Valvèdre. Жорж Санд

Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Valvèdre - Жорж Санд страница 13

Valvèdre - Жорж Санд

Скачать книгу

de commenter de sang-froid la situation. Il n'avait pas osé se vanter à mademoiselle de Valvèdre de tout le zèle qu'il avait mis à trouver un prétexte pour s'introduire auprès d'Alida. Il avait même eu le bon goût de ne pas parler de son argent dépensé. Il prétendait avoir seulement été aux informations dans les environs, et avoir réussi à déterrer un chasseur qui descendait de la montagne et qui avait vu de loin le campement du savant et le savant lui-même en lieu sûr et en bonne apparence de santé. On l'avait remercié de son obligeance, Paule disait ingénument «de son bon coeur.» On le connaissait de nom et de réputation; mais on n'avait jamais remarqué sa figure, bien qu'il s'évertuât à vouloir rappeler diverses circonstances où il s'était trouvé, à la promenade à Genève ou au spectacle à Turin, non loin de ces dames. Il insinuait, avec autant de finesse qu'il lui était possible, que madame de Valvèdre l'avait vivement frappé, que, tel jour et en telle rencontre, il avait remarqué tous les détails de sa toilette.

      – On jouait le Barbier de Séville.

      – Oui, je m'en souviens, répondait-elle.

      – Vous aviez une robe de soie bleu pâle avec des ornements blancs, et vos cheveux étaient bouclés, au lieu d'être en bandeaux comme aujourd'hui.

      – Je ne m'en souviens pas, répondait Alida d'un ton qui signifiait:

      «Qu'est-ce que cela vous fait?»

      Il y eut un tel crescendo de froideur de sa part, que le pauvre juif, tout à fait décontenancé, quitta l'angle de la cheminée, où il se dandinait depuis un quart d'heure, et alla déranger et impatienter les fiancés botanistes en leur faisant de lourdes questions railleuses sur leurs saintes études de la nature. Je m'emparai de cette place que Moserwald avait accaparée: c'était la plus favorable pour voir Alida sans être gêné par la petite lampe dont elle s'était masquée; c'était aussi la plus proche que l'on pût convenablement prendre auprès d'elle. Jusque-là, ne voulant pas m'asseoir plus loin, je n'avais fait que la deviner.

      Je pus enfin lui parler. J'eus bien de la peine à lui adresser une question directe. Enfin ma langue se délia par un effort désespéré, et, au risque d'être aussi gauche et aussi bête que Moserwald, je lui demandai si j'étais assez malheureux pour que mon maudit hautbois eût réellement troublé son sommeil.

      – Tellement troublé, répondit-elle en souriant tristement, que je n'ai pas pu me rendormir; mais ne prenez pas ce reproche pour une critique. Il m'a semblé que vous jouiez fort bien: c'est précisément parce que j'étais forcée de vous écouter… Mais je ne veux pas non plus vous faire de compliments. A votre âge, cela ne vaut rien.

      – A mon âge? Oui, je suis un enfant, c'est vrai, rien qu'un enfant! C'est l'âge où l'on est avide de bonheur. Est-ce un crime d'être heureux d'un rien, d'un mot, d'un regard, fût-ce un regard distrait ou sévère, fût-ce un mot de simple bienveillance ou seulement de généreux pardon sous forme d'éloge?

      – Je vois, répondit-elle, que vous avez lu le petit volume que vous m'avez envoyé ce matin; car vous êtes tout rempli de l'orgueil de la première jeunesse, et ce n'est guère obligeant pour ceux ou pour celles qui sont entrés dans la seconde.

      – Dans les volumes que, par votre ordre, je vous ai fait remettre ce matin, y en avait-il donc un qui ait eu le malheur de vous déplaire?

