Œuvres Complètes de Frédéric Bastiat, tome 3. Bastiat Frédéric
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Le président, en proposant un vote de remercîment envers les orateurs, saisit cette occasion pour engager les assistants à propager dans tout le pays les journaux qui contiendront le compte rendu le plus fidèle du présent meeting.
MEETING HEBDOMADAIRE DE LA LIGUE
5 avril 1843
L'assemblée est aussi nombreuse qu'aux séances précédentes, et nous n'y avons jamais remarqué autant de dames. L'attention soutenue prêtée aux orateurs, l'ordre et la décence qui règnent dans toutes les parties de la salle, témoignent que la Ligue agit avec calme, mais avec efficacité sur l'esprit de cette métropole.
Nous avons remarqué sur l'estrade MM. Villiers, Gibson Hume, Cobden, Ricardo, le cap. Plumridge, Malculf, Scholefield, Holland, Bowring, tous membres du Parlement; Moore, Heyworth, l'amiral Dundas, Pallison, etc., etc.
«Le président, M. Georges Wilson, en ouvrant la séance, annonce que plusieurs meetings ont été tenus sur divers points du territoire: un à Salford, présidé par le premier officier de la municipalité; un autre à Doncastre, où plusieurs propriétaires du voisinage se sont fait entendre. Dans tous les deux, des résolutions ont été prises contre le monopole. Vendredi dernier, un meeting a eu lieu à Norwich, auquel assistait une députation de la Ligue, composée du col. Thompson, de M. Moore et de M. Cobden. Plus de 4,000 personnes assistaient à cette réunion, et les applaudissements dont elles ont salué la députation témoignent assez de leur sympathie pour notre cause. Samedi, un autre meeting, spécialement destiné à la classe des agriculteurs, a été tenu dans la même ville avec l'assistance de la même députation. Aucun murmure de désapprobation, aucune parole hostile, ne se sont fait entendre19. À la fin de la séance, le célèbre philanthrope M. John-Joseph Gurney de Norwich a invité le peuple à mettre de côté tout esprit de parti, toutes préventions politiques, et à ne voir dans cette cause qu'une question de justice et d'humanité. (Applaudissements.) Le président se félicite de voir aussi l'Irlande entrer dans le mouvement. La semaine dernière un grand meeting a eu lieu à Newtownards, sur la propriété de lord Londonderry. (Bruyante hilarité.) Faute d'un local assez vaste, la réunion a eu lieu en plein air, malgré la rigueur du temps. – Quelque importantes que soient ces grandes assemblées, la Ligue n'a pas négligé ses autres devoirs. Les professeurs d'économie politique ont continué leurs cours. Dès l'origine, la Ligue a senti combien il était désirable qu'elle concourût de ses efforts à l'avancement d'un bon système d'éducation libérale. Elle aspire à se préparer, pour l'époque où elle devra se dissoudre, d'honorables souvenirs, en guidant le peuple dans ces voies d'utilité publique qu'elle a eu le mérite d'ouvrir. On l'a accusée d'être révolutionnaire; mais les trois quarts de ses dépenses ont pour but la diffusion des saines doctrines économiques. Si la Ligue est révolutionnaire, Adam Smith et Ricardo étaient des révolutionnaires, et le bureau du commerce (board of trade) est lui-même rempli de révolutionnaires20. (Approbation.) Ce n'est pas ses propres opinions, mais les opinions de ces grands hommes, que la Ligue s'efforce de propager; elles commencent à dominer dans les esprits et sont destinées à dominer aussi dans les conseils publics, dans quelques mains que tombent le pouvoir et les portefeuilles. – Il faut excuser les personnes que leur intérêt aveugle sur la question du monopole; mais il est pénible d'avoir à dire que, dans quelques localités, le clergé de l'Église établie n'a pas craint de dégrader son caractère en maudissant les écrits de la Ligue, auxquels il n'a ni le talent ni le courage de répondre21. (Bruyantes acclamations.) Le doyen de Hereford a abandonné la présidence de la Société des ouvriers, parce que l'excellent secrétaire de cette institution avait déposé dans les bureaux quelques exemplaires de notre circulaire contre la taxe du pain (bread-tax). M. le doyen commença bien par offrir la faculté de retirer le malencontreux pamphlet; mais le secrétaire ayant préféré son devoir à un acte de courtoisie envers le haut dignitaire de l'Église, il en est résulté que la circulaire est restée et que c'est le doyen qui est sorti. (Rires.) J'ai devant moi une lettre authentique qui établit un cas plus grave. Dans un bourg de Norfolk, un gentleman avait été chargé de faire parvenir, par l'intermédiaire du sacristain, quelques brochures de la Ligue au curé et à la noblesse du voisinage. Le sacristain déposa ces brochures sur la table du vestiaire; mais lorsque le ministre entra pour revêtir sa robe, il s'en empara, les porta à l'église et en fit le texte d'un discours violent, où il traita les membres de la Ligue d'assassins (éclats de rires), ajoutant qu'un certain Cobden (on rit plus fort) avait menacé sir Robert Peel d'être assassiné s'il ne satisfaisait aux vœux de la Ligue; après quoi il fit brûler les brochures dans le poêle, disant qu'elles exhalaient une odeur de sang. (Nouveaux rires.) Je conviens qu'une telle conduite mérite plus de compassion que de colère, compassion pour le troupeau confié à la garde d'un tel ministre; compassion surtout pour le ministre lui-même, qui demande à son Créateur «le pain de chaque jour» avec un cœur fermé aux souffrances de ses frères; pour un ministre qui oublie à ce point la sainteté du sabbat et la majesté du temple, que de convertir
19
On conçoit qu'en Angleterre c'est la classe agricole qui s'oppose à la liberté des échanges, comme en France la classe manufacturière.
20
Le
21
Le clergé d'Angleterre se rattache au monopole par la dîme. Il est évident que plus le prix du blé est élevé, plus la dîme est lucrative. Il s'y rattache encore par les liens de famille qui l'unissent à l'aristocratie.