Œuvres Complètes de Frédéric Bastiat, tome 3. Bastiat Frédéric

Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Œuvres Complètes de Frédéric Bastiat, tome 3 - Bastiat Frédéric страница 9

Œuvres Complètes de Frédéric Bastiat, tome 3 - Bastiat Frédéric

Скачать книгу

de souscriptions volontaires, a été consacrée dans cette ville à l'établissement de maisons d'école. Mais en même temps la Ligue ne s'est pas lassée de montrer le piége caché sous ce fastueux étalage de philanthropie: «Quand les Anglais meurent de faim, disait-elle, il ne suffit pas de leur dire: Nous vous transporterons en Amérique où les aliments abondent; il faut laisser ces aliments entrer en Angleterre. – Il ne suffit pas de donner aux familles ouvrières un jardin pour y faire croître des pommes de terre; il faut surtout ne pas leur ravir une partie des profits qui leur procureraient une nourriture plus substantielle. – Il ne suffit pas de limiter le travail excessif auquel les condamne la spoliation; il faut faire cesser la spoliation même, afin que dix heures de travail en valent douze. – Il ne suffit pas de leur donner de l'air et de l'eau, il faut leur donner du pain ou du moins le droit d'acheter du pain. Ce n'est pas la philanthropie mais la liberté qu'on doit opposer à l'oppression; ce n'est pas la charité mais la justice qui peut guérir les maux de l'injustice. L'aumône n'a et ne peut avoir qu'une action insuffisante, fugitive, incertaine et souvent dégradante.»

      À bout de ses sophismes, de ses faux-fuyants, de ses prétextes dilatoires, il restait une ressource à l'aristocratie: la majorité parlementaire, la majorité qui dispense d'avoir raison. Le dernier acte de l'agitation devait donc se passer au sein des colléges électoraux. Après avoir popularisé les saines doctrines économiques, la Ligue avait à donner une direction pratique aux efforts individuels de ses innombrables prosélytes. Modifier profondément les constituants (constituencies), le corps électoral du royaume, saper l'influence aristocratique, attirer sur la corruption les châtiments de la loi et de l'opinion: telle est la nouvelle phase dans laquelle est entrée l'agitation, avec une énergie que les progrès semblent accroître. Vires acquirit eundo. À la voix de Cobden, de Bright et de leurs amis, des milliers de free-traders se font inscrire sur les listes électorales, des milliers de monopoleurs en sont rayés, et, d'après la rapidité de ce mouvement, on peut prévoir le jour où le sénat ne représentera plus une classe, mais la communauté.

      On demandera peut-être si tant de travaux, tant de zèle, tant de dévouement, sont demeurés jusqu'ici sans influence sur la marche des affaires publiques, et si le progrès des doctrines libérales dans le pays ne s'est pas réfléchi à quelque degré dans la législation.

      J'ai exposé, en commençant, le régime économique de l'Angleterre antérieurement à la crise commerciale qui a donné naissance à la Ligue; j'ai même essayé de soumettre au calcul quelques-unes des extorsions que les classes dominatrices exercent sur les classes asservies par le double mécanisme des impôts et des monopoles.

      Depuis cette époque, les uns et les autres ont été modifiés. Qui n'a pas entendu parler du plan financier que sir Robert Peel vient de soumettre à la Chambre des communes, plan qui n'est que le développement de réformes commencées en 1842 et 1844, et dont la complète réalisation est réservée à des sessions ultérieures du Parlement? Je crois sincèrement qu'on a méconnu en France l'esprit de ces réformes, qu'on en a tour à tour exagéré ou atténué la portée. On m'excusera donc si j'entre ici dans quelques détails, que je m'efforcerai du reste d'abréger le plus qu'il me sera possible.

