La fin de la mafia mondiale. Rolf Nagel
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« Karl, êtes-vous né ici ? », l'entendit-il demander dans un allemand presque parfait. À l'accent, on devinait une langue maternelle latine comme l'espagnol ou l'italien. Marian associait le vouvoiement et le prénom dans un équilibre bien dosé entre familiarité et respect, ce qui était inhabituel en Allemagne.
« Oui, j'ai passé toute ma vie dans cette ville. » Il la regardait dans ses magnifiques yeux noirs et discerna les traits de son visage subtilement maquillé.
Elle enchaîna immédiatement : « C'est vraiment une belle petite ville avec un charme très pittoresque. Cela doit être encore plus beau de découvrir cette ville à deux. Malheureusement, je suis toute seule ici aujourd'hui. »
Karl se demandait à quoi rimaient ces sottises sur la vie à deux. Il doutait que sa manière directe de parler corresponde à son éducation. Elle n'était quand même pas une de ces femmes qui s'adonnaient à la prostitution ? Néanmoins, il répondit poliment : « Mais une aussi jolie femme doit bien avoir un partenaire à ses côtés. »
« Non, ce n'est malheureusement pas le cas, mais cela peut changer. Et qu'en est-il de vous, Karl ? », entendit-il de sa bouche.
Karl répondit : « Mon travail me laisse peu de temps, si bien que l'opportunité ne s'est pas encore présentée. » Il chassa de son esprit l'idée que Marian put être une prostituée. Ce n'est pas possible qu'une telle femme puisse faire preuve d'une éducation et d'une prestance pareilles.
Il devait donc s'agir d'une dame de la haute société. Ils continuèrent à bavarder un certain temps sur la ville et sur ses attractions touristiques lorsque tout d'un coup il entendit : « Karl, je serais très heureuse que vous soyez mon hôte ce soir pour le dîner et que vous me teniez compagnie. Peut-être pourriez-vous me parler plus longuement de la ville ? Si vous me permettez la question. »
Sous le charme, et totalement pris au dépourvu par cette proposition, Karl répondit simplement : « Oui, volontiers ! » Ce n'est qu'après avoir prononcé ces mots qu'il s'étonna lui-même et constata qu'il avait, contre toute attente, accepté un rendez-vous. Un bruit fracassant retentit soudain et Karl se retourna, alarmé. Tout aussi choquée, sa voisine regarda derrière elle.
On vit aussitôt que deux voitures étaient entrées en collision. Le visage de Marian était maintenant encore plus pâle qu'auparavant. Le bruit fracassant du choc ne s'apparentait pas clairement au bruit d'un accident. Cela ressemblait bien plus à l'explosion d'une bombe. La peur qui en découla était disproportionnée. Il n'était rien arrivé aux occupants des véhicules, ceux-ci étaient sortis sains et saufs de leur voiture et débattaient haut et fort pour savoir qui pouvait bien être le coupable. Pourtant, la frayeur de Marian était telle qu'elle commença à trépigner.
Marian se tourna vers Karl et dit : « Bien, si vous le permettez, ma voiture viendra vous chercher à huit heures ? Cela vous convient-il, Karl ? » Ses yeux interrogateurs ne lâchaient pas son regard.
Il répondit de nouveau comme un automate : « Oui ! Oui, bien sûr, volontiers ! »
En se disant que cela ne lui ressemblait vraiment pas de bégayer, il sortit une carte de visite privée de sa veste et la lui tendit sans un mot. « Je me réjouis Karl, nous nous verrons donc pour le dîner. Je dois malheureusement partir maintenant. » Elle se leva et se dirigea vers le parking. Ce tour de force était apparemment tout aussi épuisant pour la novice Marian. Elle était vraiment contente d'avoir si bien mené son affaire. De loin, Karl la vit monter dans une limousine blanche pendant qu'un homme lui tenait la portière arrière. Il monta alors lui-même à la place du conducteur et fit tranquillement démarrer la voiture.
Le corps de Karl fut parcouru d'une puissante secousse. Que s'était-il passé ? Il venait d'être arraché à sa vie monotone en quelques phrases. En l'espace de quelques minutes seulement, sa soirée était prise sans même qu'il ait eu une seule chance de protester. Il était comme en état de transe. De toute sa vie, il n'avait jamais rien vécu de tel.
