L'île mystérieuse. Jules Verne
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Donc, puisque Washington est par 77°3’11», autant dire soixante-dix-sept degrés comptés du méridien de Greenwich, – que les Américains prennent pour point de départ des longitudes, concurremment avec les Anglais, – il s’ensuivait que l’île était située par soixante-dix-sept degrés plus soixante-quinze degrés à l’ouest du méridien de Greenwich, c’est-à-dire par le vent cinquante-deuxième degré de longitude ouest.
Cyrus Smith annonça ce résultat à ses compagnons, et tenant compte des erreurs d’observation, ainsi qu’il l’avait fait pour la latitude, il crut pouvoir affirmer que le gisement de l’île Lincoln était entre le trente-cinquième et le trente-septième parallèle, et entre le cent cinquantième et le cent cinquante-cinquième méridien à l’ouest du méridien de Greenwich.
L’écart possible qu’il attribuait aux erreurs d’observation était, on le voit, de cinq degrés dans les deux sens, ce qui, à soixante milles par degré, pouvait donner une erreur de trois cents milles en latitude ou en longitude pour le relèvement exact.
Mais cette erreur ne devait pas influer sur le parti qu’il conviendrait de prendre. Il était bien évident que l’île Lincoln était à une telle distance de toute terre ou archipel, qu’on ne pourrait se hasarder à franchir cette distance sur un simple et fragile canot. En effet, son relèvement la plaçait au moins à douze cents milles de Taïti et des îles de l’archipel des Pomotou, à plus de dix-huit cents milles de la Nouvelle-Zélande, à plus de quatre mille cinq cents milles de la côte américaine!
Et quand Cyrus Smith consultait ses souvenirs, il ne se rappelait en aucune façon qu’une île quelconque occupât, dans cette partie du Pacifique, la situation assignée à l’île Lincoln.
CHAPITRE XV
Le lendemain, 17 avril, la première parole du marin fut pour Gédéon Spilett.
«Eh bien, monsieur, lui demanda-t-il, que serons-nous aujourd’hui?
– Ce qu’il plaira à Cyrus», répondit le reporter.
Or, de briquetiers et de potiers qu’ils avaient été jusqu’alors, les compagnons de l’ingénieur allaient devenir métallurgistes.
La veille, après le déjeuner, l’exploration avait été portée jusqu’à la pointe du cap Mandibule, distante de près de sept milles des Cheminées. Là finissait la longue série des dunes, et le sol prenait une apparence volcanique. Ce n’étaient plus de hautes murailles, comme au plateau de Grande-vue, mais une bizarre et capricieuse bordure qui encadrait cet étroit golfe compris entre les deux caps, formés des matières minérales vomies par le volcan. Arrivés à cette pointe, les colons étaient revenus sur leurs pas, et, à la nuit tombante, ils rentraient aux Cheminées, mais ils ne s’endormirent pas avant que la question de savoir s’il fallait songer à quitter ou non l’île Lincoln eût été définitivement résolue.
C’était une distance considérable que celle de ces douze cents milles qui séparaient l’île de l’archipel des Pomotou. Un canot n’eût pas suffi à la franchir, surtout à l’approche de la mauvaise saison.
Pencroff l’avait formellement déclaré. Or, construire un simple canot, même en ayant les outils nécessaires, était un ouvrage difficile, et, les colons n’ayant pas d’outils, il fallait commencer par fabriquer marteaux, haches, herminettes, scies, tarières, rabots, etc., ce qui exigerait un certain temps. Il fut donc décidé que l’on hivernerait à l’île Lincoln, et que l’on chercherait une demeure plus confortable que les Cheminées pour y passer les mois d’hiver.
Avant toutes choses, il s’agissait d’utiliser le minerai de fer, dont l’ingénieur avait observé quelques gisements dans la partie nord-ouest de l’île, et de changer ce minerai soit en fer, soit en acier.
Le sol ne renferme généralement pas les métaux à l’état de pureté. Pour la plupart, on les trouve combinés avec l’oxygène ou avec le soufre.
Précisément, les deux échantillons rapportés par Cyrus Smith étaient, l’un du fer magnétique, non carbonaté, l’autre de la pyrite, autrement dit du sulfure de fer. C’était donc le premier, l’oxyde de fer, qu’il fallait réduire par le charbon, c’est-à-dire débarrasser de l’oxygène, pour l’obtenir à l’état de pureté. Cette réduction se fait en soumettant le minerai en présence du charbon à une haute température, soit par la rapide et facile «méthode catalane», qui a l’avantage de transformer directement le minerai en fer dans une seule opération, soit par la méthode des hauts fourneaux, qui change d’abord le minerai en fonte, puis la fonte en fer, en lui enlevant les trois à quatre pour cent de charbon qui sont combinés avec elle.
Or, de quoi avait besoin Cyrus Smith? De fer et non de fonte, et il devait rechercher la plus rapide méthode de réduction. D’ailleurs, le minerai qu’il avait recueilli était par lui-même très pur et très riche. C’était ce minerai oxydulé qui, se rencontrant en masses confuses d’un gris foncé, donne une poussière noire, cristallise en octaèdres réguliers, fournit les aimants naturels, et sert à fabriquer en Europe ces fers de première qualité, dont la Suède et la Norvège sont si abondamment pourvues. Non loin de ce gisement se trouvaient les gisements de charbon de terre déjà exploités par les colons. De là, grande facilité pour le traitement du minerai, puisque les éléments de la fabrication se trouvaient rapprochés.
C’est même ce qui fait la prodigieuse richesse des exploitations du Royaume-Uni, où la houille sert à fabriquer le métal extrait du même sol et en même temps qu’elle.
«Alors, monsieur Cyrus, lui dit Pencroff, nous allons travailler le minerai de fer?
– Oui, mon ami, répondit l’ingénieur, et, pour cela, – ce qui ne vous déplaira pas, – nous commencerons par faire sur l’îlot la chasse aux phoques.
– La chasse aux phoques! s’écria le marin en se retournant vers Gédéon Spilett. Il faut donc du phoque pour fabriquer du fer?
– Puisque Cyrus le dit!» répondit le reporter.
Mais l’ingénieur avait déjà quitté les Cheminées, et Pencroff se prépara à la chasse aux phoques, sans avoir obtenu d’autre explication.
Bientôt Cyrus Smith, Harbert, Gédéon Spilett, Nab et le marin étaient réunis sur la grève, en un point où le canal laissait une sorte de passage guéable à mer basse. La marée était au plus bas du reflux, et les chasseurs purent traverser le canal sans se mouiller plus haut que le genou.
Cyrus Smith mettait donc pour la première fois le pied sur l’îlot, et ses compagnons pour la seconde fois, puisque c’était là que le ballon les avait jetés tout d’abord.
À leur débarquement, quelques centaines de pingouins les regardèrent d’un œil candide. Les colons, armés de bâtons, auraient pu facilement les tuer, mais ils ne songèrent pas à se livrer à ce massacre deux fois inutile, car il importait de ne point effrayer les amphibies, qui étaient couchés sur le sable, à quelques encablures. Ils respectèrent aussi certains manchots