Le Cabinet des Fées. Шарль Перро
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Читать онлайн книгу Le Cabinet des Fées - Шарль Перро страница 16
–Mon père et ma mère, leur dit-il, je n'ai point dessein de faire une alliance qui vous déplaise; et pour preuve de cette vérité, dit-il en tirant l'émeraude de dessous son chevet, c'est que j'épouserai celle à qui cette bague ira, telle qu'elle soit; et il n'y a pas apparence que celle qui aura ce joli doigt soit une rustaude ou une paysanne.
Le roi et la reine prirent la bague, l'examinèrent curieusement, et jugèrent, ainsi que le prince, que cette bague ne pouvait aller qu'à quelque fille de bonne maison. Alors le roi, ayant embrassé son fils, en le conjurant de guérir, sortit, fit sonner les tambours, les fifres et les trompettes par toute la ville, et crier par ses hérauts que l'on n'avait qu'à venir au palais essayer une bague, et que celle à qui elle irait juste épouserait l'héritier du trône.
Les princesses d'abord arrivèrent, puis les duchesses, les marquises et les baronnes; mais elles eurent beau toutes s'amenuiser les doigts, 90 aucune ne put mettre la bague. Il en fallut venir aux grisettes, qui, toutes jolies qu'elles étaient, avaient toutes les doigts trop gros. Le prince, qui se portait mieux, faisait lui-même l'essai. Enfin, on en vint aux filles de chambre: elles ne réussirent pas mieux. Il n'y avait plus personne qui n'eût essayé cette bague sans succès, lorsque le prince demanda les cuisinières, les marmitonnes, les gardeuses de moutons: on amena tout cela; mais leurs gros doigts rouges et courts ne purent seulement aller par delà l'ongle.
–A-t-on fait venir cette Peau d'Ane qui m'a fait un gâteau ces jours derniers? dit le prince.
Chacun se prit à rire, et lui dit que non, tant elle était sale et crasseuse.
–Qu'on l'aille chercher tout à l'heure, dit le roi; il ne sera pas dit que j'ai excepté quelqu'un.
On courut, en riant et se moquant, chercher la dindonnière.
L'infante, qui avait entendu les tambours et le cri des hérauts d'armes, s'était bien doutée que sa bague faisait ce tintamarre: elle aimait le prince; et comme le véritable amour est craintif et n'a point de vanité, elle était dans la crainte continuelle que quelque dame n'eût le doigt aussi menu que le sien. Elle eut donc une grande joie quand on vint la chercher et qu'on heurta à sa porte. Depuis qu'elle avait su qu'on cherchait un doigt propre à mettre sa bague, je ne sais quel espoir l'avait portée à se coiffer plus soigneusement, et à mettre son beau corps d'argent, avec le jupon plein de falbalas, de dentelles d'argent, semé d'émeraudes. Sitôt qu'elle entendit qu'on heurtait à la porte et qu'on l'appelait pour aller chez le prince, elle remit promptement sa peau d'âne, ouvrit sa porte; et ces gens, en se moquant d'elle, lui dirent que le roi la demandait pour lui faire épouser son fils; puis, avec de longs éclats de rire, ils la menèrent chez le prince, qui, lui-même étonné de l'accoutrement de cette fille, n'osa croire que ce fût celle qu'il avait vue si pompeuse et si belle. Triste et confus de s'être si lourdement trompé:
–Est-ce vous, lui dit-il, qui logez au fond de cette allée obscure, dans la troisième basse-cour de la métairie?
–Oui, seigneur, répondit-elle.
–Montrez-moi votre main, dit-il en tremblant et poussant un profond soupir.
Dame! qui fut bien surpris? Ce furent le roi et la reine, ainsi que tous les chambellans et les grands de la cour, lorsque de dessous cette peau noire et crasseuse sortit une petite main délicate, blanche et couleur de rose, où la bague s'ajusta sans peine au plus joli petit doigt du monde; et, par un petit mouvement que l'infante se donna, la peau tomba: elle parut d'une beauté si ravissante, que le prince, tout faible qu'il était, se mit à ses genoux et les serra avec une ardeur qui la fit rougir; mais on ne s'en aperçut presque pas, parce que le roi et la reine vinrent l'embrasser de toute leur force, et lui demander si elle voulait bien épouser leur fils.
