Œuvres Complètes de Frédéric Bastiat, tome 3. Bastiat Frédéric
Чтение книги онлайн.
Читать онлайн книгу Œuvres Complètes de Frédéric Bastiat, tome 3 - Bastiat Frédéric страница 6
Le sucre des Antilles payait le moindre droit; celui de Maurice et des Indes était soumis à une taxe plus élevée. Le sucre étranger était repoussé par un droit prohibitif.
Le 5 juillet 1825, l'île Maurice, et, le 13 août 1836, l'Inde anglaise furent placées avec les Antilles sur le pied de l'égalité.
La législation simplifiée ne reconnut plus que deux sucres: le sucre colonial et le sucre étranger. Le premier avait à acquitter un droit de 24 sh., le second de 63 sh. par quintal.
Si l'on admet, pour un instant, que le prix de revient soit le même aux colonies et à l'étranger, par exemple, 20 sh., on comprendra aisément les résultats d'une telle législation, soit pour les producteurs, soit à l'égard des consommateurs.
L'étranger ne pourra livrer ses produits sur le marché anglais au-dessous de 83 sh., savoir: 20 sh. pour couvrir les frais de production, et 63 sh., pour acquitter la taxe. – Pour peu que la production coloniale soit insuffisante à alimenter ce marché; pour peu que le sucre étranger s'y présente, le prix vénal (car il ne peut y avoir qu'un prix vénal), sera donc de 83 sh., et ce prix, pour le sucre colonial, se décomposera ainsi:
On voit que la loi anglaise avait pour but de faire payer au peuple 83 sh. ce qui n'en vaut que 20, et de partager l'excédant, ou 63 sh., de manière à ce que la part du trésor fût de 24, et celle du monopole de 39 sh.
Si les choses se fussent passées ainsi, si le but de la loi avait été atteint, pour connaître le montant de la spoliation exercée par les monopoleurs au préjudice du peuple, il suffirait de multiplier par 39 sh. le nombre de quintaux du sucre consommé en Angleterre.
Mais, pour le sucre comme pour les céréales, la loi a failli dans une certaine mesure. La consommation limitée par la cherté n'a pas eu recours au sucre étranger, et le prix de 83 sh. n'a pas été atteint.
Sortons du cercle des hypothèses et consultons les faits. Les voici soigneusement relevés sur les documents officiels.
De ce tableau, il est fort aisé de déduire les pertes énormes que le monopole a infligées, soit à l'Échiquier, soit au consommateur anglais.
Calculons en monnaies françaises et en nombres ronds pour la plus facile intelligence du lecteur.
À raison de 49 fr. 20 c. (39 sh. 5 d.), plus 30 fr. de droits (24 sh.), il en a coûté au peuple anglais, pour consommer annuellement 3,868,000 quintaux de sucre, la somme de 306 millions et demi, qui se décompose ainsi:
Il est clair que, sous le régime de l'égalité et avec un impôt uniforme de 30 fr. par quintal, si le peuple anglais eût voulu dépenser 306 millions de francs en ce genre de consommation, il en aurait eu, au prix de 26 fr. 75, plus 30 francs de taxe, 5,400,000 quintaux ou 22 kil. par habitant au lieu de 16. – Le trésor, dans cette hypothèse, aurait recouvré 162 millions au lieu de 116.
Si le peuple se fût contenté de la consommation actuelle, il aurait épargné annuellement 86 millions, qui lui auraient procuré d'autres satisfactions et ouvert de nouveaux débouchés à son industrie.
Des calculs semblables, que nous épargnons au lecteur, prouvent que le monopole accordé aux propriétaires de bois du Canada coûte aux classes laborieuses de la Grande-Bretagne, indépendamment de la taxe fiscale, un excédant de 30 millions.
Le monopole du café leur impose une surcharge de 6,500,000 fr.
Voilà donc, sur trois articles coloniaux seulement, une somme de 123 millions enlevée purement et simplement de la bourse des consommateurs en excédant du prix naturel des denrées ainsi que des taxes fiscales, pour être versée, sans aucune compensation, dans la poche des colons.
Je terminerai cette dissertation, déjà trop longue, par une citation que j'emprunte à M. Porter, membre du Board of trade.
«Nous avons payé en 1840, et sans parler des droits d'entrée, 5 millions de livres de plus que n'aurait fait pour une égale quantité de sucre toute autre nation. Dans la même année, nous avons exporté pour 4,000,000 l. st. aux colonies à sucre; en sorte que nous aurions gagné un million à suivre le vrai principe, qui est d'acheter au marché le plus avantageux, alors même que nous aurions fait cadeau aux planteurs de toutes les marchandises qu'ils nous ont prises.»
M. Ch. Comte avait entrevu, dès 1827, ce que M. Porter établit en chiffres. «Si les Anglais, disait-il, calculaient quelle est la quantité de marchandises qu'ils doivent vendre aux possesseurs d'hommes, pour recouvrer les dépenses qu'ils font dans la vue de s'assurer leur pratique, ils se convaincraient que ce qu'ils ont de mieux à faire, c'est de leur livrer leurs marchandises pour rien et d'acheter, à ce prix, la liberté du commerce.»
Nous sommes maintenant en mesure, ce me semble, d'apprécier le degré de liberté dont jouissent en Angleterre le travail et l'échange, et de juger si c'est bien dans ce pays qu'il faut aller observer les désastreux effets de la libre concurrence sur l'équitable distribution de la richesse et l'égalité des conditions.
Récapitulons, concentrons dans un court espace les faits que nous venons d'établir.
1o Les branches aînées de l'aristocratie anglaise possèdent toute la surface du territoire.
2o L'impôt foncier est demeuré invariable depuis cent cinquante ans, quoique la rente des terres ait septuplé. Il n'entre que pour un vingt-cinquième dans les recettes publiques.
3o La propriété immobilière est affranchie de droits de succession, quoique la propriété personnelle y soit assujettie.
4o Les taxes indirectes pèsent beaucoup moins sur les objets de qualités supérieures, à l'usage des riches, que sur les mêmes objets de basses qualités, à l'usage du peuple.
5o Au moyen de la loi-céréale, les mêmes branches aînées prélèvent, sur la nourriture du peuple, un impôt que les meilleures autorités fixent à un milliard de francs.
6o Le système colonial, poursuivi sur une très-grande échelle, nécessite de lourds impôts; et ces impôts, payés presque en totalité par les classes laborieuses, sont, presque en totalité aussi, le patrimoine des branches cadettes des classes oisives.
7o Les taxes locales, comme les dîmes (tithes), arrivent aussi à ces branches cadettes par l'intermédiaire de l'Église établie.
8o Si le système colonial exige un grand développement de forces, le maintien de ces forces a besoin, à son tour, du régime colonial, et ce régime entraîne celui des monopoles. On a vu que, sur trois articles seulement, ils occasionnent au peuple anglais une perte sèche de 124 millions.
J'ai cru devoir donner quelque étendue à l'exposé de ces faits parce qu'ils me paraissent de nature à dissiper bien des erreurs, bien des préjugés, bien des préventions aveugles. Combien de solutions aussi évidentes qu'inattendues n'offrent-ils pas aux économistes ainsi qu'aux hommes politiques?
Et d'abord, comment ces écoles modernes, qui semblent avoir pris à tâche d'entraîner la France dans ce système de spoliations réciproques, en lui faisant peur de la concurrence, comment, dis-je, ces écoles pourraient-elles persister à soutenir que c'est la liberté qui a suscité le paupérisme en Angleterre? Dites donc qu'il est né de la spoliation, de la spoliation