Œuvres complètes de lord Byron, Tome 6. George Gordon Byron
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(Laugier, traduction italienne, vol. iv, p. 30 et 31.)
Où le docteur Moore a-t-il vu que Marino Faliero ait imploré sa vie? J'ai compulsé les chroniqueurs, et n'y ai rien trouvé de cette espèce; il est vrai qu'il avoua tout. On le conduisit devant la torture; mais on ne dit nulle part que les tourmens lui aient fait demander grâce; et cette circonstance de l'avoir mis en présence de la torture semble prouver tout autre chose qu'un défaut de courage, que d'ailleurs les historiens, peu disposés à le favoriser, n'auraient pas manqué de mentionner. Une pareille prière est aussi contraire à la vérité de l'histoire qu'elle l'eût certainement été à son caractère comme soldat, et à l'âge dans lequel il vivait et auquel il mourut. Je ne sais rien qui puisse justifier celui qui, après un certain intervalle de tems, se permet de calomnier un caractère historique. La vérité doit du moins appartenir aux morts et aux malheureux; et ceux qui perdirent la vie sur un échafaud ont en général assez de leurs fautes, sans qu'on leur attribue une faiblesse que la grande probabilité de la fin violente qu'on leur réservait rend tout-à-fait invraisemblable. Le voile noir peint à la place assignée, dans le rang des doges, à Marino Faliero, et l'escalier du géant, où il fut couronné, découronné et décapité, frappent aussi fortement mon imagination que le font la violence de son caractère et son étrange histoire. Plus d'une fois j'ai cherché, en 1819, sa tombe dans l'église San Giovani e San Paolo. Un jour que j'étais arrêté devant le monument d'une autre famille, un prêtre vint à moi et me dit: Je pourrais vous montrer des monumens plus beaux que cela. Je lui appris que j'étais à la recherche de ceux de la famille Faliero, et en particulier du doge Marino. «Oh! répliqua-t-il, je vais vous y conduire;» et me menant à l'extérieur, il me fit remarquer dans le mur un sarcophage, avec une inscription illisible. Il m'apprit qu'il se trouvait auparavant dans un couvent contigu, mais qu'on l'en avait tiré à l'époque de l'arrivée des Français pour le placer dans cet endroit; qu'on avait ouvert la tombe au moment de son déplacement; que quelques os restaient encore, mais aucune trace positive de la décapitation. La statue équestre dont j'ai fait mention dans le troisième acte, comme étant placée devant cette église, n'est pas d'un Faliero, mais de quelque autre guerrier, maintenant oublié; quoique d'une date postérieure. Il y eut deux autres doges de la même famille avant Marino: Ordelafo, qui fut tué en 1117, dans une bataille à Zara, où plus tard son descendant vainquit les Huns; et Vital Faliero, qui régnait en 1082. La famille, originaire de Fano, était l'une des plus illustres en noblesse et en opulence de la ville, qui réunissait les familles les plus riches et les plus anciennes de l'Europe. L'étendue que j'ai donnée à mon drame prouve assez l'intérêt que j'y avais pris. Je puis avoir fait une mauvaise tragédie, mais du moins aurai-je transporté dans notre langue un événement historique vraiment digne de mémoire.