      La spoliation (qu'on me pardonne le retour fréquent de ce terme; mais il est nécessaire pour détruire l'erreur grossière qui est impliquée dans son synonyme protection), la spoliation, réduite en système de gouvernement, avait produit toutes ses naturelles conséquences: une extrême inégalité des fortunes, la misère, le crime et le désordre au sein des dernières couches sociales, une diminution énorme dans toutes les consommations, par suite, l'affaiblissement des recettes publiques et le déficit, qui, croissant d'année en année, menaçait d'ébranler le crédit de la Grande-Bretagne. Évidemment il n'était pas possible de rester dans une situation qui menaçait d'engloutir le vaisseau de l'État. L'Agitation irlandaise, l'Agitation commerciale, l'Incendiarisme, dans les districts agricoles, le Rébeccaïsme dans le pays de Galles, le Chartisme dans les villes manufacturières, ce n'étaient là que les symptômes divers d'un phénomène unique, la souffrance du peuple. Mais la souffrance du peuple, c'est-à-dire des masses, c'est-à-dire encore de la presque universalité des hommes, doit à la longue gagner toutes les classes de la société. Quand le peuple n'a rien, il n'achète rien; quand il n'achète rien, les fabriques s'arrêtent, et les fermiers ne vendent pas leur récolte; et s'ils ne vendent pas, ils ne peuvent payer leurs fermages. Ainsi les grands seigneurs législateurs eux-mêmes se trouvaient placés, par l'effet même de leur loi, entre la banqueroute des fermiers et la banqueroute de l'État, et menacés à la fois dans leur fortune immobilière et mobilière. Ainsi l'aristocratie sentait le terrain trembler sous ses pas. Un de ses membres les plus distingués, sir James Graham, aujourd'hui ministre de l'intérieur, avait fait un livre pour l'avertir des dangers qui l'entouraient: «Si vous ne cédez une partie, vous perdrez tout, disait-il, et une tempête révolutionnaire balayera de dessus la surface du pays non-seulement vos monopoles, mais vos honneurs, vos priviléges, votre influence et vos richesses mal acquises.»

      Le premier expédient qui se présenta pour parer au danger le plus immédiat, le déficit, fut, selon l'expression consacrée aussi par nos hommes d'État, d'exiger de l'impôt tout ce qu'il peut rendre. Mais il arriva que les taxes mêmes qu'on essaya de renforcer furent celles qui laissèrent le plus de vide au Trésor. Il fallut renoncer pour longtemps à cette ressource, et le premier soin du cabinet actuel, quand il arriva aux affaires, fut de proclamer que l'impôt était arrivé à sa dernière limite: «I am bound to say that the people of this country has been brought to the utmost limit of taxation.» (Peel, discours du 10 mai 1842.)

      Pour peu que l'on ait pénétré dans la situation respective des deux grandes classes, dont j'ai décrit les intérêts et les luttes, on comprendra aisément quel était, pour chacune d'elles, le problème à résoudre.

      Pour les free-traders, la solution était très-simple: abroger tous les monopoles. Affranchir les importations, c'était nécessairement accroître les échanges et par conséquent les exportations; c'était donc donner au peuple tout à la fois du pain et du travail; c'était encore favoriser toutes les consommations, par conséquent les taxes indirectes, et en définitive rétablir l'équilibre des finances.

      Pour les monopoleurs, le problème était pour ainsi dire insoluble. Il s'agissait de soulager le peuple sans le soustraire aux monopoles, de relever le revenu public sans augmenter les taxes, et de conserver le système colonial sans diminuer les dépenses nationales.

      Le ministère Whig (Russell, Morpeth, Melbourne, Baring, etc.) présenta un plan qui se tenait entre ces deux solutions. Il affaiblissait, sans les détruire, les monopoles et le système colonial. Il ne fut accepté ni par les monopoleurs ni par les free-traders. Ceux-là voulaient le monopole absolu, ceux-ci la liberté illimitée. Les uns s'écriaient: «Pas de concessions!» les autres: «Pas de transactions!»

      Battus au Parlement, les Whigs en appelèrent au corps électoral. Il donna amplement gain de cause aux Torys, c'est-à-dire à la protection et aux colonies. Le ministère Peel fut constitué (1841) avec mission expresse de trouver l'introuvable solution, dont je parlais tout à l'heure, au grand et terrible problème posé par le déficit et la misère publique; et il faut avouer qu'il a surmonté la difficulté avec une sagacité de conception et une énergie d'exécution remarquables.

      J'essayerai d'expliquer le plan financier de M. Peel, tel du moins que je le comprends.

      Il ne faut pas perdre de vue que les divers objets qu'a dû se proposer cet homme d'État, eu égard au parti qui l'appuie, sont les suivants:

      1o Rétablir l'équilibre des finances;

      2o Soulager les consommateurs;

      3o Raviver le commerce et l'industrie;

      4 °Conserver autant que possible

Скачать книгу