Double-Blanc. Fortuné du Boisgobey

Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Double-Blanc - Fortuné du Boisgobey страница 7

Double-Blanc - Fortuné du Boisgobey

Скачать книгу

si ce n’est que la mère était veuve d’un commodore de la marine des États-Unis. La fille le lui avait dit et il n’en avait pas demandé davantage.

      On croira sans peine qu’il les chercha partout, notamment à Lorient et à Brest où il supposait qu’elles avaient pu s’embarquer pour l’Amérique. Il n’en eut aucunes nouvelles, et il faillit mourir de chagrin.

      Son père le crut fou et l’envoya terminer ses études à Paris, dans une école préparatoire. Mais Hervé manqua deux fois l’examen de Saint-Cyr et revint à Trégunc, où il resta jusqu’à la mort du gentilhomme dont il était l’unique héritier.

      Hervé n’était pas guéri de sa passion romanesque pour une absente. Il pensa bien longtemps à Héva, quoiqu’il menât à Paris une vie très dissipée. L’image de cette jeune fille, à peine entrevue, ne s’effaçait pas de sa mémoire et il ne désespérait pas de la retrouver.

      Sept ans après, il ne l’avait pas encore oubliée, lorsque, pendant un court séjour qu’il fit à son château, il lui arriva une étrange aventure.

      Un soir, vers la fin du mois d’octobre, étant allé attendre le passage des bécasses qui en cette saison foisonnent sur la côte, Hervé fit si bonne chasse que la nuit tomba avant qu’il songeât à regagner son manoir de Trégunc: une belle nuit d’automne éclairée par la pleine lune.

      En cherchant son chemin à travers les ajoncs, il reconnut que le hasard l’avait conduit tout près de la pointe de Trévic, et l’idée lui vint de revoir le dolmen au pied duquel il avait juré à Héva de l’aimer toujours.

      Sept années avaient passé sur ce serment et Hervé de Scaër ne doutait plus que la mort de la jeune fille l’en eût délié, mais il se souvenait d’elle et il chercha la place où il s’était fiancé en plein air.

      Il la retrouva sans peine, car le monument druidique s’élevait à l’extrémité d’un promontoire et on l’apercevait de très loin. Sa masse énorme se profilait sur l’horizon comme un monstrueux animal antédiluvien et dominait une grève hérissée de rochers vers laquelle le cap s’abaissait par une pente douce.

      Hervé eut tôt fait d’arriver à l’entrée de la voûte de pierre qui s’étendait parallèlement à la mer.

      La pâle lumière de la lune n’y pénétrait pas, mais Hervé crut voir poindre dans l’ombre une forme blanche qui semblait reculer à mesure qu’il avançait.

      Il entra sous la voûte et la forme blanche disparut; mais quand il sortit par l’autre bout de la galerie, il vit, très distinctement cette fois, une femme enveloppée d’une longue mante blanche et courant sur la plage vers un canot où l’attendaient deux matelots armés de leurs avirons.

      Elle y monta; ils ramèrent et le canot disparut derrière un gros écueil.

      Hervé aurait pu croire qu’il avait rêvé tout cela, s’il n’eût entendu, bientôt après, le bruit de l’hélice d’un vapeur dont il n’aperçut que la fumée.

      Où allait ce navire et qu’était-il venu faire, la nuit, dans ces parages dangereux où les marins ne se risquent pas volontiers, même en plein jour? La contrebande, peut-être. Mais la femme en blanc, que cherchait-elle toute seule sous le dolmen? Assurément, les fraudeurs ne comptaient pas y entreposer leurs ballots de marchandises prohibées. Les fraudeurs n’ont pas coutume d’emmener leurs femmes dans leurs expéditions. Il y avait d’ailleurs, sur la côte, des postes de douaniers qui se seraient opposés au débarquement, si le navire leur avait paru suspect.

      Hervé ne croyait pas aux fées, et du reste si, comme l’affirment les Cornouaillais, les fées se promènent au clair de lune sur les bruyères désertes, personne ne les a jamais vues naviguer.

