Vingt ans après. Dumas Alexandre
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– Lieutenant aux mousquetaires du roi? dit la voix.
– C'est cela même.
– Oui, sans doute.
– Eh bien! continua le Gascon, vous devez avoir entendu dire que c'est un poignet solide et une fine lame?
– Vous êtes monsieur d'Artagnan?
– Je le suis.
– Alors, vous venez ici pour le défendre?
– Le?.. qui le?..
– Celui que nous cherchons.
– Il paraît, continua d'Artagnan, qu'en croyant venir à Noisy, j'ai abordé, sans m'en douter, dans le royaume des énigmes.
– Voyons, répondez! dit la même voix hautaine; l'attendez-vous sous ces fenêtres? Veniez-vous à Noisy pour le défendre?
– Je n'attends personne, dit d'Artagnan, qui commençait à s'impatienter, je ne compte défendre personne que moi; mais, ce moi, je le défendrai vigoureusement, je vous en préviens.
– C'est bien, dit la voix, partez d'ici et quittez-nous la place!
– Partir d'ici! dit d'Artagnan, que cet ordre contrariait dans ses projets, ce n'est pas facile, attendu que je tombe de lassitude et mon cheval aussi; à moins cependant que vous ne soyez disposé à m'offrir à souper et à coucher aux environs.
– Maraud!
– Eh! monsieur! dit d'Artagnan, ménagez vos paroles, je vous en prie, car si vous en disiez encore une seconde comme celle-ci, fussiez-vous marquis, duc, prince ou roi, je vous la ferais rentrer dans le ventre, entendez-vous?
– Allons, allons, dit le chef, il n'y a pas à s'y tromper, c'est bien un Gascon qui parle, et par conséquent ce n'est pas celui que nous cherchons. Notre coup est manqué pour ce soir, retirons-nous. Nous nous retrouverons, maître d'Artagnan, continua le chef en haussant la voix.
– Oui, mais jamais avec les mêmes avantages, dit le Gascon en raillant, car, lorsque vous me retrouverez, peut-être serez-vous seul et fera-t-il jour.
– C'est bon, c'est bon! dit la voix; en route, messieurs! Et la troupe, murmurant et grondant, disparut dans les ténèbres, retournant du côté de Paris.
D'Artagnan et Planchet demeurèrent un instant encore sur la défensive; mais le bruit continuant de s'éloigner, ils remirent leurs épées au fourreau.
– Tu vois bien, imbécile, dit tranquillement d'Artagnan à
Planchet, que ce n'était pas à nous qu'ils en voulaient.
– Mais à qui donc alors? demanda Planchet.
– Ma foi, je n'en sais rien! et peu m'importe. Ce qui m'importe, c'est d'entrer au couvent des jésuites. Ainsi, à cheval! et allons y frapper. Vaille que vaille, que diable, ils ne nous mangeront pas!
Et d'Artagnan se remit en selle.
Planchet venait d'en faire autant, lorsqu'un poids inattendu tomba sur le derrière de son cheval, qui s'abattit.
– Eh! monsieur, s'écria Planchet, j'ai un homme en croupe!
D'Artagnan se retourna et vit effectivement deux formes humaines sur le cheval de Planchet.
– Mais c'est donc le diable qui nous poursuit! s'écria-t-il en tirant son épée et s'apprêtant à charger le nouveau venu.
– Non, mon cher d'Artagnan, dit celui-ci; ce n'est pas le diable. C'est moi, c'est Aramis. Au galop, Planchet, et au bout du village, guide à gauche.
Et Planchet, portant Aramis en croupe, partit au galop suivi de d'Artagnan, qui commençait à croire qu'il faisait quelque rêve fantastique et incohérent.
X. L'abbé d'Herblay
Au bout du village, Planchet tourna à gauche, comme le lui avait ordonné Aramis, et s'arrêta au-dessous de la fenêtre éclairée. Aramis sauta à terre et frappa trois fois dans ses mains. Aussitôt la fenêtre s'ouvrit, et une échelle de corde descendit.
– Mon cher, dit Aramis, si vous voulez monter, je serai enchanté de vous recevoir.
– Ah çà, dit d'Artagnan, c'est comme cela que l'on rentre chez vous?
– Passé neuf heures du soir il le faut pardieu bien! dit Aramis: la consigne du couvent est des plus sévères.
– Pardon, mon cher ami, dit d'Artagnan, il me semble que vous avez dit pardieu!
– Vous croyez, dit Aramis en riant, c'est possible; vous n'imaginez pas, mon cher, combien dans ces maudits couvents on prend de mauvaises habitudes et quelles méchantes façons ont tous ces gens Église avec lesquels je suis forcé de vivre! mais vous ne montez pas?
– Passez devant, je vous suis.
– Comme disait le feu cardinal au feu roi: «Pour vous montrer le chemin, sire.»
Et Aramis monta lestement à l'échelle, et en un instant il eut atteint la fenêtre.
D'Artagnan monta derrière lui, mais plus doucement; on voyait que ce genre de chemin lui était moins familier qu'à son ami.
– Pardon, dit Aramis en remarquant sa gaucherie: si j'avais su avoir l'honneur de votre visite, j'aurais fait apporter l'échelle du jardinier; mais pour moi seul, celle-ci est suffisante.
– Monsieur, dit Planchet lorsqu'il vit d'Artagnan sur le point d'achever son ascension, cela va bien pour M. Aramis, cela va encore pour vous, cela, à la rigueur, irait aussi pour moi, mais les deux chevaux ne peuvent pas monter l'échelle.
– Conduisez-les sous ce hangar, mon ami, dit Aramis en montrant à Planchet une espèce de fabrique qui s'élevait dans la plaine, vous y trouverez de la paille et de l'avoine pour eux.
– Mais pour moi? dit Planchet.
– Vous reviendrez sous cette fenêtre, vous frapperez trois fois dans vos mains, et nous vous ferons passer des vivres. Soyez tranquille, morbleu! on ne meurt pas de faim ici, allez!
Et Aramis, retirant l'échelle, ferma la fenêtre.
D'Artagnan examinait la chambre.
Jamais il n'avait vu appartement plus guerrier à la fois et plus élégant. À chaque angle étaient des trophées d'armes offrant à la vue et à la main des épées de toutes sortes, et quatre grands tableaux représentaient dans leurs costumes de bataille le cardinal de Lorraine, le cardinal de Richelieu, le cardinal de La Valette et l'archevêque de Bordeaux. Il est vrai qu'au surplus rien n'indiquait la demeure d'un abbé; les tentures étaient de damas, les tapis venaient d'Alençon et le lit surtout avait plutôt l'air du lit d'une petite-maîtresse, avec sa garniture de dentelle et son couvre-pied, que de celui d'un homme qui avait fait voeu de gagner le ciel par l'abstinence et la macération.
– Vous