      Elle sourit avec une ineffable douceur, et elle allait répondre. J'étais suspendu au mouvement de ses lèvres; Moserwald, penché sur la table, ne regardait nullement dans la loupe d'Obernay, qu'il avait prise machinalement et qu'il ternissait de son haleine, au grand déplaisir du botaniste. Il grimaçait derrière cette loupe; mais il avait un oeil braqué sur moi, et louchait d'une façon si burlesque, que madame de Valvèdre partit d'un éclat de rire. Ce fut pour moi un moment de cruel triomphe, mais qu'un instant après j'expiai cruellement. En riant, madame de Valvèdre laissa tomber sa broderie et un petit objet de métal que je pris pour un dé et que je ramassai précipitamment; mais je l'eus à peine dans les mains, qu'un cri de surprise et de douleur m'échappa.

      – Qu'est-ce donc que cela? m'écriai-je.

      – Eh bien, répondit-elle tranquillement, c'est ma bague. Elle est beaucoup trop large pour mon doigt.

      – Votre bague!.. répétai-je hors de moi en regardant d'un oeil hagard le gros saphir entouré de brillants que j'avais vu l'avant-veille au doigt de Moserwald.

      Et j'ajoutai, en proie à un véritable désespoir:

      – Mais cette chose-là n'est point à vous, madame!

      – Pardonnez-moi: à qui voulez-vous donc qu'elle soit?

      – Ah! vous l'avez achetée aujourd'hui?

      – Eh bien, qu'est-ce que cela vous fait, par exemple? Rendez-la-moi donc!

      – Puisque vous l'avez achetée, lui dis-je d'un ton amer en la lui rendant, gardez-la, elle est bien à vous; mais, à votre place, je ne la porterais pas. Elle est d'un goût affreux!

      – Vous trouvez? C'est bien possible. J'ai acheté cela hier vingt-cinq francs à un vilain petit juif qui monte en vermeil, à Varallo, les améthystes et les autres cailloux du pays; mais la grosse pierre est jolie. Je la ferai arranger autrement, et tout le monde croira que c'est un saphir oriental.

      J'allais dire à madame de Valvèdre que le petit juif avait volé cette bague à M. Moserwald, lorsque, la modicité du prix de vente supposant chez un juif bijoutier une ignorance par trop invraisemblable de la valeur de l'objet, je me sentis replongé dans une énigme insoluble. Alida venait de parler avec une sincérité évidente, et pourtant, quelque effort que fit Moserwald pour me cacher sa main gauche, je voyais bien qu'il n'avait plus sa bague. Un soupçon hideux pesait sur moi comme un cauchemar. Je pris le bras de l'israélite et je l'emmenai sur la galerie, comme pour lui parler d'autre chose. Je flattai sa vanité pour lui arracher la vérité.

      – Vous êtes un habile homme et un amant magnifique, lui dis-je; vous faites accepter vos dons de la manière la plus ingénieuse!

      Il donna dans le piège sans se faire prier.

      – Eh bien, oui, dit-il, voilà comme je suis! Rien ne me coûte pour procurer un petit plaisir à une jolie femme, et je n'ai pas le mauvais goût de lui faire des conditions, moi! C'est à elle de deviner.

      – Et certainement on vous devine? Vous êtes coutumier du fait?

      – Avec celle-ci… c'est la première fois, et je me demande avec un peu de crainte si elle prend réellement cette gemme de premier choix pour une améthyste de cent sous! Non, ce n'est pas probable. Toutes les femmes se connaissent en gemmes, elles les aiment tant!

      – Pourtant, si elle n'y connaît rien, elle ne vous devine pas, et vous voilà dans une impasse. Ou il faut vous déclarer, ou il faut risquer de voir la bague passer à la femme de chambre.

      – Me déclarer? répondit-il avec un véritable effroi. Oh! non, c'est trop tôt! je ne suis pas encouragé jusqu'à présent… à moins que ce ton moqueur ne soit une manière de grande dame!.. C'est possible, je n'avais jamais visé si haut, moi!.. car elle est comtesse, vous savez? Son mari ne prend pas de titre, mais il est de grande maison…

      – Mon cher, repris-je avec une ironie qu'il ne comprit pas, tout madré qu'il était, je ne vois qu'un moyen: c'est qu'un ami généreux l'éclaire sur la valeur de l'objet qu'on lui a fait si adroitement accepter. Voulez-vous que je m'en charge?

      – Oui! mais pas aujourd'hui

Скачать книгу