La princesse, confuse de tant de caresses et de l'amour que lui marquait ce beau jeune prince, allait cependant les en remercier, lorsque le plafond du salon s'ouvrit, et que la fée des Lilas, descendant dans un char fait de branches et de fleurs de son nom, conta, avec une grâce infinie, l'histoire de l'infante. Le roi et la reine, charmés de voir que Peau d'Ane était une grande princesse, redoublèrent leurs caresses; mais le prince fut encore plus sensible à la vertu de la princesse; et son amour s'accrut par cette connaissance.
L'impatience du prince pour épouser la princesse fut telle, qu'à peine donna-t-il le temps 91 de faire les préparatifs convenables pour cet auguste hyménée. Le roi et la reine, qui étaient affolés 92 de leur belle-fille, lui faisaient mille caresses et la tenaient incessamment dans leurs bras; elle avait déclaré qu'elle ne pouvait épouser le prince sans le consentement du roi son père: aussi fut-il le premier auquel on envoya une invitation, sans lui dire quelle était l'épousée; la fée des Lilas, qui présidait à tout, comme de raison, l'avait exigé, à cause des conséquences.
Il vint des rois de tous les pays: les uns en chaise à porteurs, d'autres en cabriolet; les plus éloignés montés sur des éléphants, sur des tigres, sur des aigles; mais le plus magnifique et le plus puissant fut le père de l'infante, qui heureusement avait oublié son amour déréglé, et avait épousé une reine veuve fort belle. L'infante courut au-devant de lui: il la reconnut aussitôt, et l'embrassa avec une grande tendresse avant qu'elle eût eu le temps de se jeter à ses genoux. Le roi et la reine lui présentèrent leur fils, qu'il combla d'amitié. Les noces se firent avec toute la pompe imaginable. Les jeunes époux, peu sensibles à ces magnificences, ne virent et ne regardèrent qu'eux.
Le roi, père du prince, fit couronner son fils ce même jour; et, lui baisant la main, le plaça sur son trône, malgré la résistance de ce fils bien né: mais il lui fallut obéir. Les fêtes de cet illustre mariage durèrent près de trois mois; mais l'amour de ces deux époux durerait encore, tant ils s'aimaient, s'ils n'étaient pas morts cent ans après.
L'OISEAU BLEU
Il était une fois un roi fort riche en terres et en argent; sa femme mourut, il en fut inconsolable. Il s'enferma huit jours entiers dans un petit cabinet, où il se cassait la tête contre les murs, tant il était affligé. On craignit qu'il ne se tuât: on mit des matelas entre la tapisserie et la muraille; de sorte qu'il avait beau se frapper, il ne se faisait plus de mal. Tous ses sujets résolurent entre eux de l'aller voir, et de lui dire ce qu'ils pourraient de plus propre à soulager sa tristesse. Les uns préparaient des discours graves et sérieux, d'autres d'agréables, et même de réjouissants; mais cela ne faisait aucune impression sur son esprit: à peine entendait-il ce qu'on lui disait. Enfin, il se présenta devant lui une femme si couverte de crêpes noirs, de voiles, de longs habits de deuil, et qui pleurait et sanglotait si fort et si haut, qu'il en demeura surpris. Elle lui dit qu'elle n'entreprenait point comme les autres de diminuer sa douleur, qu'elle venait pour l'augmenter, parce que rien n'était plus juste que de pleurer une bonne femme; que pour elle, qui avait eu le meilleur de tous les maris, elle faisait bien son compte de pleurer tant qu'il lui resterait des yeux à la tête. La-dessus elle redoubla ses cris, et le roi, à son exemple, se mit à hurler. 93
Il la reçut mieux que les autres; il l'entretint 94 des belles qualités de sa chère défunte, et elle renchérit 95 sur celles de son cher défunt: ils causèrent tant et tant, qu'ils ne savaient plus que dire sur leur douleur. Quand la fine veuve vit la matière 96 presque épuisée, elle leva un peu ses voiles, et le roi affligé se récréa la vue à regarder cette pauvre affligée, qui tournait et retournait fort à propos deux grands yeux bleus, bordés de longues paupières
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Elles eurent beau toutes s'amenuiser les doigts,
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À peine donna-t-il le temps,
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affolés,
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Hurler,
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il l'entretint,
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elle renchérit,
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la matière,