L'île mystérieuse. Jules Verne

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L'île mystérieuse - Jules  Verne

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style="font-size:15px;">      Il essaya bien de les abattre à coups de flèche, mais sans résultat, car ils ne se posaient guère, et il eût fallu les atteindre au vol.

      Ce qui amena le marin à répéter à l’ingénieur:

      «Voyez-vous, monsieur Cyrus, tant que nous n’aurons pas un ou deux fusils de chasse, notre matériel laissera à désirer!

      – Sans doute, Pencroff, répondit le reporter, mais il ne tient qu’à vous! Procurez-nous du fer pour les canons, de l’acier pour les batteries, du salpêtre, du charbon et du soufre pour la poudre, du mercure et de l’acide azotique pour le fulminate, enfin du plomb pour les balles, et Cyrus nous fera des fusils de premier choix.

      – Oh! répondit l’ingénieur, toutes ces substances, nous pourrons sans doute les trouver dans l’île, mais une arme à feu est un instrument délicat et qui nécessite des outils d’une grande précision. Enfin, nous verrons plus tard.

      – Pourquoi faut-il, s’écria Pencroff, pourquoi faut-il que nous ayons jeté par-dessus le bord toutes ces armes que la nacelle emportait avec nous, et nos ustensiles, et jusqu’à nos couteaux de poche!

      – Mais, si nous ne les avions pas jetés, Pencroff, c’est nous que le ballon aurait jetés au fond de la mer! dit Harbert.

      – C’est pourtant vrai ce que vous dites là, mon garçon!» répondit le marin.

      Puis, passant à une autre idée:

      «Mais, j’y songe, ajouta-t-il, quel a dû être l’ahurissement de Jonathan Forster et de ses compagnons, quand, le lendemain matin, ils auront trouvé la place nette et la machine envolée!

      – Le dernier de mes soucis est de savoir ce qu’ils ont pu penser! dit le reporter.

      – C’est pourtant moi qui ai eu cette idée-là! dit Pencroff d’un air satisfait.

      – Une belle idée, Pencroff, répondit Gédéon Spilett en riant, et qui nous a mis où nous sommes!

      – J’aime mieux être ici qu’aux mains des sudistes! s’écria le marin, surtout depuis que M Cyrus a eu la bonté de venir nous rejoindre!

      – Et moi aussi, en vérité! répliqua le reporter. D’ailleurs, que nous manque-t-il? Rien!

      – Si ce n’est… tout! répondit Pencroff, qui éclata de rire, en remuant ses larges épaules. Mais, un jour ou l’autre, nous trouverons le moyen de nous en aller!

      – Et plus tôt peut-être que vous ne l’imaginez, mes amis, dit alors l’ingénieur, si l’île Lincoln n’est qu’à une moyenne distance d’un archipel habité ou d’un continent. Avant une heure, nous le saurons. Je n’ai pas de carte du Pacifique, mais ma mémoire a conservé un souvenir très net de sa portion méridionale. La latitude que j’ai obtenue hier met l’île Lincoln par le travers de la Nouvelle-Zélande à l’ouest, et de la côte du Chili à l’est. Mais entre ces deux terres, la distance est au moins de six mille milles. Reste donc à déterminer quel point l’île occupe sur ce large espace de mer, et c’est ce que la longitude nous donnera tout à l’heure avec une approximation suffisante, je l’espère.

      – N’est-ce pas, demanda Harbert, l’archipel des Pomotou qui est le plus rapproché de nous en latitude?

      – Oui, répondit l’ingénieur, mais la distance qui nous en sépare est de plus de douze cents milles.

      – Et par là? dit Nab, qui suivait la conversation avec un extrême intérêt, et dont la main indiqua la direction du sud.

      – Par là, rien, répondit Pencroff.

      – Rien, en effet, ajouta l’ingénieur.

