Le Cabinet des Fées. Шарль Перро
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Читать онлайн книгу Le Cabinet des Fées - Шарль Перро страница 20
Florine avait un plaisir si sensible d'entendre parler son aimable amant, qu'elle ne se souvenait plus des malheurs de sa prison. Que ne lui dit-elle pas pour le consoler de sa triste aventure, et pour le persuader qu'elle ne ferait pas moins pour lui qu'il avait fait pour elle! Le jour paraissait, la plupart des officiers étaient déjà levés, que l'Oiseau Bleu et la princesse parlaient encore ensemble. Ils se séparèrent avec mille peines, après s'être que toutes les nuits ils s'entretiendraient ainsi.
La joie de s'être trouvés était si extrême, qu'il n'est point de termes capables de l'exprimer; chacun de son côté remerciait l'amour et la fortune. Cependant Florine s'inquiétait pour l'Oiseau Bleu: «Qui le garantira des chasseurs, disait-elle, ou de la serre aiguë de quelque aigle, ou de quelque vautour affamé, qui le mangera avec autant d'appétit que si ce n'était pas un grand roi? O ciel! que deviendrais-je si ses plumes légères et fines, poussées par le vent, venaient jusques dans ma prison m'annoncer le désastre que je crains?» Cette pensée empêcha que la pauvre princesse fermât les yeux; car, lorsque l'on aime, les illusions paraissent des vérités, et ce que l'on croyait impossible dans un autre temps semble aisé en celui-là de sorte qu'elle passa le jour à pleurer, jusqu'à ce que l'heure fût venue de se mettre à sa fenêtre.
Le charmant Oiseau, caché dans le creux d'un arbre, avait été tout le jour occupé à penser à sa belle princesse. «Que je suis content, disait-il, de l'avoir retrouvée! qu'elle est engageante! que je sens vivement les bontés qu'elle me témoigne!» Ce tendre amant comptait jusqu'aux moindres moments de la pénitence qui l'empêchait de l'épouser, et jamais l'on n'en a désiré la fin avec plus de passion. Comme il voulait faire à Florine toutes les galanteries dont il était capable, il vola jusqu'à la ville capitale de son royaume, il alla à son palais, il entra dans son cabinet par une vitre qui était cassée; il prit des pendants d'oreilles de diamants, si parfaits et si beaux, qu'il n'y en avait point au monde qui en approchassent: il les apporta le soir à Florine, et la pria de s'en parer. «J'y consentirais, lui dit-elle, si vous me voyiez le jour; mais puisque je ne vous parle que la nuit, je ne les mettrai pas. L'Oiseau lui promit de prendre si bien son temps, qu'il viendrait à la tour à l'heure qu'elle voudrait: aussitôt elle mit les pendants d'oreilles, et la nuit se passa à causer, comme s'était passée l'autre.
Le lendemain, l'Oiseau Bleu retourna dans son royaume. Il alla à son palais; il entra dans son cabinet par la vitre rompue, et il en apporta les plus riches bracelets que l'on eût encore vus: ils étaient d'une seule émeraude, taillés en facettes, creusés par le milieu, pour y passer la main et le bras. «Pensez-vous, lui dit la princesse, que mes sentiments pour vous aient besoin d'être cultivés par des présents? Ah! que vous les connaîtriez mal! – Non, madame, répliqua-t-il, je ne crois pas que les bagatelles que je vous offre soient nécessaires pour me conserver votre tendresse; mais la mienne serait blessée si je négligeais aucune occasion de vous marquer mon attention; et quand vous ne me voyez point, ces petits bijoux me rappellent à votre souvenir.» Florine lui dit là-dessus mille choses obligeantes, auxquelles il répondit par mille autres qui ne l'étaient pas moins.
La nuit suivante, l'Oiseau amoureux ne manqua pas d'apporter à sa belle une montre d'une grandeur raisonnable, qui était dans une perle: l'excellence du travail surpassait celle de la matière. «Il est inutile de me régaler 110 d'une montre, dit-elle galamment: quand vous êtes éloigné de moi, les heures me paraissent sans fin; quand vous êtes avec moi, elles passent comme un songe: ainsi je ne puis leur donner une juste mesure. – Hélas! ma princesse, s'écria l'Oiseau Bleu, j'en ai la même opinion que vous, et je suis persuadé que je renchéris encore sur la délicatesse. – Après ce que vous souffrez pour me conserver votre coeur, répliqua-t-elle, je suis en état de croire que vous avez porté l'amitié et l'estime aussi loin qu'elles peuvent aller.»
