Horace. Жорж Санд

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Horace - Жорж Санд

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homme qui a embrassé plus de cent fois Lafayette, mais qui n'en parle plus en 1831 qu'en disant: Mon pauvre ami; et vous aurez au grand complet Jean Laravinière, président des bousingots.

      VII

      – Vous demandez madame Poisson? dit-il à Horace, qui n'accueillait pas trop bien en général sa familiarité. Eh bien! vous ne verrez plus madame Poisson. Absente par congé, madame Poisson. Pas mal fait. M. Poisson ne la battra plus.

      – Si elle avait voulu me prendre pour son défenseur, s'écria le petit Paulier, qui n'était guère plus gros qu'une mouche, elle n'aurait pas été battue deux fois. Mais enfin, puisque c'est le président qu'elle a honoré de sa préférence…

      – Excusez! cela n'est pas vrai, répondit le président des bousingots en élevant sa voix enrouée pour que tout le monde l'entendît. A moi, Arsène, un verre de rhum! j'ai la gorge en feu. J'ai besoin de me rafraîchir.

      Arsène vint lui verser du rhum, et resta debout près de lui, le regardant attentivement avec une expression indéfinissable.

      «Eh bien, mon pauvre Arsène, reprit Laravinière sans lever les yeux sur lui et tout en dégustant son petit verre: tu ne verras plus ta bourgeoise! Cela te fait plaisir peut-être? Elle ne t'aimait guère, ta bourgeoise?

      – Je n'en sais rien, répondit Arsène de sa voix claire et ferme; mais où diable peut-elle être?

      – Je te dis qu'elle est partie. Partie, entends-tu bien? Cela veut dire qu'elle est où bon lui semble; qu'elle est partout excepté ici.

      – Mais ne craignez-vous pas d'affliger ou d'offenser beaucoup le mari en parlant si haut d'une pareille affaire? dis-je en jetant les yeux vers la porte du fond, où nous apparaissait ordinairement M. Poisson vingt fois par heure.

      – Le citoyen Poisson n'est pas céans, répondit le bousingot Louvet: nous venons de le rencontrer à l'entrée de la Préfecture de police, où il va sans doute demander des informations. Ah! dame, il cherche; il cherchera longtemps. Cherche, Poisson, cherche! Apporte!

      – Pauvre bête! reprit un autre. Ça lui apprendra qu'on ne prend pas les mouches avec du vinaigre. Arsène? à moi, du café!

      – Elle a bien fait! dit un troisième. Je ne l'aurais jamais crue capable d'un pareil coup de tête, pourtant! Elle avait l'air usé par le chagrin, cette pauvre femme! A moi, Arsène, de la bière!»

      Arsène servait lestement tout le monde, et il venait toujours se planter derrière Laravinière, comme s'il eût attendu quelque chose.

      «Eh! qu'as-tu là à me regarder? lui dit Laravinière, qui le voyait dans la glace.

      – J'attends pour vous verser un second petit verre, répondit tranquillement Arsène.

      – Joli garçon, va! dit le président en lui tendant son verre. Ton coeur comprend le mien. Ah! si tu avais pu te poser ainsi en Hébé à la barricade de la rue Montorgueil, l'année passée, à pareille époque! J'avais une si abominable soif! Mais ce gamin-là ne songeait qu'à descendre des gendarmes. Brave comme un lion, ce gamin-là! Ta chemise n'était pas aussi blanche au'aujourd'hui, hein? Rouge de sang et noire de poudre. Mais où diable as-tu passé depuis?

      – Dis-nous donc plutôt où madame Poisson a passé la nuit, puisque tu le sais? reprit Paulier.

      – Vous le savez? s'écria Horace le visage en feu.

      – Tiens! ça vous intéresse, vous? répondit Laravinière. Ça vous intéresse diablement, à ce qu'il parait! Eh bien! vous ne le saurez pas, soit dit sans vous lâcher; car j'ai donné ma parole, et vous comprenez.

      – Je comprends, dit Horace avec amertume, que vous voulez nous donner à entendre que c'est chez vous que s'est retirée madame Poisson.

