Orgueil et préjugés. Jane Austen
Чтение книги онлайн.
Читать онлайн книгу Orgueil et préjugés - Jane Austen страница 7
„Ne trouvez-vous pas, monsieur, que je me suis fort bien exprimée lorsque je demandais au colonel Forster de nous donner un bal à Meryton?
» — Avec beaucoup d’énergie, Mademoiselle, mais c’est un sujet qui rend toujours une dame éloquente.
» — Vous êtes un peu sévère envers notre sexe.
» — Ce sera bientôt votre tour d’être tourmentée, dit miss Lucas; je vais ouvrir le piano, Éliza, et vous savez ce que cela veut dire.
» — Pour une amie, vous êtes une étrange créature; vous voulez toujours me faire chanter et jouer devant tout le monde. Si j’eusse désiré briller par la musique, vous seriez impayable; mais comme il n’en est rien, je ne souhaite nullement jouer du piano devant des personnes accoutumées à entendre les meilleurs artistes.“ Mlle Lucas l’ayant priée avec instance, elle ajouta: „Eh bien, puisque vous le voulez, il faut prendre son parti“, et, jetant un coup d’œil sérieux sur M. Darcy, elle dit: „Je m’attends à la critique, mais elle ne saurait me faire impression.“
Elle jouait agréablement, mais, après une ou deux ariettes, et avant qu’elle eût le temps de répondre aux instances qu’on lui fit de continuer, elle fut remplacée au piano par sa sœur Mary, qui, étant la seule de la famille qu’on ne pût louer sur sa beauté, avait beaucoup travaillé pour acquérir du talent et était impatiente de le montrer.
Mary n’avait ni goût ni génie; et encore que la vanité lui eût donné de l’application, elle lui avait aussi donné un certain air de pédanterie et de suffisance qui aurait gâté un plus haut degré de perfection que celui qu’elle avait atteint.
Élisabeth, simple, sans affectation, avait été écoutée avec plaisir, quoiqu’elle ne touchât pas, à beaucoup près, aussi bien que Mary: celle-ci, à la fin d’un très-long concerto, se trouva heureuse d’acheter quelques faibles louanges en jouant des airs écossais, à la demande de ses sœurs cadettes, qui, avec les jeunes Lucas et quelques officiers, se mirent à danser dans un des coins du salon.
M. Darcy les regardait en silence, indigné d’une telle manière de passer la soirée, qui le privait de toute conversation, et trop absorbé dans ses pensées pour s’apercevoir que sir William était près de lui; mais sir William lui adressa enfin la parole:
„Voilà une charmante récréation pour les jeunes gens, monsieur Darcy; il n’y a rien, après tout, de comparable à la danse; je la regarde comme un des plus grands raffinemens de la civilisation.
» — Je le crois, monsieur, et, de plus, elle a l’avantage d’être en vogue parmi les peuples les moins civilisés: les sauvages savent danser.“
Sir William sourit. „Votre ami joue son rôle parfaitement bien,“ continua-t-il, après un moment de silence, en voyant M. Bingley joindre le groupe, „et je ne doute nullement que vous ne soyez bien capable de suivre son exemple, monsieur Darcy?
» — Il me semble, Monsieur, que vous m’avez vu danser à Meryton?
» — Oui, Monsieur, et cela me fit grand plaisir. Dansez-vous souvent à Saint-James?
» — Jamais.
» — Vous avez, sans doute, une maison en ville?“
M. Darcy répondit par un salut affirmatif.
„J’avais eu quelque envie de me fixer à Londres, car j’aime la haute société; mais j’ai craint que l’air de la ville ne convînt pas à lady Lucas.“
Il se tut, espérant recevoir une réponse, mais M. Darcy n’était pas disposé à lui en faire; et en ce moment Élisabeth s’étant approchée d’eux, il lui vint à l’idée une galanterie; il l’appelle:
„Ma chère miss Éliza, lui dit-il, pourquoi ne dansez-vous pas? Monsieur Darcy, vous me permettrez de vous présenter cette demoiselle comme une danseuse fort désirable. Vous ne pouvez refuser de danser, je suis sûr, lorsqu’une si jolie femme est devant vous“; et prenant la main d’Élisabeth, il la donna à M. Darcy, qui, bien que surpris, n’était pas fâché de la recevoir; mais elle se retira en arrière et dit avec embarras à sir William:
„En vérité, monsieur, je n’ai point envie de danser; je vous conjure de ne pas croire que je me sois avancée de ce côté-ci pour mendier un danseur.“
M. Darcy, avec gravité, la pria de l’honorer de sa main, mais ce fut inutilement: Élisabeth était décidée, et sir William essaya en vain de changer sa résolution.
„Vous dansez si bien, Mademoiselle! Par votre refus, vous me privez d’un vrai plaisir; et, quoique monsieur ait, en général, peu de goût pour cet exercice, il ne peut se refuser à nous obliger pendant une demi-heure.
» — M. Darcy est un modèle de civilité, dit Élisabeth en souriant.
» — Cela est vrai, mais, considérant le motif, Mademoiselle, on ne saurait s’étonner de sa complaisance: qui est-ce qui pourrait refuser une telle danseuse?“
Élisabeth le regarda d’un air malin, et s’éloigna.
Son refus ne lui avait pas nui auprès de M. Darcy; au contraire, il pensait à elle avec plaisir lorsqu’il fut joint par Mlle Bingley.
„Je devine le sujet de votre rêverie, lui dit-elle.
» — Je ne le crois pas, Mademoiselle.
» — Vous pensez combien il serait ennuyeux de passer beaucoup de soirées comme celle-ci, avec une pareille société: je suis bien de votre avis, je ne m’étais jamais autant ennuyée; l’insipidité et le bruit, la petitesse et cependant les prétentions de tous ces gens-là… que ne donnerais-je pas pour vous entendre les critiquer!
» — Vous conjecturez mal, je vous jure; mon imagination était plus agréablement occupée; je méditais sur l’extrême plaisir que peuvent causer les beaux yeux d’une jolie femme.“
Mlle Bingley le regarda fixement et témoigna le désir de savoir laquelle de ces deux dames avait su lui inspirer ces réflexions. M. Darcy répondit avec assurance:
„Mlle Élisabeth Bennet.
» — Élisabeth Bennet! répéta miss Bingley, vous m’étonnez beaucoup; et depuis quand a-t-elle ce bonheur? Quand pourra-t-on vous faire compliment du vôtre?
» — Voilà justement la question à laquelle je m’attendais; l’imagination d’une femme est bien vive, elle passe en un instant de l’admiration à l’amour, et de l’amour au mariage. Je prévoyais votre compliment.
» — Oh! oh! si vous êtes si sérieux, je croirai que c’est un parti pris absolument. Vous aurez vraiment une charmante belle-mère, et qui, sans doute, sera toujours avec vous à Pemberley.“
Il l’écoutait avec une parfaite indifférence, et cette tranquillité l’ayant rassurée, elle s’égaya long-temps sur le même sujet.
CHAPITRE VII
La fortune de M. Bennet consistait presque entièrement