Le magasin d'antiquités. Tome I. Чарльз Диккенс

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Le magasin d'antiquités. Tome I - Чарльз Диккенс

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même; comment cependant, à travers tout cela, il y avait chez le professeur un désir sincère d'enseigner et chez l'élève un vif désir d'apprendre. Il me suffira de dire que la leçon fut donnée, que la soirée se passa, que la nuit vint, que le vieillard, en proie à son anxiété et à son impatience habituelles, quitta secrètement la maison à la même heure, c'est-à-dire à minuit, et qu'une fois de plus l'enfant resta seule dans cette sombre maison.

      Et maintenant que j'ai conduit jusqu'ici cette histoire en y jouant un rôle; maintenant que j'ai présenté au lecteur les figures avec lesquelles il a déjà fait connaissance, je crois qu'il convient que je disparaisse personnellement de la suite du récit, pour laisser parler et agir eux-mêmes les personnages qui prendront à l'action une part nécessaire et importante.

      CHAPITRE IV

      M. et Mme Quilp demeuraient à Tower-Hill; et Mme Quilp était restée dans son pavillon de Tower-Hill, à gémir sur l'absence de son seigneur et maître, quand il l'avait quittée pour vaquer à l'affaire que nous l'avons vu traiter.

      On eût eu peine à définir de quel commerce, de quelle profession s'acquittait M. Quilp en particulier, quoique ses occupations fussent nombreuses et variées. Il touchait les loyers de colonies entières, parquées dans des rues sales et des ruelles au bord de l'eau; il faisait des avances d'argent aux matelots et officiers subalternes de vaisseaux marchands: il avait une part dans les pacotilles de divers contre-maîtres de bâtiments des Indes, fumait ses cigares de contrebande sous le nez même des douaniers, et presque tous les jours avait des rendez-vous à la Bourse avec des individus à chapeau de toile cirée et jaquette de matelot. Sur le rivage de la Tamise, comté de Surrey, il y avait un affreux chantier, infesté de rats, et nommé vulgairement «le quai de Quilp.» Là étaient un petit comptoir en bois, enfoncé tout de travers dans la poussière, comme s'il était entré dans le sol en tombant des nues, quelques débris d'ancres rouillées, plusieurs grands anneaux de fer, des piles de bois pourri, et deux ou trois monceaux de vieilles feuilles de cuivre, tortillées, fendues et avariées. Dans son quai Daniel Quilp était un déchireur de bateaux, quoiqu'à en juger par tout ce qu'on voyait on dût penser, ou qu'il déchirait les bateaux sur une fort petite échelle, ou qu'il les déchirait en morceaux si petits qu'on n'en voyait plus rien. Bien loin que ce lieu offrît une notable apparence de vie ou d'activité, la seule créature humaine qui l'occupât était un jeune garçon amphibie, vêtu de toile à voiles, dont l'unique travail consistait à rester assis au haut d'une des piles de bois pour jeter des pierres dans la boue à la marée basse, ou à se tenir les mains dans ses poches en regardant avec insouciance le mouvement et le choc des vagues à la marée haute.

      À Tower-Hill, l'appartement du nain comprenait, outre ce qui était nécessaire pour lui et Mme Quilp, un petit cabinet avec un lit pour la mère de cette dame, qui vivait dans le ménage et soutenait contre Daniel une guerre incessante; et pourtant la dame avait une terrible peur de son gendre. En effet, cet horrible personnage avait réussi de manière ou d'autre, soit par sa laideur, soit par sa férocité, soit enfin par sa malice naturelle, peu importe, à inspirer une crainte salutaire à la plupart de ceux qui se trouvaient chaque jour en rapport avec lui. Nul ne subissait plus complètement sa domination que Mme Quilp elle-même, une jolie petite femme au doux parler, aux yeux bleus, qui, s'étant unie au nain par les liens du mariage dans un de ces moments d'aberration dont les exemples sont loin d'être rares, faisait, tous les jours de la vie bonne et solide pénitence de sa folie d'un jour.

