Le crime d'Orcival. Emile Gaboriau

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Le crime d'Orcival - Emile Gaboriau

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l’y ont portée et oubliée à dessein.

      «Ils ont laissé cinq verres sur la table de la salle à manger, donc ils étaient plus ou moins de cinq, mais ils n’étaient pas cinq.

      «Il y avait sur la table comme les restes d’un souper, donc ils n’ont ni bu ni mangé.

      «Le cadavre de la comtesse était au bord de l’eau, donc il a été déposé là et non ailleurs avec préméditation.

      «On a retrouvé un morceau d’étoffe dans les mains de la victime, donc il y a été placé par les meurtriers eux-mêmes.

      «Le corps de Mme de Trémorel est criblé de coups de poignard et affreusement meurtri, donc elle a été tuée d’un seul coup…

      – Bravo! oui, bravo! s’écria le père Plantat visiblement charmé.

      – Eh! non, pas bravo! fit M. Lecoq, car ici mon fil se casse, je rencontre une lacune. Si mes déductions étaient justes, cette hache aurait été remise bien paisiblement sur le parquet.

      – Si! encore une fois, bravo! reprit le père Plantat, car cette circonstance est une particularité qui n’infirme en rien notre système général. Il est clair, il est certain que les assassins ont eu l’intention d’agir comme vous dites. Un événement qu’ils ne prévoyaient pas les a dérangés.

      – Peut-être, approuva l’agent de la Sûreté à demi-voix, peut-être votre observation est-elle juste. Mais c’est que je vois encore autre chose…

      – Quoi?..

      – Rien… pour le moment, du moins. Il est nécessaire, avant tout, que je voie la salle à manger et le jardin.

      M. Lecoq et le vieux juge de paix descendirent bien vite, et le père Plantat montra à l’agent les verres et les bouteilles qu’il avait fait mettre de côté.

      L’homme de la préfecture prit les verres l’un après l’autre, les portant à la hauteur de son œil, les exposant au jour, étudiant les places humides qui ternissaient le cristal.

      L’examen terminé.

      – On n’a bu dans aucun de ces verres, déclara-t-il résolument.

      – Quoi! pas dans un seul?

      L’agent de la Sûreté arrêta sur le vieux juge un de ces regards qui font tressaillir la pensée aux plus profonds replis de l’âme et répondit en mettant un intervalle calculé entre chacun de ces mots:

      – Pas dans un seul.

      Le père Plantat ne répondit que par un mouvement de lèvres qui disait clairement: «Vous vous avancez peut-être beaucoup.»

      M. Lecoq sourit, et, allant ouvrir la porte de la salle à manger, il appela:

      – François.

      Le valet de chambre de feu M. le comte de Trémorel accourut. La figure de ce brave garçon était décomposée. Fait inouï, bizarre, ce domestique regrettait son maître, il le pleurait.

      – Écoute-moi bien, mon garçon, lui dit l’agent de la Sûreté, le tutoyant avec cette familiarité qui caractérise les employés de la rue de Jérusalem, écoute-moi bien, et tâche en me répondant d’être exact, net et bref.

      – J’écoute, monsieur.

      – Avait-on l’habitude au château de monter du vin à l’avance?

      – Non, monsieur, moi-même, avant chaque repas, je descendais à la cave.

      – Il n’y avait donc jamais une certaine quantité de bouteilles pleines dans la salle à manger?

      – Jamais, monsieur.

      – Mais il devait quelquefois en rester en vidange.

      – Non, monsieur; feu monsieur le comte m’avait autorisé à emporter pour l’office le vin de la desserte.

      – Et où mettait-on les bouteilles vides?

      – Je les plaçais, monsieur, dans le bas de cette armoire d’encoignure, et quand il y en avait un certain nombre, je les descendais à la cave.

      – Quand en as-tu descendu, la dernière fois?

      – Oh!.. – François parut chercher – il y a bien cinq ou six jours.

      – Bien. Maintenant, quelles liqueurs aimait ton maître?

      – Feu monsieur le comte, monsieur – et le brave garçon eut une larme – ne buvait presque jamais de liqueur. Quand par hasard il avait envie d’un petit verre d’eau-de-vie, il le prenait dans la cave à liqueurs que voici, là sur le poêle.

      – Il n’y avait donc pas dans les armoires de bouteilles de rhum ou de cognac entamées?

      – Pour ça, non, monsieur.

      – Merci, mon garçon, tu peux te retirer.

      François allait sortir, M. Lecoq le rappela.

      – Eh! lui dit-il d’un ton léger, pendant que nous y sommes, regarde donc dans le bas de l’encoignure, si tu retrouves ton compte de bouteilles vides.

      Le domestique obéit, et l’armoire ouverte, s’écria:

      – Tiens! il n’y en a plus une seule.

      – Parfait reprit M. Lecoq. Cette fois-ci, mon brave, montre-nous tes talons pour tout de bon.

      Aussitôt que le valet de chambre eut fermé la porte:

      – Eh bien! demanda l’agent de la Sûreté, que pense monsieur le juge de paix?

      – Vous aviez raison, M. Lecoq.

      L’agent de la Sûreté, alors, flaira successivement tous les verres et toutes les bouteilles.

      – Allons, bon! s’écria-t-il en haussant les épaules, encore une preuve nouvelle à l’appui de mes suppositions.

      – Quoi encore? demanda le vieux juge de paix.

      – Ce n’est même pas du vin, monsieur, qu’il y a au fond de ces verres. Parmi toutes les bouteilles vides, déposées dans le bas de cette armoire, il s’en trouve une, la voici, ayant contenu du vinaigre, et c’est de cette bouteille que les assassins ont versé quelques gouttes.

      Et, saisissant un verre, il le mit sous le nez du père Plantat, en ajoutant:

      – Que monsieur le juge de paix prenne la peine de sentir.

      Il n’y avait pas à discuter, le vinaigre était bon, son odeur était des plus fortes, les malfaiteurs dans leur précipitation avaient laissé derrière eux cette preuve irrécusable de leur intention d’égarer l’enquête.

      Seulement, capables des plus artificieuses combinaisons, ils ignoraient l’art de les mener à bien. Leurs malices étaient, ainsi que l’eût dit le digne M. Courtois, cousues de fil blanc.

      On

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