Devait-il s'en réjouir ? Ou s'en inquiéter ? Sans qu'il n'ait rien fait, quelqu'un s'immisçait dans sa vie. De la gente féminine en plus de ça, et il n'avait même pas eu l'ombre d'une chance d'user de son instinct de chasseur. Toutefois, un peu flatté, il s'abandonna à son sort. De toute évidence, cela devait être imputé à son manque d'expérience avec le sexe opposé. Quelles conséquences cela allait-il avoir sur sa vie future ? À vrai dire, tout cela était simplement effrayant. Mais son rendez-vous, il ne l'aurait pour rien au monde laissé tomber.
Il fallait qu'il se concentre et mette au point un plan de bataille. Il consulta donc sa nouvelle montre de luxe et remarqua qu'il ne lui restait plus que deux heures. Oui, c'était bien trop court pour élaborer un plan colossal avec les parades appropriées. Il ne pouvait pas, non plus, appeler les rares amis qu'il avait. De toute façon, ils n'auraient certainement pas cru à son histoire, même s'il passait pour être totalement digne de foi. Il se dépêcha finalement de rejoindre son appartement.
Au premier étage, il déverrouilla sa porte et entra prestement. Une fois la porte refermée sur lui, il se retrouva dans son environnement familier et se sentit de nouveau à l'abri et en sécurité. La sécurité, c'était sa devise personnelle. Mais dans quelle aventure imprévisible se trouvait-il tout à coup ?
Se doucher et se raser, coiffer ses cheveux et choisir à la hâte la chemise, la cravate et le costume assortis pour l'occasion. Pur stress !
Le téléphone se mit à sonner et il sortit de la salle de bains pour courir au téléphone. « Mère, je suis vraiment désolé, je n'ai pas le temps. Non, mère, tout va bien ! Mais oui, je te l'assure. Oui, vraiment. J'ai seulement rendez-vous avec une femme. Comment ? Non, non, je ne me marie pas. Mais d'où te vient cette idée ? Bien sûr, je te la présenterai dans ce cas ! Je te raconterai demain. À bientôt alors. »
Mon dieu, sa chère mère pensait déjà au mariage. Mais il n'avait vraiment pas le temps de s'en préoccuper maintenant.
Il se dit à lui-même : « Vite ! Le temps presse ! » Mais que pouvait bien arriver à faire un homme en une heure ? Ah ! les chaussettes, mais où sont-elles ? Oui, bien sûr, dans la commode ! Une ? Mais elles sont toujours par deux ! Un foulard assorti au costume, les deux assortis à la cravate. La chaussette ! Où est cette foutue chaussette ? Une noire et une grise. Ça, ça ne se faisait pas chez lui. Tout était toujours en ordre. Chaque chose avait sa place. Mais que se passait-il ? Ce jour-là, tout devenait désordre. L'appartement semblait être l'incarnation même du chaos. Les chaussures ! Oui, là ! Magnifique. Maintenant, les enfiler. Bien sûr les deux mêmes, une paire donc. Oui, une paire, c'est mieux. Halte ! Les chaussettes d'abord. Mais c'était toujours les mêmes chaussettes dépareillées. Seul un cognac pouvait aider. Il se rappela à l'ordre. « Mais enfin Karl, un cognac au milieu de l'après-midi ? Non, ce n'est pas possible, ce n'est vraiment pas possible ! » La bouteille retourna à sa place.
Karl pensa : « Je ne vais jamais y arriver de cette façon. Il faut simplement que je m'en tienne à un plan – comme d'habitude. Les sous-vêtements, puis les chaussettes et la chemise et pour finir, nouer la cravate. »
Encore trente minutes. Une entreprise apparemment irréalisable en si peu de temps. Mais soudain, la deuxième chaussette, de la même couleur en plus, comme il se doit, deux chaussures allant ensemble, une paire. Magnifique !
À vrai dire, Karl était prêt pour les Jeux Olympiques. Bon allez, au miroir. La cravate s'enroula impeccablement autour de son cou dans le col prévu à cet effet.