Il y a maintenant quatre ans que je médite cet ouvrage; et avant d'avoir complètement examiné les auteurs, j'étais disposé à choisir pour mobile de l'action la jalousie de Faliero. Mais je reconnus que cela n'avait aucun fondement historique; et comme d'ailleurs la jalousie est une passion usée sur la scène, j'ai préféré suivre pas à pas la vérité. Je fus d'ailleurs sur ce point parfaitement conseillé par feu Matthew Lewis, auquel je confiai mon plan à Venise, en 1817. «Si vous faites votre héros jaloux, me dit-il, songez qu'il vous faudra lutter avec les écrivains classiques (pour ne rien dire de Shakspeare) et avec un sujet usé; conservez plutôt le naturel violent du doge, il vous suffira, si vous le reproduisez exactement; et tracez votre complot de la manière la plus régulière qu'il vous sera possible.» Sir William Drummond m'a donné à peu près les mêmes conseils. Il ne m'appartient pas de décider si j'ai bien suivi ces avis, et si j'ai bien fait de les suivre. Je n'ai pas le moindre désir de voir mon drame représente; dans la situation présente du théâtre, peut-être n'est-il pas susceptible de satisfaire une ambition bien haute; et d'ailleurs j'ai trop long-tems été derrière la scène pour avoir jamais conçu l'espoir d'y produire mes ouvrages. Je ne conçois pas qu'un homme d'une sensibilité irritable consente bien à se mettre à la merci d'un auditoire. – Les dédains du lecteur, l'âcreté de la critique, la rudesse des réviseurs sont des calamités vagues et lointaines; mais la fureur d'un auditoire intelligent ou inepte, à propos d'une production qui, bonne ou mauvaise, a coûté un travail d'intelligence à celui qui l'a faite, est une peine immédiate et palpable, à laquelle ajoutent encore les doutes que l'on peut former de la compétence des juges, et la conviction de l'imprudence qu'on a faite en les choisissant pour tels. Si j'étais capable de composer un ouvrage qu'on pût croire digne de la scène, le succès ne me ferait pas de plaisir, la chute me causerait beaucoup de peine. C'est pour cette raison que, même durant le tems où je faisais partie de la commission d'un théâtre, je ne l'ai jamais essayé et je ne l'essaierai jamais7; mais certainement il y a des ressources dramatiques partout où se trouvent Joanna Baillie, et Milman et John Wilson. La City of the plague et la Chute de Jerusalem sont remplies des plus beaux effets tragiques que l'on ait vus depuis Horace Walpole, si l'on en excepte certains passages d'Ethwald et de Monfort. C'est aujourd'hui la mode de déprécier Horace Walpole; d'abord, parce qu'il était noble, ensuite parce qu'il était Anglais. Mais pour ne rien dire de ses incomparables Lettres et du Château de Trente, il faut regarder comme l'ultimus Romanorum l'auteur de la Mère mystérieuse, qui, loin d'être une méprisable pièce d'amour, est une tragédie de l'ordre le plus élevé. Walpole est le père de notre premier roman et de notre dernière tragédie, et sans doute, à ce double titre, il est digne de plus d'estime qu'aucun écrivain vivant, quel qu'il soit.
En parlant du drame de Marino Faliero, j'oubliais de rappeler que le désir (trop faible encore) de respecter la règle des unités, qu'on accuse le théâtre anglais de trop fouler aux pieds, m'a décidé à représenter la conspiration comme déjà formée, et le doge y accédant long-tems après. Dans le fait, elle fut son propre ouvrage, et celui d'Israël Bertuccio. Quant au reste des personnages (à l'exception de la duchesse), aux incidens et à la durée de l'action, qui fut merveilleusement rapide, tout est strictement historique dans ma pièce, si ce n'est que toutes les délibérations eurent lieu, non pas dans une maison particulière, mais dans le palais ducal. Si je m'étais en cela conformé à la vérité; l'unité aurait été mieux gardée; mais j'ai préféré faire apparaître le doge dans la grande assemblée des conspirateurs, au lieu de le placer toujours en conversation monotone avec les mêmes individus. Je renvoie pour les faits aux extraits italiens de l'appendice.
MARINO FALIERO, DOGE DE VENISE,
TRAGÉDIE HISTORIQUE
HOMMES.
MARINO FALIERO, Doge de Venise.
BERTUCCIO FALIERO, neveu du Doge.
LIONI, noble et sénateur.
BENINTENDE, président du Conseil des Dix.
MICHEL STENO, l'un des trois chefs des Quarante.
ISRAEL BERTUCCIO, gouverneur de l'arsenal.
PHILIPPE CALENDARO,}
DAGOLINO,} conspirateurs.
BERTRAM, }
SEIGNEUR
7
(retour) Tandis que j'étais membre de la vice-commission du théâtre de Drury-Lane, je puis rendre à mes collègues et à moi-même cette justice que nous fîmes de notre mieux pour ramener le drame à son ancienne régularité Je fis tout ce je pus pour obtenir la reprise de