Dès que le jour paraissait, l'Oiseau volait dans le fond de son arbre, où des fruits lui servaient de nourriture. Quelquefois encore il chantait de beaux airs: sa voix ravissait les passants, ils l'entendaient et ne voyaient personne; aussi il était conclu que c'était des esprits. Cette opinion devint si commune, que l'on n'osait entrer dans le bois: on rapportait mille aventures fabuleuses qui s'y étaient passées, et la terreur générale fit la sûreté particulière de l'Oiseau Bleu.
Il ne se passait aucun jour sans qu'il fît un présent à Florine; tantôt un collier de perles, ou des bagues des plus brillantes et des mieux mises en oeuvre, des attaches de diamants, des poinçons, des bouquets de pierreries qui imitaient la couleur des fleurs, des livres agréables, des médailles; enfin, elle avait un amas de richesses merveilleuses: elle ne s'en paraît jamais que la nuit pour plaire au roi, et le jour, n'ayant point d'endroit à les mettre, elle les cachait soigneusement dans sa paillasse.
Deux années s'écoulèrent ainsi sans que Florine se plaignit une seule fois de sa captivité. Et comment s'en serait-elle plainte? elle avait la satisfaction de parler toute la nuit à ce qu'elle aimait: il ne s'est jamais tant dit de jolies choses. Bien qu'elle ne vit personne et que l'Oiseau passât le jour dans le creux d'un arbre, ils avaient mille nouveautés à se raconter; la matière était inépuisable, leur coeur et leur esprit fournissaient abondamment des sujets de conversation.
Cependant la malicieuse reine, qui la retenait si cruellement en prison, faisait d'inutiles efforts pour marier Truitonne. Elle envoyait des ambassadeurs la proposer à tous les princes dont elle connaissait le nom: dès qu'ils arrivaient, on les congédiait brusquement. «S'il s'agissait de la princesse Florine, vous seriez reçus avec joie, leur disait-on; mais pour Truitonne, elle peut rester vestale sans que personne s'y oppose.» A ces nouvelles, sa mère et elle s'emportaient de colère contre l'innocente princesse qu'elles persécutaient. «Quoi! malgré sa captivité, cette arrogante nous traversera! 111 disaient-elles. Quel moyen de lui pardonner les mauvais tours qu'elle nous fait? Il faut qu'elle ait des correspondances secrètes dans les pays étrangers: c'est tout au moins une criminelle d'État; traitons-là sur ce pied, et cherchons tous les moyens possibles de la convaincre.»
Elles finirent leur conseil si tard, qu'il était plus de minuit lorsqu'elles résolurent de monter dans la tour pour l'interroger. Elle était avec l'Oiseau Bleu à la fenêtre, parée de ses pierreries, coiffée de ses beaux cheveux, avec un soin qui n'est pas naturel aux personnes affligées; sa chambre et son lit étaient jonchés de fleurs, et quelques pastilles d'Espagne qu'elle venait de brûler répandaient une odeur excellente. La reine écouta à la porte; elle crut entendre chanter un air à deux parties: car Florine avait un voix presque céleste. En voici les paroles, qui lui parurent tendres:
Que notre sort est déplorable,
Et que nous souffrons de tourments
Pour nous aimer trop constamment!
Mais c'est en vain qu'on nous accable:
Malgré nos cruels ennemis,
Nos coeurs seront toujours unis.
Quelques soupirs finirent leur petit concert.
"Ah! ma Truitonne, nous sommes trahies, s'écria la reine en ouvrant brusquement la porte, et se jetant dans la chambre. Que devint Florine à cette vue? Elle poussa promptement sa petite fenêtre, pour donner le temps à l'Oiseau royal de s'envoler. Elle était bien plus occupée de sa conservation que de la sienne propre; mais il ne se sentit pas la force de s'éloigner: ses yeux perçants lui avaient découvert le péril auquel sa princesse était exposée. Il avait vu la reine et Truitonne; quelle affliction de n'être pas en état de défendre sa maîtresse! Elles s'approchèrent d'elle comme des furies qui voulaient la dévorer."
110
De me régaler,
111
Traversera,