Vingt ans après. Dumas Alexandre
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– Êtes-vous sûr qu'elle n'est point dirigée contre nous?
– Contre nous! et pourquoi?
– Dame! repassez leurs paroles: «J'ai reconnu son domestique», a dit l'un, ce qui pourrait bien se rapporter à moi.
– Après?
«Il doit être à Noisy ou y venir ce soir», a dit l'autre, ce qui pourrait bien se rapporter à vous.
– Ensuite?
– Ensuite le prince a dit: «Faites attention qu'il sera, selon toute probabilité, déguisé en cavalier», ce qui me paraît ne pas laisser de doute, puisque vous êtes en cavalier et non en officier de mousquetaires; eh bien! que dites-vous de cela?
– Hélas! mon cher Planchet! dit d'Artagnan en poussant un soupir, j'en dis que je n'en suis malheureusement plus au temps où les princes me voulaient faire assassiner. Ah! celui-là, c'était le bon temps. Sois donc tranquille, ces gens-là n'en veulent point à nous.
– Monsieur est sûr?
– J'en réponds.
– C'est bien, alors; n'en parlons plus.
Et Planchet reprit sa place à la suite de d'Artagnan, avec cette sublime confiance qu'il avait toujours eue pour son maître, et que quinze ans de séparation n'avaient point altérée.
On fit ainsi une lieue à peu près.
Au bout de cette lieue, Planchet se rapprocha de d'Artagnan.
– Monsieur, dit-il.
– Eh bien? fit celui-ci.
– Tenez, monsieur, regardez de ce côté, dit Planchet, ne vous semble-t-il pas au milieu de la nuit voir passer comme des ombres? Écoutez, il me semble qu'on entend des pas de chevaux.
– Impossible, dit d'Artagnan, la terre est détrempée par les pluies; cependant, comme tu me le dis, il me semble voir quelque chose.
Et il s'arrêta pour regarder et écouter.
– Si l'on n'entend point les pas des chevaux, on entend leur hennissement au moins; tenez.
Et en effet le hennissement d'un cheval vint, en traversant l'espace et l'obscurité, frapper l'oreille de d'Artagnan.
– Ce sont nos hommes qui sont en campagne, dit-il, mais cela ne nous regarde pas, continuons notre chemin.
Et ils se remirent en route.
Une demi-heure après ils atteignaient les premières maisons de
Noisy, il pouvait être huit heures et demie à neuf heures du soir.
Selon les habitudes villageoises, tout le monde était couché, et pas une lumière ne brillait dans le village.
D'Artagnan et Planchet continuèrent leur route.
À droite et à gauche de leur chemin se découpait sur le gris sombre du ciel la dentelure plus sombre encore des toits des maisons; de temps en temps un chien éveillé aboyait derrière une porte, ou un chat effrayé quittait précipitamment le milieu du pavé pour se réfugier dans un tas de fagots, où l'on voyait briller comme des escarboucles ses yeux effarés. C'étaient les seuls êtres vivants qui semblaient habiter ce village.
Vers le milieu du bourg à peu près, dominant la place principale, s'élevait une masse sombre, isolée entre deux ruelles, et sur la façade de laquelle d'énormes tilleuls étendaient leurs bras décharnés. D'Artagnan examina avec attention la bâtisse.
– Ceci, dit-il à Planchet, ce doit être le château de l'archevêque, la demeure de la belle madame de Longueville. Mais le couvent, où est-il?
– Le couvent, dit Planchet, il est au bout du village, je le connais.
– Eh bien, dit d'Artagnan, un temps de galop jusque-là, Planchet, tandis que je vais resserrer la sangle de mon cheval, et reviens me dire s'il y a quelque fenêtre éclairée chez les jésuites.
Planchet obéit et s'éloigna dans l'obscurité, tandis que d'Artagnan, mettant pied à terre, rajustait, comme il l'avait dit, la sangle de sa monture.
Au bout de cinq minutes, Planchet revint.
– Monsieur, dit-il, il y a une seule fenêtre éclairée sur la face qui donne vers les champs.
– Hum! dit d'Artagnan; si j'étais frondeur, je frapperais ici et serais sûr d'avoir un bon gîte; si j'étais moine, je frapperais là-bas et serais sûr d'avoir un bon souper; tandis qu'au contraire, il est bien possible qu'entre le château et le couvent nous couchions sur la dure, mourant de soif et de faim.
– Oui, ajouta Planchet, comme le fameux âne de Buridan. En attendant, voulez-vous que je frappe?
– Chut! dit d'Artagnan; la seule fenêtre qui était éclairée vient de s'éteindre.
– Entendez-vous, monsieur? dit Planchet.
– En effet, quel est ce bruit? C'était comme la rumeur d'un ouragan qui s'approchait; au même instant deux troupes de cavaliers, chacune d'une dizaine d'hommes, débouchèrent par chacune des deux ruelles qui longeaient la maison, et fermant toute issue enveloppèrent d'Artagnan et Planchet.
– Ouais! dit d'Artagnan en tirant son épée et en s'abritant derrière son cheval, tandis que Planchet exécutait la même manoeuvre, aurais-tu pensé juste, et serait-ce à nous qu'on en veut réellement?
– Le voilà, nous le tenons! dirent les cavaliers en s'élançant sur d'Artagnan, l'épée nue.
– Ne le manquez pas, dit une voix haute.
– Non, Monseigneur, soyez tranquille.
D'Artagnan crut que le moment était venu pour lui de se mêler à la conversation.
– Holà, messieurs! dit-il avec son accent gascon, que voulez- vous, que demandez-vous?
– Tu vas le savoir! hurlèrent en choeur les cavaliers.
– Arrêtez, arrêtez! cria celui qu'ils avaient appelé Monseigneur; arrêtez, sur votre tête, ce n'est pas sa voix.
– Ah çà! messieurs, dit d'Artagnan, est-ce qu'on est enragé, par hasard, à Noisy? Seulement, prenez-y garde, car je vous préviens que le premier qui s'approche à la longueur de mon épée, et mon épée est longue, je l'éventre.
Le chef s'approcha.
– Que faites-vous là? dit-il d'une voix hautaine et comme habituée au commandement.
– Et vous-même? dit d'Artagnan.
– Soyez poli, ou l'on vous étrillera de bonne sorte; car, bien qu'on ne veuille pas se nommer, on désire être respecté selon son rang.
– Vous ne voulez pas vous nommer parce que vous dirigez un guet- apens, dit d'Artagnan; mais moi qui voyage tranquillement avec mon laquais, je n'ai pas les mêmes raisons de