      – Chez moi! je le voudrais: ça supposerait que j'ai un chez moi. Mais pas de mauvaises plaisanteries, s'il vous plaît. Madame Poisson est une femme fort honnête, et je suis sûr qu'elle n'ira jamais ni chez vous ni chez moi.

      – Raconte-leur donc comment tu l'as aidée à se sauver? dit Louvet en voyant avec quel intérêt nous cherchions à deviner le sens de ses réticences.

      – Voilà! écoutez! répondit le président. Je peux bien le dire: cela ne fait aucun tort à la dame. Ah! tu écoutes, toi? ajouta-t-il en voyant Arsène toujours derrière lui. Tu voudrais faire le capon, et redire cela à ton bourgeois.

      – Je ne sais pas seulement de quoi vous parlez, répondit Arsène en s'asseyant sur une table vide et en ouvrant un journal. Je suis là pour vous servir: si je suis de trop, je m'en vas.

      – Non, non! reste, enfant de juillet! dit Laravinière. Ce que j'ai à dire ne compromet personne.»

      C'était l'heure du dîner des habitants du quartier. Il n'y avait dans le café que Laravinière, ses amis et nous. Il commença son récit en ces termes:

      «Hier soir… je pourrais aussi bien dire ce matin (car il était minuit passé, près d'une heure), je revenais tout seul à mon gîte, c'était par le plus long. Je ne vous dirai ni d'où je venais, ni en quel endroit je fis cette rencontre; j'ai posé mes réserves à cet égard. Je voyais marcher devant moi une vraie taille de guêpe, et cela avait un air si comme il faut, cela avait la marche si peu agaçante que nous connaissons, que j'ai hésité par trois fois… Enfin, persuadé que ce ne pouvait être autre chose qu'un phalène, je m'avance sur la même ligne; mais je ne sais quoi de mystérieux et d'indéfinissable (style choisi, mes enfants!) m'aurait empêché d'être grossier, quand même la galanterie française ne serait pas dans les moeurs de votre président. – Femme charmante, lui dis-je, pourrait-on vous offrir le bras? – Elle ne répond rien et ne tourne pas la tête. Cela m'étonne. Ah bah! elle est peut-être sourde, cela s'est vu. J'insiste. On me fait doubler le pas. – N'ayez donc pas peur! – Ah! – Un petit cri, et puis on s'appuie sur le parapet.

      – Parapet? c'était sur le quai, dit Louvet.

      – J'ai dit parapet comme j'aurais dit borne, fenêtre, muraille quelconque. N'importe! je la voyais trembler comme une femme qui va s'évanouir. Je m'arrête, interdit. Se moque-t-on de moi? – Mais, Mademoiselle, n'ayez donc pas peur. – Ah! mon Dieu! c'est vous, monsieur Laravinière? – Ah! mon Dieu! c'est vous, madame Poisson? (Et voilà, un coup de théâtre!) – Je suis bien aise de vous rencontrer, dit-elle d'un ton résolu. Vous êtes un honnête homme, vous allez me conduire. Je remets mon sort entre vos mains, je me lie à vous. Je demande le secret. – Me voilà, Madame, prêt à passer l'eau et le feu pour vous et avec vous. Elle prend mon bras. – Je pourrais vous prier de ne pas me suivre, et je suis sûre que vous n'insisteriez pas; mais j'aime mieux me confier à vous. Mon honneur sera en bonnes mains; vous ne le trahirez pas.»

      «J'étends la main, elle y met la sienne. Voilà la tête qui me tourne un peu, mais c'est égal. J'offre mon bras comme un marquis, et sans me permettre une seule question, je l'accompagne…

      – Où, demanda Horace impatient.

      – Où bon lui semble, répondit Laravinière. Chemin faisant: – Je quitte M. Poisson pour toujours, me répondit-elle; mais je ne le quitte pas pour me mal conduire. Je n'ai pas d'amant, Monsieur; je vous jure devant Dieu, qui veille sur moi, puisqu'il vous a envoyé vers moi en ce moment, que je n'en ai pas et n'en veux pas avoir. Je me soustrais à de mauvais traitements, et voilà tout. J'ai un asile, chez une amie, chez une femme honnête et bonne; je vais vivre

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