Vingt ans après. Dumas Alexandre
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Le desservant achevait la messe en même temps que d'Artagnan son examen; il prononça les paroles sacramentelles et se retira en donnant, au grand étonnement de d'Artagnan, sa bénédiction, que chacun recevait à genoux. Mais l'étonnement de d'Artagnan cessa lorsque dans l'officiant il eut reconnu le coadjuteur lui-même, c'est-à-dire le fameux Jean-François de Gondy, qui, à cette époque, pressentant le rôle qu'il allait jouer, commençait à force d'aumônes à se faire très populaire. C'était dans le but d'augmenter cette popularité qu'il disait de temps en temps une de ces messes matinales auxquelles le peuple seul a l'habitude d'assister.
D'Artagnan se mit à genoux comme les autres, reçut sa part de bénédiction, fit le signe de la croix; mais au moment où Bazin passait à son tour les yeux levés au ciel, et marchant humblement le dernier, d'Artagnan l'accrocha par le bas de sa robe. Bazin baissa les yeux et fit un bond en arrière comme s'il eût aperçu un serpent.
– Monsieur d'Artagnan! s'écria-t-il; vade retro, Satanas!..
– Eh bien, mon cher Bazin, dit l'officier en riant, voilà comment vous recevez un ancien ami!
– Monsieur, répondit Bazin, les vrais amis du chrétien sont ceux qui l'aident à faire son salut, et non ceux qui l'en détournent.
– Je ne vous comprends pas, Bazin, dit d'Artagnan, et je ne vois pas en quoi je puis être une pierre d'achoppement à votre salut.
– Vous oubliez, monsieur, répondit Bazin, que vous avez failli détruire à jamais celui de mon pauvre maître, et qu'il n'a pas tenu à vous qu'il ne se damnât en restant mousquetaire, quand sa vocation l'entraînait si ardemment vers Église.
– Mon cher Bazin, reprit d'Artagnan, vous devez voir, par le lieu où vous me rencontrez, que je suis fort changé en toutes choses: l'âge amène la raison; et, comme je ne doute pas que votre maître ne soit en train de faire son salut, je viens m'informer de vous où il est, pour qu'il m'aide par ses conseils à faire le mien.
– Dites plutôt pour le ramener avec vous vers le monde. Heureusement, ajouta Bazin, que j'ignore où il est, car, comme nous sommes dans un saint lieu, je n'oserais pas mentir.
– Comment! s'écria d'Artagnan au comble du désappointement, vous ignorez où est Aramis?
– D'abord, dit Bazin, Aramis était son nom de perdition, dans Aramis on trouve Simara, qui est un nom de démon, et, par bonheur pour lui, il a quitté à tout jamais ce nom.
– Aussi, dit d'Artagnan décidé à être patient jusqu'au bout, n'est-ce point Aramis que je cherchais, mais l'abbé d'Herblay. Voyons, mon cher Bazin, dites-moi où il est.
– N'avez-vous pas entendu, monsieur d'Artagnan, que je vous ai répondu que je l'ignorais?
– Oui, sans doute; mais à ceci je vous réponds, moi, que c'est impossible.
– C'est pourtant la vérité, monsieur, la vérité pure, la vérité du bon Dieu.
D'Artagnan vit bien qu'il ne tirerait rien de Bazin; il était évident que Bazin mentait, mais il mentait avec tant d'ardeur et de fermeté, qu'on pouvait deviner facilement qu'il ne reviendrait pas sur son mensonge.
– C'est bien, Bazin! dit d'Artagnan; puisque vous ignorez où demeure votre maître, n'en parlons plus, quittons-nous bons amis, et prenez cette demi-pistole pour boire à ma santé.
– Je ne bois pas, monsieur, dit Bazin en repoussant majestueusement la main de l'officier, c'est bon pour des laïques.
– Incorruptible! murmura d'Artagnan. En vérité, je joue de malheur.
Et comme d'Artagnan, distrait par ses réflexions, avait lâché la robe de Bazin, Bazin profita de la liberté pour battre vivement en retraite vers la sacristie, dans laquelle il ne se crut encore en sûreté qu'après avoir fermé la porte derrière lui.
D'Artagnan restait immobile, pensif et les yeux fixés sur la porte qui avait mis une barrière entre lui et Bazin, lorsqu'il sentit qu'on lui touchait légèrement l'épaule du bout du doigt.
Il se retourna et allait pousser une exclamation de surprise, lorsque celui qui l'avait touché du bout du doigt ramena ce doigt sur ses lèvres en signe de silence.
– Vous ici, mon cher Rochefort! dit-il à demi-voix.
– Chut! dit Rochefort. Saviez-vous que j'étais libre!
– Je l'ai su de première main.
– Et par qui?
– Par Planchet.
– Comment, par Planchet?
– Sans doute! C'est lui qui vous a sauvé.
– Planchet!.. En effet, j'avais cru le reconnaître. Voilà ce qui prouve, mon cher, qu'un bienfait n'est jamais perdu.
– Et que venez-vous faire ici?
– Je viens remercier Dieu de mon heureuse délivrance, dit
Rochefort.
– Et puis quoi encore? car je présume que ce n'est pas tout.
– Et puis prendre les ordres du coadjuteur, pour voir si nous ne pourrons pas quelque peu faire enrager Mazarin.
– Mauvaise tête! vous allez vous faire fourrer encore à la
Bastille.
– Oh! quant à cela, j'y veillerai, je vous en réponds! c'est si bon, le grand air! Aussi, continua Rochefort en respirant à pleine poitrine, je vais aller me promener à la campagne, faire un tour en province.
– Tiens! dit d'Artagnan, et moi aussi!
– Et sans indiscrétion, peut-on vous demander où vous allez?
– À la recherche de mes amis.
– De quels amis?
– De ceux dont vous me demandiez des nouvelles hier.
– D'Athos, de Porthos et d'Aramis? Vous les cherchez?
– Oui.
– D'honneur?
– Qu'y a-t-il donc là d'étonnant?
– Rien. C'est drôle. Et de la part de qui les cherchez-vous?
– Vous ne vous en doutez pas.
– Si fait.
– Malheureusement je ne sais où ils sont.
– Et vous n'avez aucun moyen d'avoir de leurs nouvelles? Attendez huit jours, et je vous en donnerai, moi.