Le crime d'Orcival. Emile Gaboriau

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Le crime d'Orcival - Emile Gaboriau

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continuait de cette voix un peu emphatique des professeurs à l’amphithéâtre.

      – La lame du couteau devait être large de trois centimètres et longue de vingt-cinq au moins. Toutes les autres blessures, au bras, à la poitrine, aux épaules, sont légères relativement. On doit les supposer postérieures de deux heures au moins à celle qui a déterminé la mort.

      – Bien! fit M. Lecoq.

      – Remarquez, reprit vivement le docteur, que je n’émets pas une certitude; j’indique simplement une probabilité. Les phénomènes sur lesquels se base ma conviction personnelle, sont trop fugitifs, trop insaisissables de leur nature, trop discutés encore pour que je puisse rien assurer.

      Cet exposé du docteur parut contrarier vivement M. Lecoq.

      – Cependant, dit-il, du moment où…

      – Ce que je puis affirmer, interrompit M. Gendron, ce que sans scrupules j’affirmerais devant un tribunal, sous la foi du serment, c’est que toutes les plaies contuses de la tête, à l’exception d’une seule, ont été faites bien après la mort. Pas de doutes, pas de discussion possibles. Voici, au-dessus de l’œil, le coup donné pendant la vie. Comme vous le voyez, l’infiltration du sang dans les mailles des tissus a été considérable, la tumeur est énorme, très noire au centre et plombée. Les autres contusions ont si peu ce caractère que même ici, où le choc a été assez violent pour fracturer l’os temporal, il n’y a aucune trace d’ecchymose.

      – Il me semble, monsieur le docteur, insinua M. Lecoq, que de ce fait acquis et prouvé, que la comtesse a été, après sa mort, frappée par un instrument contondant, on peut conclure que c’est également lorsqu’elle avait cessé de vivre qu’elle a été hachée de coups de couteau.

      M. Gendron réfléchit un moment.

      – Il se peut, monsieur l’agent, dit-il enfin, que vous ayez raison, et pour ma part j’en suis persuadé. Pourtant, les conclusions de mon rapport ne seront pas les vôtres. La médecine légale ne doit se prononcer que sur des faits patents, démontrés, indiscutables. Si elle a un doute, le moindre, le plus léger, elle doit se taire. Je dirai plus: s’il y a incertitude, mon avis est que l’accusé doit en recueillir le bénéfice et non l’accusation.

      Ce n’était, certes, pas là l’opinion de l’agent de la Sûreté, mais il se garda bien d’en rien dire.

      C’est avec une attention passionnée qu’il avait suivi le docteur Gendron, et la contraction de sa physionomie disait l’effort de son intelligence.

      – Il me paraît possible maintenant, dit-il, de déterminer où et comment la comtesse a été frappée.

      Le docteur avait recouvert le cadavre et le père Plantat avait replacé la lampe sur la petite table.

      Ils engagèrent tous deux M. Lecoq à s’expliquer.

      – Eh bien! reprit l’homme de la police, la direction de la blessure de Mme de Trémorel me prouve qu’elle était dans sa chambre, prenant le thé, assise et le corps un peu incliné en avant, lorsqu’elle a été assassinée. L’assassin est arrivé par-derrière, le bras levé, il a bien choisi sa place et a frappé avec une force terrible. Telle a été la violence du coup, que la victime est tombée en avant, et que dans la chute, son front rencontrant l’angle de la table, elle s’est fait la seule blessure ecchymosée que nous ayons remarquée à la tête.

      M. Gendron examinait alternativement M. Lecoq et le père Plantat, qui échangeaient des regards au moins singuliers. Peut-être se doutait-il du jeu qu’ils jouaient.

      – Évidemment, dit-il, le crime doit avoir eu lieu comme l’explique monsieur l’agent.

      Il y eut un autre silence si embarrassant que le père Plantat jugea convenable de l’interrompre. Le mutisme obstiné de M. Lecoq le taquinait.

      – Avez-vous vu, lui demanda-t-il, tout ce que vous aviez à voir!

      – Pour aujourd’hui, oui, monsieur. Pour les quelques perquisitions qui me seraient encore utiles, j’ai besoin de la lumière du jour. Il me paraît d’ailleurs que, sauf un détail qui m’inquiète, je tiens complètement l’affaire.

      – Il faut alors être ici demain de bon matin.

      – J’y serai, monsieur, à l’heure qu’il vous plaira.

      – Vos explorations terminées, nous nous rendrons ensemble à Corbeil, chez monsieur le juge d’instruction.

      – Je suis aux ordres de monsieur le juge de paix.

      Le silence recommença.

      Le père Plantat se sentait deviné et il ne comprenait rien au singulier caprice de l’agent de la Sûreté qui, si prompt quelques heures plus tôt, se taisait maintenant.

      M. Lecoq, lui, ravi de taquiner un peu le juge de paix, se proposait de l’étonner prodigieusement le lendemain en lui présentant un rapport qui serait le fidèle exposé de toutes ses idées. En attendant, il avait tiré sa bonbonnière et confiait mille choses au portrait.

      – Puisqu’il en est ainsi, fit le docteur, il ne nous reste plus, ce me semble, qu’à nous retirer.

      – J’allais demander la permission de le faire, dit M. Lecoq; je suis à jeun depuis ce matin.

      Le père Plantat prit un grand parti:

      – Regagnez-vous Paris ce soir, M. Lecoq? demanda-t-il brusquement.

      – Non, monsieur, je suis arrivé ici ce matin avec l’intention d’y coucher. J’ai même apporté mon sac de nuit, qu’avant de venir au château j’ai déposé à cette petite auberge qui est au bord de la route et qui a un grenadier peint sur sa devanture. C’est là que je me propose de souper et de coucher.

      – Vous serez fort mal au Grenadier fidèle, fit le vieux juge de paix, vous ferez acte de prudence en venant dîner avec moi.

      – Monsieur le juge de paix est vraiment trop bon…

      – De plus, comme nous avons à causer et peut-être, longuement, je vous offre une chambre; nous allons prendre votre sac de nuit en passant.

      M. Lecoq s’inclina, la bouche en cœur, à la fois flatté et reconnaissant de l’invitation.

      – Et vous aussi, docteur, continua le père Plantat, bon gré mal gré je vous enlève. Ah! ne dites pas non. Si vous tenez absolument à rentrer à Corbeil ce soir, nous vous reconduirons après souper.

      Restaient les scellés à poser.

      L’opération fut promptement terminée. Des bandes étroites de parchemin, retenues par de larges cachets de cire, aux armes de la justice de paix, furent placées à toutes les portes du premier étage, à la porte de la chambre à la hache, et aussi aux battants d’une armoire où toutes les pièces de conviction, recueillies par l’enquête et minutieusement décrites dans les procès-verbaux, avaient été déposées.

      IX

      Malgré toute la hâte imaginable, il n’était pas loin de dix heures quand le père Plantat et les invités purent enfin quitter le château de Valfeuillu.

      Au

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