Œuvres Complètes de Frédéric Bastiat, tome 3. Bastiat Frédéric
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Voici le plan du secrétaire du Board of trade.
Il suppose que les dépenses s'élèveront comme aujourd'hui, à 50 millions st. Elles devront subir sans doute une grande diminution, car ce plan entraîne une forte réduction dans l'armée, la marine, l'administration des colonies et la perception de l'impôt; en ce cas, les excédants de recettes pourront être affectés, soit au remboursement de la dette, soit au dégrèvement de la contribution directe dont il va être parlé.
Les recettes se puiseraient aux sources suivantes:
Quant à la poste, M. Mac-Grégor pense qu'elle ne doit pas être une source de revenus. On ne peut pas abaisser le tarif actuel, puisqu'il est réduit à la plus minime monnaie usitée en Angleterre; mais les excédants de recettes seraient appliqués à l'amélioration du service et au développement des paquebots à vapeur.
Il faut observer que dans ce système:
1o La protection est complétement abolie, puisque la douane ne frappe que des objets que l'Angleterre ne produit pas, excepté les esprits et la drêche. Mais ceux-ci sont soumis à un droit égal à leurs similaires étrangers.
2o Le système colonial est radicalement renversé. Au point de vue commercial, les colonies sont indépendantes de la métropole et la métropole des colonies, car les droits sont uniformes; il n'y a plus de priviléges, et chacun reste libre de se pourvoir au marché le plus avantageux. Il suit de là qu'une colonie qui se séparerait politiquement de la mère patrie n'apporterait aucun changement dans son commerce et son industrie. Elle ne ferait que soulager ses finances.
3o Toute l'administration financière de la Grande-Bretagne se réduit à la perception de l'impôt direct, à la douane, considérablement simplifiée, et au timbre. Les assessed taxes et l'accise sont supprimées, et les transactions intérieures et extérieures laissées à une liberté et une rapidité dont les effets sont incalculables.
Tel est, très en abrégé, le plan financier qui semble être comme le type, l'idéal vers lequel on ne peut s'empêcher de reconnaître que tendent de fort loin, il est vrai, les réformes qui s'accomplissent sous les yeux de la France inattentive. Cette digression servira peut-être de justification à la conjecture que j'ai osé hasarder sur l'avenir et les vues ultérieures de sir Robert Peel.
Je me suis efforcé de poser nettement la question qui s'agite en Angleterre. J'ai décrit et le champ de bataille, et la grandeur des intérêts qui s'y discutent, et les forces qui s'y rencontrent, et les conséquences de la victoire. J'ai démontré, je crois, que, bien que toute la chaleur de l'action semble se concentrer sur des questions d'impôt, de douanes, de céréales, de sucre, – au fait il s'agit de monopole et de liberté, d'aristocratie et de démocratie, d'égalité ou d'inégalité dans la distribution du bien-être. Il s'agit de savoir si la puissance législative et l'influence politique demeureront aux hommes de rapine ou aux hommes de travail, c'est-à-dire si elles continueront à jeter dans le monde des ferments de troubles et de violences, ou des semences de concorde, d'union, de justice et de paix.
Que penserait-on de l'historien qui s'imaginerait que l'Europe en armes, au commencement de ce siècle, ne faisait exécuter, sous la conduite des plus habiles généraux, tant de savantes manœuvres à ses innombrables armées que pour savoir à qui resteraient les champs étroits où se livrèrent les batailles d'Austerlitz ou de Wagram? Les dynasties et les empires dépendaient de ces luttes. Mais les triomphes de la force peuvent être éphémères; il n'en est pas de même de ceux de l'opinion. Et quand nous voyons tout un grand peuple, dont l'action sur le monde n'est pas contestée, s'imprégner des doctrines de la justice et de la vérité, quand nous le voyons renier les fausses idées de suprématie qui l'ont si longtemps rendu dangereux aux nations, quand nous le voyons prêt à arracher l'ascendant politique à une oligarchie cupide et turbulente, gardons-nous de croire, alors même que l'effort des premiers combats se porterait sur des questions économiques, que de plus grands et plus nobles intérêts ne sont pas engagés dans la lutte. Car, si à travers bien des leçons d'iniquité, bien des exemples de perversité internationale, l'Angleterre, ce point imperceptible du globe, a vu germer sur son sol tant d'idées grandes et utiles; si elle fut le berceau de la presse, du jury, du système représentatif, de l'abolition de l'esclavage, malgré les résistances d'une oligarchie puissante et impitoyable; que ne doit pas attendre l'univers de cette même Angleterre, alors que toute sa puissance morale, sociale et politique aura passé aux mains de la démocratie, par une révolution lente et pénible, paisiblement accomplie dans les esprits, sous la conduite d'une association qui renferme dans son sein tant d'hommes, dont l'intelligence supérieure et la moralité éprouvée jettent un si grand éclat sur leur pays et sur leur siècle? Une telle révolution n'est pas un événement, un accident, une catastrophe due à un enthousiasme irrésistible, mais éphémère. C'est, si je puis le dire, un lent cataclysme social qui change toutes les conditions d'existence de la société, le milieu où elle vit et respire. C'est la justice s'emparant de la puissance, et le bon sens entrant en possession de l'autorité. C'est le bien général, le bien du peuple, des masses, des petits et des grands, des forts et des faibles devenant la règle de la politique; c'est le privilége, l'abus, la caste disparaissant de dessus la scène, non par une révolution de palais ou une émeute de la rue, mais par la progressive et générale appréciation des droits et des devoirs de l'homme. En un mot, c'est le triomphe de la liberté humaine, c'est la mort du monopole, ce Protée aux mille formes, tour à tour conquérant, possesseur d'esclaves, théocrate, féodal, industriel, commercial, financier et même philanthrope. Quelque déguisement qu'il emprunte, il ne saurait plus soutenir le regard de l'opinion publique; car elle a appris à le reconnaître sous l'uniforme rouge, comme sous la robe noire, sous la veste du planteur, comme sous l'habit brodé du noble pair. Liberté à tous! à chacun juste et naturelle rémunération de ses œuvres! à chacun juste et naturelle accession à l'égalité, en proportion de ses efforts, de son intelligence, de sa prévoyance et de moralité. Libre échange avec l'univers! Paix avec l'univers! Plus d'asservissement colonial, plus d'armée, plus de marine que ce qui est nécessaire pour le maintien de l'indépendance nationale! Distinction radicale de ce qui est et de ce qui n'est pas la mission du gouvernement et de la loi! L'association politique réduite à garantir à chacun sa liberté et sa sûreté contre toute agression inique, soit au dehors, soit au dedans; impôt équitable pour défrayer convenablement les hommes chargés de cette mission, et non pour servir de masque, sous le nom de débouchés, à l'usurpation extérieure, et, sous le nom de protection, à la spoliation des citoyens les uns par les autres: voilà ce qui s'agite en Angleterre, sur le champ de bataille, en apparence si restreint, d'une question douanière. Mais cette question implique l'esclavage dans sa forme moderne, car, comme le disait au Parlement un membre de la Ligue, M. Gibson: «S'emparer des hommes pour les faire travailler à son profit, ou s'emparer des fruits de leur travail, c'est toujours de l'esclavage'; il n'y a de différence que dans le degré.»
À l'aspect de cette révolution qui, je ne dirai pas se prépare, mais s'accomplit dans un pays voisin, dont les destinées, on n'en disconvient pas, intéressent le monde entier; à l'aspect des symptômes évidents de ce travail humanitaire, symptômes qui se révèlent