      Le dernier des Scaër rentra au château très intrigué et même un peu troublé.

      Dès le lendemain, il s’informa auprès des pêcheurs de la côte et il apprit que, pendant deux jours, un yacht avait croisé sous l’archipel des Glenans, et que, la veille au soir, il avait pris le large.

      Sur ce renseignement, Hervé s’imagina que la femme qu’il avait surprise sous le dolmen y était venue accomplir une sorte de pèlerinage, en mémoire de Héva Nesbitt, qui lui aurait confié l’histoire de ses fiançailles d’antan avec un jeune gentleman breton.

      Il ne supposa point que cette femme fût Héva elle-même, d’abord parce qu’il était convaincu que la pauvre Héva l’aurait reconnu et ne se serait pas sauvée en le voyant apparaître.

      La première hypothèse n’était pas beaucoup moins hasardée et, pour l’admettre un seul instant, il fallait avoir l’esprit fortement tourné au merveilleux.

      C’était le cas d’Hervé et il y crut si bien qu’il prolongea de trois semaines son séjour à Trégunc et qu’il revint souvent au dolmen de Trévic, dans le chimérique espoir d’y rencontrer encore la touriste américaine.

      Il en fut pour ses peines. La dame blanche ne se montra plus; il lui fallut revenir à Paris sans avoir trouvé le mot de cette énigme. Mais trois ans après, à la veille de se marier, il y pensait encore quelquefois.

      Ainsi, pour la lui rappeler, il avait suffi qu’une inconnue masquée lui dit qu’elle l’avait déjà vu, autrefois, en Bretagne, et depuis qu’il avait lu sa lettre, il ne doutait plus d’avoir retrouvé la fée, comme elle s’intitulait elle-même. Mais il ne s’expliquait pas qu’elle eût attendu si longtemps avant de lui donner signe de vie.

      Encore moins s’expliquait-il comment elle avait deviné qu’elle le rencontrerait au bal de l’Opéra, la nuit du samedi gras. Et il fallait qu’elle l’eût deviné, puisqu’elle lui avait écrit avant d’y venir.

      Tout cela était incompréhensible et Hervé ne cherchait plus à comprendre, mais il évoquait par la pensée la scène de la grève; il l’évoquait en plein Paris, à cent cinquante lieues de son pays, au bruit lointain des voitures roulant sur les boulevards et en face de la colonne Vendôme qui ne ressemblait pas du tout au dolmen de Trévic.

      La lettre qu’il avait sous les yeux le fit souvenir qu’il avait une décision à prendre.

      Répondrait-il à ce billet anonyme, ou bien s’abstiendrait-il d’entrer en correspondance avec celle qui le lui adressait? La question valait qu’il y réfléchît.

      La dame ne comptait pas s’en tenir aux préambules épistolaires, puisqu’elle lui annonçait un prochain rendez-vous, sous prétexte de lui donner des nouvelles d’Héva, et rien ne prouvait que ce prétexte ne cachait pas l’arrière-pensée de séduire le jeune et beau seigneur de Scaër.

      Une femme qui va seule au bal de l’Opéra est toujours sujette à caution et Hervé craignait d’avoir affaire à une intrigante.

      Il aurait mal pris son temps pour s’embarquer dans une liaison dangereuse, maintenant que son mariage était décidé, et il ne se souciait pas de déranger sa vie.

      D’un autre côté, il lui semblait dur de manquer l’occasion inespérée d’éclaircir un mystère qui lui tenait fort au cœur.

      Quelles que fussent au fond les intentions de l’énigmatique personne que Pibrac avait irrespectueusement surnommée: Double-Blanc, elle ne pouvait pas avoir inventé l’histoire de la rencontre nocturne, sur une côte sauvage, et Hervé, en l’interrogeant, apprendrait à coup sûr beaucoup de choses qu’il voulait

Скачать книгу