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Les chefs de parti et les journaux qui s'attellent à leur char sont donc forcément amenés à fomenter les haines nationales; car comment soutenir que le ministère est lâche, sans établir que l'étranger est insolent; et que nous sommes gouvernés par des traîtres, sans avoir préalablement prouvé que nous sommes entourés d'ennemis qui veulent nous dicter des lois?
C'est ainsi que les journaux dévoués à l'élévation d'un nom propre concourent, avec ceux que les monopoleurs soudoient, à rendre toujours imminente une conflagration générale, et par suite à éloigner tout rapprochement international, toute réforme commerciale.
En s'exprimant ainsi, l'auteur de cet ouvrage n'entend pas faire de la politique, et encore moins de l'esprit de parti. Il n'est attaché à aucune des grandes individualités dont les luttes ont envahi la presse et la tribune, mais il adhère de toute son âme aux intérêts généraux et permanents de son pays, à la cause de la vérité et de l'éternelle justice. Il croit que ces intérêts et ceux de l'humanité se confondent loin de se contredire, et dès lors il considère comme le comble de la perversité de transformer les haines nationales en machine de guerre parlementaire. Du reste, il a si peu en vue de justifier la politique extérieure du cabinet actuel, qu'il n'oublie pas que celui qui la dirige employa contre ses rivaux les mêmes armes que ses rivaux tournent aujourd'hui contre lui.
Chercherons-nous l'impartialité internationale et par suite la vérité économique dans les journaux légitimistes et républicains? Ces deux opinions se meuvent en dehors des questions personnelles, puisque l'accès du pouvoir leur est interdit. Il semble dès lors que rien ne les empêche de plaider avec indépendance la cause de la liberté commerciale. Cependant, nous les voyons s'attacher à faire obstacle à la libre communication des peuples. Pourquoi? Je n'attaque ni les intentions ni les personnes. Je reconnais qu'il y a, au fond de ces deux grands partis, des vues dont on peut contester la justesse, mais non la sincérité. Malheureusement, cette sincérité ne se manifeste pas toujours dans les journaux qui les représentent. Quand on s'est donné la mission de saper journellement un ordre de choses qu'on croit mauvais, on finit par n'être pas très-scrupuleux dans le choix des moyens. Embarrasser le pouvoir, entraver sa marche, le déconsidérer: telles sont les tristes nécessités d'une polémique qui ne songe qu'à déblayer le sol des institutions et des hommes qui le régissent, pour y substituer d'autres hommes et d'autres institutions. Là, encore, le recours aux passions patriotiques, l'appel aux sentiments d'orgueil national, de gloire, de suprématie, se présentent comme les armes les plus efficaces. L'abus suit de près l'usage; et c'est ainsi que le bien-être et la liberté des citoyens, la grande cause de la fraternité des nations, sont sacrifiés sans scrupule à cette œuvre de destruction préalable, que ces partis considèrent comme leur première mission et leur premier devoir.
Si les exigences de la polémique ont fait un besoin à la presse opposante de sacrifier la liberté du commerce, parce que, impliquant l'harmonie des rapports internationaux, elle leur ravirait un merveilleux instrument d'attaque, il semble que, par cela même, la presse ministérielle soit intéressée à la soutenir. Il n'en est pas ainsi. Le gouvernement, accablé sous le poids d'accusations unanimes, en face d'une impopularité qui fait trembler le sol sous ses pieds, sent bien que la voix peu retentissante de ses journaux n'étouffera pas la clameur de toutes les oppositions réunies. Il a recours à une autre tactique. – On l'accuse d'être voué aux intérêts étrangers… Eh bien! il prouvera, par des faits, son indépendance et sa fierté. Il se mettra en mesure de pouvoir venir dire au pays: – Voyez, j'aggrave partout les tarifs; je ne recule pas devant l'hostilité des droits différentiels; et, parmi les îles innombrables du grand Océan, je choisis, pour m'en emparer, celle dont la conquête doit susciter le plus de collisions et froisser le plus de susceptibilités étrangères!
La presse départementale aurait pu déjouer toutes ces intrigues, en les dévoilant.
Une pauvre servante au moins m'était restée,
Qui de ce mauvais air n'était pas infectée.
Mais au lieu de réagir sur la presse parisienne, elle attend humblement, niaisement son mot d'ordre. Elle ne veut pas avoir de vie propre. Elle est habituée à recevoir par la poste l'idée qu'il faut délayer, la manœuvre à laquelle il faut concourir, au profit de M. Thiers, de M. Molé ou de M. Guizot. Sa plume est à Lyon, à Toulouse, à Bordeaux, mais sa tête est à Paris.
Il est donc vrai que la stratégie des journaux, qu'ils émanent de Paris ou de la province, qu'ils représentent la gauche, la droite ou le centre, les a entraînés à s'unir à ceux que soudoient les comités monopoleurs, pour tromper l'opinion publique sur le grand mouvement social qui s'accomplit en Angleterre; pour n'en parler jamais, ou, si l'on ne peut éviter d'en dire quelques mots, pour le représenter, ainsi que l'abolition de l'esclavage, comme l'œuvre d'un machiavélisme profond, qui a pour objet définitif l'exploitation du monde, au profit de la Grande-Bretagne, par l'opération de la liberté même.
Il me semble que cette puérile prévention ne résisterait pas à la lecture de ce livre. En voyant agir les free-traders, en les entendant parler, en suivant pas à pas les dramatiques péripéties de cette agitation puissante, qui remue tout un peuple, et dont le dénoûment certain est la chute de cette prépondérance oligarchique qui est précisément, selon nous-mêmes, ce qui rend l'Angleterre dangereuse; il me semble impossible que l'on persiste à s'imaginer que tant d'efforts persévérants, tant de chaleur sincère, tant de vie, tant d'action, n'ont absolument qu'un but: tromper un peuple voisin en le déterminant à fonder lui-même sa législation industrielle sur les bases de la justice et de la liberté.
Car enfin, il faudra bien reconnaître, à cette lecture, qu'il y a en Angleterre deux classes, deux peuples, deux intérêts, deux principes, en un mot: aristocratie et démocratie.
Si l'une veut l'inégalité, l'autre tend à l'égalité; si l'une défend la restriction, l'autre réclame la liberté; si l'une aspire à la conquête, au régime colonial, à la suprématie politique, à l'empire exclusif des mers, l'autre travaille à l'universel affranchissement; c'est-à-dire à répudier la conquête, à briser les liens coloniaux, à substituer, dans les relations internationales, aux artificieuses combinaisons de la diplomatie, les libres et volontaires relations du commerce. Et n'est-il pas absurde d'envelopper dans la même haine ces deux classes, ces deux peuples, ces deux principes, dont l'un est, de toute nécessité, favorable à l'humanité si l'autre lui est contraire? Sous peine de l'inconséquence la plus aveugle et la plus grossière, nous devons donner la main au peuple anglais ou à l'aristocratie anglaise. Si la liberté, la paix, l'égalité des conditions légales, le droit au salaire naturel du travail, sont nos principes, nous devons sympathiser avec la Ligue; si, au contraire, nous pensons que la spoliation, la conquête, le monopole, l'envahissement successif de toutes les régions du globe sont, pour un peuple, des éléments de grandeur qui ne contrarient pas le développement régulier des autres peuples, c'est à l'aristocratie anglaise qu'il faut nous unir. Mais, encore une fois, le comble de l'absurde, ce qui serait éminemment propre à nous rendre la risée
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Voir, au tome V, les