      Nous avons dit que Mme Quilp se désolait dans son pavillon en l'absence de son mari. Elle était en effet dans son petit salon, mais elle n'y était pas seule; car, indépendamment de la vieille Mme Jiniwin, sa mère, dont nous avons déjà parlé tout à l'heure, il y avait là une demi-douzaine au moins de dames du voisinage, qu'un étrange hasard (concerté entre elles, je suppose) avait amenées l'une après l'autre juste à l'heure de prendre le thé. Le moment était propice à la conversation; la chambre était fraîche et bien ombragée, un véritable lieu de farniente: par la croisée ouverte, on voyait des plantes qui interceptaient la poussière et qui formaient un délicieux rideau entre la table à thé au dedans et la vieille tour de Londres au dehors. Il n'y a donc pas sujet de s'étonner si les dames se sentirent une inclination secrète à causer et à perdre le temps, surtout si nous mettons en ligne de compte les charmes additionnels du beurre frais, du pain tendre, des crevettes et du cresson de fontaine.

      Ces dames se trouvant réunies sous de tels auspices, il était naturel que la conversation tombât sur le penchant des hommes à tyranniser le sexe faible, et sur le devoir qui incombe au sexe faible de résister à ce despotisme, et de défendre ses droits et sa dignité. C'était naturel pour quatre raisons: 1° Parce que Mme Quilp étant une jeune femme notoirement en puissance de mari, il convenait de l'exciter à la révolte; 2° parce que la mère de Mme Quilp était honorablement connue pour être absolue dans ses idées et disposée à résister à l'autorité masculine, 3° parce que chacune des dames en visite n'était pas fâchée de montrer pour son propre compte combien elle l'emportait, à cet égard, sur la généralité de son sexe; et 4° parce que la compagnie étant habituée à une médisance réciproque quand elles étaient deux à deux, était privée de son sujet de conversation ordinaire maintenant qu'elles étaient réunies toutes ensemble, en petit comité d'amitié, et que par conséquent il n'y avait rien de mieux à faire que de se liguer contre l'ennemi commun.

      En vertu de ces considérations, une grosse dame ouvrit le feu en commençant par demander, d'un air d'intérêt sympathique, comment se portait M. Quilp; à quoi la belle-mère répondit avec aigreur: «Oh! très-bien. Vous pouvez être tranquille à son sujet: mauvaise herbe prospère toujours.»

      Alors toutes les dames soupirèrent à l'unisson, secouèrent gravement la tête et regardèrent Mme Quilp comme on regarderait une martyre.

      «Ah! dit la première qui avait pris la parole, si vous pouviez lui communiquer un peu de votre expérience, mistress Jiniwin!.. Personne, mieux que vous, ne sait ce que nous autres femmes nous nous devons à nous-mêmes.

      – Ce que nous nous devons est bien dit, madame, répliqua mistress Jiniwin. Du vivant de mon pauvre mari, votre père, ma fille, s'il s'était jamais hasardé à prononcer vis-à-vis de moi un mot de travers, j'aurais…»

      La brave vieille dame n'acheva point la phrase, mais elle tordit la tête d'une crevette avec un air de vengeance, qui semblait en quelque sorte la traduction de son silence. Ce geste éloquent fut parfaitement saisi et approuvé par la grosse dame, qui répliqua immédiatement:

      «Vous entrez juste dans ma pensée, madame, et c'est exactement ce que je ferais moi-même.

      – Mais rien ne vous y oblige, dit Mme Jiniwin. Heureusement pour vous, ma chère, vous n'en avez pas plus occasion que je ne l'avais autrefois.

      – Nulle femme n'en aurait jamais besoin, dit la grosse dame, si elle se respectait.

      – Vous entendez, Betzy? dit Mme Jiniwin d'un ton sentencieux. Combien de fois ne vous ai-je pas adressé les mêmes avis, en me mettant presque à vos genoux pour vous prier de les suivre!»

      La pauvre mistress Quilp, qui promenait un regard de victime de visage en visage, pour y lire partout un sentiment de pitié, rougit, sourit et secoua la tête d'un air de doute. Ce fut le signal d'une clameur générale, commençant par un murmure confus, et bientôt s'agrandissant jusqu'à devenir une explosion violente où tout le monde parlait à la fois; il n'y avait qu'une voix pour dire que mistress Quilp, étant trop jeune pour avoir le droit d'opposer son opinion à celle de personnes expérimentées qui savaient bien qu'elle se trompait, ce serait fort mal à elle de ne pas écouter les conseils de gens qui ne voulaient que son bien; que se conduire ainsi, c'était presque se montrer ingrate; que, si elle ne se respectait pas elle-même, du moins devait-elle respecter les autres femmes que son humilité compromettait toutes ensemble; que, si elle manquait d'égards envers

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