      – Eh bien, Cyrus, demanda le reporter, si l’île Lincoln ne se trouve qu’à deux ou trois cents milles de la Nouvelle-Zélande ou du Chili?…

      – Eh bien, répondit l’ingénieur, au lieu de faire une maison, nous ferons un bateau, et maître Pencroff se chargera de le manœuvrer…

      – Comment donc, monsieur Cyrus, s’écria le marin, je suis tout prêt à passer capitaine… dès que vous aurez trouvé le moyen de construire une embarcation suffisante pour tenir la mer!

      – Nous le ferons, si cela est nécessaire!» répondit Cyrus Smith.

      Mais tandis que causaient ces hommes, qui véritablement ne doutaient de rien, l’heure approchait à laquelle l’observation devait avoir lieu. Comment s’y prendrait Cyrus Smith pour constater le passage du soleil au méridien de l’île, sans aucun instrument? C’est ce que Harbert ne pouvait deviner.

      Les observateurs se trouvaient alors à une distance de six milles des Cheminées, non loin de cette partie des dunes dans laquelle l’ingénieur avait été retrouvé, après son énigmatique sauvetage. On fit halte en cet endroit, et tout fut préparé pour le déjeuner, car il était onze heures et demie. Harbert alla chercher de l’eau douce au ruisseau qui coulait près de là, et il la rapporta dans une cruche dont Nab s’était muni.

      Pendant ces préparatifs, Cyrus Smith disposa tout pour son observation astronomique. Il choisit sur la grève une place bien nette, que la mer en se retirant avait nivelée parfaitement. Cette couche de sable très fin était dressée comme une glace, sans qu’un grain dépassât l’autre. Peu importait, d’ailleurs, que cette couche fût horizontale ou non, et il n’importait pas davantage que la baguette, haute de six pieds, qui y fut plantée, se dressât perpendiculairement. Au contraire, même, l’ingénieur l’inclina vers le sud, c’est-à-dire du côté opposé au soleil, car il ne faut pas oublier que les colons de l’île Lincoln, par cela même que l’île était située dans l’hémisphère austral, voyaient l’astre radieux décrire son arc diurne au-dessus de l’horizon du nord, et non au-dessus de l’horizon du sud.

      Harbert comprit alors comment l’ingénieur allait procéder pour constater la culmination du soleil, c’est-à-dire son passage au méridien de l’île, ou, en d’autres termes, le midi du lieu. C’était au moyen de l’ombre projetée sur le sable par la baguette, moyen qui, à défaut d’instrument, lui donnerait une approximation convenable pour le résultat qu’il voulait obtenir. En effet, le moment où cette ombre atteindrait son minimum de longueur serait le midi précis, et il suffirait de suivre l’extrémité de cette ombre, afin de reconnaître l’instant où, après avoir successivement diminué, elle recommencerait à s’allonger. En inclinant sa baguette du côté opposé au soleil, Cyrus Smith rendait l’ombre plus longue, et, par conséquent, ses modifications seraient plus faciles à constater. En effet, plus l’aiguille d’un cadran est grande, plus on peut suivre aisément le déplacement de sa pointe. L’ombre de la baguette n’était pas autre chose que l’aiguille d’un cadran.

      Lorsqu’il pensa que le moment était arrivé, Cyrus Smith s’agenouilla sur le sable, et, au moyen de petits jalons de bois qu’il fichait dans le sable, il commença à pointer les décroissances successives de l’ombre de la baguette. Ses compagnons, penchés au-dessus de lui, suivaient l’opération avec un intérêt extrême.

      Le reporter tenait son chronomètre à la main, prêt à relever l’heure qu’il marquerait, quand l’ombre serait à son plus court. En outre, comme Cyrus Smith opérait le 16 avril, jour auquel le temps vrai et le temps moyen se confondent, l’heure donnée par Gédéon Spilett serait l’heure vraie qu’il serait alors à Washington, ce qui simplifierait le calcul.

      Cependant

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