La Sacrifiée Indécise. Ines Johnson

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La Sacrifiée Indécise - Ines Johnson

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Sa main s’immobilisa sur une pièce de sous-vêtement.

      La culotte n’était pas une taille dame. L’étiquette indiquait la taille par âges. C’était celle d’une enfant. Âge : de six à douze ans. Le coton blanc était décoré de nounours qui se faisaient un câlin. Sur l’entrejambe, il y avait des traces de sang décolorées.

      La bretelle de la robe de Poppy tomba de son épaule quand elle se redressa. Elle ne remit pas la bretelle en place pour couvrir les taches de ses bras. Plus que tout, elle avait envie d’arracher sa robe. Le fin coton ressemblait soudain à du papier de verre sur sa peau sensible et couverte de maladie.

      — Qu’est-ce que tu fous ? Il faut que je me casse. T’es aussi stupide que t’es moche ?

      Elle n’était pas sûre de la manière dont le couteau de boucher avait atterri dans sa paume. Quand la main de Bruce s’abattit sur son épaule, elle se retourna et lui porta un coup avec le couteau.

      Les yeux de Bruce s’écarquillèrent sous le choc. Sa main vint couvrir sa joue. Du sang dégoulina entre ses doigts.

      — Tu as dit que tu ne toucherais jamais une enfant, dit Poppy d’une petite voix qui luttait pour sortir de sa gorge.

      Elle tenait le couteau dans une main et la culotte d’enfant dans l’autre.

      Les yeux de Bruce s’éclaircirent et se remplirent de colère.

      — Cette petite pute m’a supplié de lui donner du boulot. Elle en avait envie. Et maintenant, tu vas t’en ramasser une.

      Il avança vers elle. Poppy donna un nouveau coup de couteau. Mais Bruce avait bien plus l’habitude qu’elle d’infliger de la violence. Il se saisit de sa main, lui enlevant le couteau. Tout ce qui lui restait comme armure, c’était la petite culotte souillée de la petite fille de quelqu’un.

      C’était seulement la deuxième fois de sa vie qu’elle envisageait de se défendre. La première fois, elle portait encore une petite culotte taille huit ans, avec des licornes et des arcs-en-ciel. On la lui avait arrachée du corps, mais avant que la moindre goutte de sang n’ait pu être versée, son ange gardien était venue à son secours.

      Les yeux de Poppy s’emplirent de larmes, comme ils le faisaient chaque fois qu’elle pensait à sa maman. Kellyanne était morte depuis longtemps maintenant. Il n’y avait personne pour venir à son secours. Pas dans cette vie. La mort ne pouvait pas être pire. Au moins, elle quitterait ce parc de caravanes et verrait quelque chose d’autre par la fenêtre.

      Elle tourna la tête vers la fenêtre, se préparant à encaisser le poing de Bruce. Une minute… Est-ce qu’il l’avait déjà frappée ? Ou y avait-il quelque chose à la fenêtre ?

      Ce n’était pas seulement une nouvelle vue, mais une nouvelle personne. La femme assise sur le rebord portait bien trop de vêtements pour être considérée comme une prostituée. Le corset qu’elle portait serait un vêtement très apprécié par une tapineuse. Les bottes aussi. Mais personne dans ce parc ne pouvait s’offrir, ou ne voudrait s’embêter avec, un pantalon moulant en cuir qui prendrait de précieuses minutes à enfiler avant qu’un client puisse jouir. Et le pantalon devait être lavé à sec. Non, qui que soit cette femme, elle n’était pas ici pour tapiner.

      La femme bien habillée s’éclaircit la gorge juste au moment où Bruce levait le couteau pour frapper. Du coin de l’œil, Poppy vit Bruce se tourner vers la fenêtre. Il resta bouche bée quand il vit qui était là.

      — Je te dirais bien de t’en prendre à quelqu’un de ta taille…, dit la femme en baissant les yeux et en fixant le membre de Bruce dans son slip kangourou. Mais ce serait injuste de ma part.

      — Vous êtes qui, bordel ?

      Bruce pointa le couteau vers elle, ne s’inquiétant plus du décès imminent de Poppy. Pourquoi s’en serait-il inquiété ? Elle n’irait nulle part pour l’instant.

      La femme sauta en bas de la fenêtre, l’impact de ses bottes secouant la caravane plus que les pas de Bruce.

      — Je suis… ton chauffeur.

      Un sourire satisfait et hésitant souleva un coin de la bouche de Bruce.

      — Ah, ouais ? Où est-ce qu’on va, bébé ?

      La femme tira une longue épée luisante de derrière son dos. La lame était plus de cinq fois plus longue que le couteau dans la main de Bruce.

      — Tout droit après l’Enfer jusqu’à un endroit bien, bien pire. Et, petit veinard, on dirait que tu es parfaitement habillé pour l’occasion.

      Bruce ouvrit la bouche pour répondre. Un gargouillis sortit de sa gorge, parce que la femme lui avait taillé un trou béant en travers du cou. Du sang s’écoula d’où les mots étaient censés sortir. Le corps de Bruce tomba sur le sol avec un écœurant bruit sourd.

      Poppy resta figée. Son corps était même trop effrayé pour trembler de peur. Quand elle releva les yeux, la femme l’examinait du regard. Pas son visage, sa main.

      La femme leva une main, celle qui ne tenait pas l’épée, et fit un signe signifiant viens ici à Poppy. Sa peur de la violence l’avait bien dressée. Sans hésitation, Poppy fit ce qu’on lui demandait. Ses pas étaient lents et raides, mais elle parcourut la courte distance les séparant pour se tenir devant la femme.

      La femme tendit le bras et prit la culotte d’enfant des mains de Poppy.

      — Celui-ci a été sur mon radar pendant une minute, mais son dernier geste a signé son arrêt de mort.

      Elle utilisa la culotte pour essuyer le sang de Bruce de sa lame, recouvrant les nounours câlins avec l’essence de sa défunte vie. Ça semblait juste. Sa mort pour une innocence perdue.

      — On dirait que c’était la goutte d’eau pour toi aussi.

      Les yeux de la femme étincelèrent brillamment, comme des étoiles, lorsqu’ils passèrent du couteau de boucher abandonné à Poppy.

      La seule réponse que Poppy put lui donner fut de déglutir. Il y avait eu une assistante sociale qui s’était arrêtée à la caravane, une fois, habillée d’une robe boutonnée jusqu’en haut et de chaussures reluisantes. Bruce avait mis une bonne trempe à Poppy la nuit précédente. Le regard de l’assistante sociale était resté figé sur ces traces de coup. Quand Poppy avait refusé de partir avec elle, l’assistante sociale lui avait demandé pourquoi elle restait. Poppy avait laissé la porte-moustiquaire grinçante claquer au nez de cette femme.

      Elle avait vu quelques dramatisations filmées de femmes échappant à leurs maris en plein milieu de la nuit avec un mascara impeccable et des lèvres brillantes de gloss. Elle avait même vu assez de talk-shows de l’après-midi parlant de violences conjugales où l’animateur bien intentionné offrait des services en espèces et une porte de sortie. Rien de tout cela n’était le monde réel.

      En voyant Bruce étendu mort sur le sol, Poppy ne ressentit aucun remords pour lui. Mais elle commença à s’inquiéter pour elle-même. Elle n’avait pas d’instruction, pas de talent. Elle n’avait même pas un joli visage. Comment allait-elle gagner sa vie, à présent ?

      Poppy se passa la main dans les cheveux. Ses doigts

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