Œuvres Complètes de Frédéric Bastiat, tome 3. Bastiat Frédéric
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Puisque j'ai parlé du droit fixe, je dois répondre à cette étrange assertion, que le droit sur le blé est payé par l'étranger. S'il en est ainsi, il ne s'agirait que d'augmenter ce droit pour rejeter sur l'étranger tout le fardeau de nos taxes. (Rires et applaudissements.) Si toutes nos importations provenaient d'une petite île comme Guernesey, je pourrais comprendre qu'elles seraient trop disproportionnées avec la consommation du pays, pour qu'un droit prélevé sur ce faible supplément pût affecter le prix du blé indigène. Dans cette hypothèse, abolir le droit, ce serait en faire profiter le propriétaire de Guernesey. Mais avec la liberté du commerce, les arrivages nous viendraient de tous les points du globe, et feraient au blé indigène une concurrence suffisante pour le maintenir à bas prix. Dans de telles circonstances, une taxe sur le blé étranger ne peut qu'élever le prix du blé national, et soumettre par conséquent le peuple à un impôt beaucoup plus lourd que celui qui rentre à l'Échiquier…
On dit encore que, si nous supprimons la taxe sur le blé exotique, l'étranger pourra le soumettre à un droit d'exportation, et attirer vers son trésor public une source de revenu, qui maintenant va à notre trésor. Si les étrangers interrompaient ainsi le commerce du blé, nos agriculteurs du moins ne devraient pas s'en plaindre, puisque c'est ce qu'ils font eux-mêmes. – Mais commençons par mettre de notre côté la chance que l'étranger s'abstiendra d'établir de tels droits. (Approbation.) Ouvrons nos ports, et s'il se rencontre un gouvernement qui taxe le blé destiné à l'Angleterre, il sera victime de son impéritie, car nous irons chercher nos approvisionnements ailleurs.
Il est un autre sophisme qui a fait son entrée dans le monde sous le nom de traités de commerce26. On nous dit: «N'abrogez pas les lois-céréales jusqu'à ce que l'étranger réduise les droits sur nos produits manufacturés.» Ce sophisme repose sur l'opinion que le gouvernement d'un pays est disposé à modifier son tarif à la requête des étrangers; il tend à subordonner toute réforme chez un peuple à des réformes chez tous les autres.
Mais quelle est, au sein d'un peuple, la force capable de détruire la protection? Ce n'est pas les prétentions de l'étranger, mais l'union et l'énergie du peuple, fatigué d'être victime d'intérêts privilégiés. Voyez ce qui se passe ici. Qu'est-ce qui maintient les lois restrictives? C'est l'égoïsme et la résolution de nos monopoleurs, les Knatchbull, les Buckingham, les Richmond. Si l'étranger venait leur demander l'abandon de ces lois, adhéreraient-ils à une telle requête? Certainement non. Les exigences de l'étranger ne rendraient nos seigneurs ni plus généreux, ni plus indifférents à leurs rentes, ni moins soucieux de leur prépondérance politique. (Applaudissements.) Eh bien, en cela les autres pays ne diffèrent pas de celui-ci; et si nous allions réclamer d'eux des réductions de droits, ils ont aussi des Knatchbull et des Buckingham engagés dans des priviléges manufacturiers, et on les verrait accourir à leur poste pour y défendre vigoureusement leurs monopoles. Ailleurs, comme ici, ce n'est que la force de l'opinion qui affranchira le commerce. (Écoutez! écoutez!) Je vous conseille de ne pas vous laisser prendre à ce vieux conte de réciprocité; de ne point vous laisser détourner de votre but par ces histoires d'ambassadeurs allant de nation en nation pour négocier des traités de commerce et des réductions réciproques de tarifs. Le peuple de ce pays ne doit compter que sur ses propres efforts pour forcer l'aristocratie à lâcher prise. (Acclamations.) – La question maintenant est de savoir sous quelle forme nous nous adresserons à la législature. Demanderons-nous aux landlords l'abrogation des lois restrictives comme un acte de charité et de condescendance? solliciterons-nous à titre de faveur, ou exigerons-nous comme un droit la libre et entière disposition des fruits de notre travail, soit que nous les devions à nos bras ou à notre intelligence? (Bravos prolongés.) On a dit, je le sais, que le joug de l'oppression avait pesé si longtemps sur la classe moyenne, qu'elle avait perdu jusqu'au courage de protester, et que son cœur et son esprit avaient été domptés par la servilité. Je ne le crois pas. (Applaudissements.) Je ne puis pas croire que les classes moyennes et laborieuses, du moment qu'elles ont la pleine connaissance des maux que leur infligent les nombreuses restrictions imposées à leur industrie par la législature, reculent devant une démonstration chaleureuse et unanime (bruyantes acclamations), pour demander d'être placées, avec les classes les plus favorisées, sur le pied d'une parfaite égalité. – Les propriétaires terriens me demanderont si, lorsque je réclame l'abolition de leurs monopoles, je suis autorisé par les manufacturiers à abandonner toutes les protections dont ils jouissent. Je réponds qu'ils sont prêts à faire cet abandon (applaudissements), et je rougirais de paraître devant cette assemblée pour y plaider la cause de l'abrogation des lois-céréales, si je ne réclamais en même temps l'abolition radicale de tous les droits protecteurs, en quoi qu'ils puissent consister. (Applaudissements.) C'est sur ce terrain que nous avons pris position et que nous entendons nous maintenir. Les lois-céréales, aussi bien que les autres droits protecteurs, ont passé au Parlement alors que les classes manufacturières et commerciales n'y étaient pas représentées, à une époque où ce corps nombreux et intelligent, qui forme la grande masse de la communauté, ne pouvait s'y faire entendre par l'organe de ses députés. Vainement reproche-t-on aux manufacturiers de jouir des bienfaits de la protection, comme par exemple de droits à l'entrée des étoffes de coton à Manchester, ou de la houille à Newcastle. (Rires.) N'est-il pas clair que les landlords ont admis ces priviléges illusoires pour faire passer les leurs? (Approbation.) Ce ne sont pas les manufacturiers qui ont établi ces droits, c'est l'aristocratie, qui, pénétrant dans leurs comptoirs, a la prétention de leur dicter quand, où et comment ils doivent accomplir des importations et des échanges. Il est puéril de reprocher à l'industrie
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En 1842, sir Robert Peel, en présentant au Parlement la première partie de cette réforme commerciale que nous voyons se développer en 1845, disait qu'il n'avait pas touché à plusieurs articles importants, tels que le sucre, le vin, etc., pour se ménager les moyens d'obtenir des traités de commerce avec le Brésil, la France, l'Espagne, le Portugal, etc.; mais il reconnaissait en principe, que si les autres nations refusaient de recevoir les produits britanniques, ce n'était pas une raison pour priver les Anglais de la faculté d'aller acheter là où ils trouveraient à le faire avec le plus d'avantage. Ses paroles méritent d'être citées:
«We have reserved many articles from immediate reduction in the hope that ere long we may attain what is just and right, namely increased facilities for our exports in return; at the same time, I am bound to say, that it is for the interest of this country to buy cheap, whether other countries will buy cheap from us or no. We have right to exhaust all means to induce them to do justice, but if they persevere in refusing, the penalty is on us if we do not buy in the cheapest market.» (Speech of Sir Robert Peel, 10th May 1842.)
Toute la science économique, en matière de douanes, est dans ces dernières lignes.