Les amours d'une empoisonneuse. Emile Gaboriau
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Читать онлайн книгу Les amours d'une empoisonneuse - Emile Gaboriau страница 13
– Voulez-vous, s'écria Sainte-Croix, que je sois cet élève?
L'Italien hocha la tête d'un air indécis.
– Nous ne nous connaissons pas assez, dit-il; qui me répond que vous en êtes digne?
– Mon passé. Je suis jeune encore, mais j'ai déjà beaucoup souffert.
– Je ne vois pourtant pas, reprit Exili, ce qui a pu vous manquer dans la vie: vous êtes jeune, vous êtes riche, vous êtes beau, vous devez être aimé.
– Il m'a manqué un nom, interrompit Sainte-Croix, et Dieu m'avait mis l'orgueil au cœur.
Une satanique satisfaction illumina le visage d'Exili.
– L'orgueil! murmura-t-il, très bien; nous ferons quelque chose de vous, chevalier; mais, continuez, de grâce, car c'est dans le passé que je lis l'avenir.
– Tout le monde me croit de race à Paris ou feint de le croire; mon courage et mon épée m'ont du moins valu cela.
J'appartiens tout simplement à une de ces familles dont l'obscurité cache mal la misère. Mon père était un artisan. Il eût voulu en faire autant de moi sans doute; mais j'avais à peine le sentiment des choses de ce monde, que déjà la fièvre d'orgueil me tenait.
J'étais alors ambitieux d'argent, d'amusements et de parures: la vue d'un ruban, le bruit d'un verre, le choc des dés, le sourire d'une grande dame, tout cela emplissait mon esprit précoce d'aspirations vagues et insensées.
Aussi, à l'heure où les enfants des pauvres pâtissent encore à l'atelier ou sur les bancs de l'école, j'avais déserté l'un et l'autre pour le cabaret, la salle d'armes et le tripot.
J'y acquis, en compagnie de tout ce que Montauban comptait de bretteurs et d'intrigantes, cette sûreté de coup d'œil, cette prestesse de main et ce bonheur au jeu qui m'ont rarement abandonné.
Mais mon père en mourut.
Je pleurai mon père.
– On n'est pas parfait dans un âge aussi tendre, interrompit Exili.
Le chevalier continua:
– J'avais seize ans lorsqu'une déplorable affaire, – homme tué ou fille séduite, je ne sais plus au juste, – me força de quitter le Languedoc.
Paris est le soleil autour duquel gravitent tous les satellites de ma trempe. Je vins à Paris.
Seulement, comme pour me faire ouvrir les portes du monde dans lequel je voulais entrer, il me fallait un nom, un titre, de la fortune, je m'appelai le chevalier Guadin de Sainte-Croix et les poches des niais me fournirent des subsides.
J'eus des duels. On ne s'appelle pas impunément le chevalier de Sainte-Croix.
Un gentilhomme de Beauvoisis trouva un jour mauvais que ses pistoles passassent si facilement de son escarcelle dans la mienne; il me le dit en termes de fort mauvais goût, et alla même jusqu'à mettre en doute la légitimité de mon titre.
Je le priai de venir faire avec moi un tour derrière les Chartreux… et il ne douta plus.
– Vous l'aviez convaincu? demanda Exili.
– Je l'avais tué. Malheureusement l'affaire fit du bruit.
La famille réclama, et comme je ne voulais pas avoir maille à partir avec messieurs de la prévôté et du point d'honneur, je m'en fus à Compiègne recommencer une idylle de M. de Racan.
J'y vivais caché chez un mien ami, fripon retiré, qui s'était fait hôtelier pour ne point changer d'état, quand il m'arriva la principale aventure de ma vie.
– Comment se nommait cette aventure? interrogea Exili.
Elle se nommait Marie-Madeleine d'Aubray; elle avait seize ans, j'en avais dix-huit, c'était une délicieuse enfant qui est devenue une femme ravissante.
Le hasard nous mit en présence dans un sentier perdu au fond des grands bois qui entouraient le château d'Offemont, où son père, le lieutenant civil, était venu vers cet automne se délasser des troubles politiques et de ses importants travaux.
Madeleine portait au cœur un de ces besoins effrénés de tendresse que la femme voue à Dieu quand il ne se rencontre pas un homme pour les voler au créateur.
Nous nous aimâmes…
C'est là un de ces souvenirs que le plus insoucieux des aventuriers conserve précieusement pour en rafraîchir son existence brûlante.
Pour me rapprocher d'elle, je franchissais chaque nuit les murs du parc, et je m'introduisais furtivement dans le vieux manoir d'Offemont, dont ma maîtresse avait su faire pour moi un paradis caché à tous les yeux.
M. Dreux d'Aubray était retourné à Paris, où l'appelaient les devoirs de sa charge, laissant sous la garde d'une vieille gouvernante sa fille chérie, dont les langueurs avaient besoin du grand air libre des forêts.
Notre ivresse dura peu.
Le lieutenant civil revint, – et Madeleine était enceinte.
Ce qu'il fallut à la jeune fille de soins, de ruses, de courage pour cacher à l'œil vigilant d'un père la faute que celui-ci eût punie comme un crime, vous le comprendrez quand vous saurez que le caractère de ma maîtresse partage cette indomptable énergie dont la prison seule a pu me priver.
Elle accoucha la nuit, seule, sans appui, sans aide, à quelques pas du lit où dormait M. Dreux d'Aubray, l'inflexible vieillard.
Cette nuit-là, j'errais dans le parc. Tout à coup, une femme, écrasée par la douleur, par la crainte, par le remords, se traîna jusqu'à moi, à travers les massifs, et me mit un enfant dans les bras.
Les chiens de garde hurlaient et les valets commençaient à s'agiter dans le château. Je m'élançai dans la campagne emportant mon fardeau.
Au jour, continua Sainte-Croix, je frappais à la porte d'une métairie isolée, sur la route de Beauvais, et la femme du métayer prêtait le sein à mon fils, – car j'avais un fils.
– Sur la route de Beauvais, dites-vous? interrompit Exili, qui, depuis quelque temps, semblait prêter au récit du chevalier une inexprimable attention.
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