, que nous importerait qu’elle fût accoutrée en femme de Tuggurt ou de Biskarra, au lieu de porter les habits somptueux d’une riche veuve de Béthulie?

      Cet ajustement romanesque n’est pas même arrangé avec l’élégance qu’on est en droit d’attendre des costumes de fantaisie. La ceinture, placée très-bas, allonge démesurément le torse et fait paraître court le reste du corps. Pourquoi aussi cette large plaque d’un rouge équivoque qui tache la robe de la sainte meurtrière vers le milieu de la cuisse gauche? Cela donne à la scène un air de boucherie dégoûtant.

      Nous ne sommes pourtant pas bien petite maîtresse en fait d’art. Les écorcheries de Ribera, les supplices de Zurbaran, toutes les atrocités de l’école espagnole, toutes les sauvageries de Salvator Rosa et de Michel-Ange, de Caravage, n’ont rien qui nous répugne et nous fasse reculer; déchirez les poitrines à pleines mains, faites couler des cascades d’entrailles et ruisseler à flots le sang sous la hache des tourmenteurs; peignez des têtes coupées avec leurs vertèbres blanches dans la sombre pourpre; bleuissez de coups et de meurtrissures la chair livide du Christ et des martyrs: c’est bien, nous ne détournerons pas les yeux; mais alors, soyez violents, soyez féroces, soyez terribles, sauvez-nous du dégoût par l’effroi; ayez l’affreuse beauté qui rend un cadavre de l’Espagnolet l’égal d’une nymphe du Corrège; mais, pour Dieu, point d’horreur cotonneuse, point de tuerie mollasse, point de caillots de sang en gelée de groseille. Que le bourreau puisse apprécier vos décapitations!

      M. Ziégler, lui aussi, a fait une Judith; car ce sujet, mis à la mode par la tragédie de madame de Girardin, foisonne au Salon, où l’on en compte cinq ou six. Il l’a entendu d’une façon toute différente; ce qui prouve qu’il n’y a pas, à vrai dire, de sujet, mais bien mille

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