Le magasin d'antiquités. Tome I. Чарльз Диккенс

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Le magasin d'antiquités. Tome I - Чарльз Диккенс

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qu'il ne pouvait plus supporter cette vie, et que, si ce n'était pour son enfant, il voudrait mourir. Que faire, mon Dieu! que faire?»

      Les sources de son coeur étaient ouvertes; la jeune fille, succombant au poids de ses peines et de ses tourments, et puissamment émue par la première confidence qu'elle eût jamais faite encore, ainsi que par la sympathie qui avait accueilli son petit récit, cacha son visage dans le sein de sa douce amie et fondit en larmes.

      Au bout de quelques moments, M. Quilp reparut; il exprima la plus grande surprise de trouver Nelly dans cet état. Il mit dans cette fausse surprise un naturel parfait, une habileté consommée; la dissimulation était en effet chez lui un art qu'il avait acquis par une longue pratique, et dans lequel il excellait.

      «Elle est fatiguée, comme vous voyez, mistress Quilp, dit le nain, louchant horriblement pour faire comprendre à sa femme qu'elle devrait dire comme lui. Il y a loin de chez elle au débarcadère; elle a été effrayée de voir deux drôles qui se battaient, et, en outre, elle a eu peur de l'eau. C'était à la fois trop d'émotions pour elle. Pauvre Nelly!»

      Sans le vouloir, M. Quilp employa le meilleur moyen possible pour rendre sa jeune visiteuse à elle-même en lui posant doucement la main sur la tête. De la part de tout autre, ce contact n'eût produit sur Nelly aucun effet particulier; mais, en se sentant touchée par le nain, l'enfant éprouva instinctivement une telle répugnance et un si vif désir d'échapper à cette caresse, qu'elle se leva aussitôt et déclara qu'elle était prête à partir.

      «Attendez, dit le nain, vous dînerez avec mistress Quilp et moi.

      – Mon absence n'a été déjà que trop longue, monsieur, répondit Nelly en essayant ses yeux.

      – Eh bien! si vous voulez partir, vous êtes libre. Nelly. Voici ma lettre. C'est seulement pour dire que je le verrai demain ou après-demain, et que je ne puis faire aujourd'hui pour lui cette petite affaire. Adieu, Nelly. Et vous, monsieur, veillez bien sur elle; vous m'entendez?»

      Kit, qui avait apparu pour obéir à cet ordre, ne daigna pas répondre à une recommandation aussi inutile; et, après avoir lancé à Quilp un regard menaçant, comme s'il attribuait au nain les pleurs que Nelly avait versés et se sentait disposé à les lui faire payer cher, il tourna le dos et suivit sa jeune maîtresse, qui avait pris congé de Betzy et était partie.

      Dès que les deux époux furent seuls, le nain s'écria:

      «Vous êtes habile à poser des questions, mistress Quilp!

      Que pouvais-je faire de plus? demanda-t-elle avec douceur.

      – Ce que vous pouviez faire de plus? dit Quilp en ricanant. C'est à moi à vous demander ce que vous pouviez faire de moins! Ne pouviez-vous faire ce que je vous avais prescrit sans prendre vos airs favoris de pleurnicheuse, coquine!..

      – Vraiment, je suis fort affligée pour cette enfant, Quilp. J'en ai fait bien assez. Je l'ai amenée à me confier son secret lorsqu'elle nous supposait seules… Et vous, vous étiez là!.. Que Dieu me pardonne!

      – Vous l'avez amenée là!.. Le beau malheur! Ah! j'avais eu raison de vous dire que je ferais craquer la porte. Il est fort heureux pour vous que, grâce au peu de mots qu'elle a laissés échapper, j'aie saisi le fil dont j'avais besoin; car, autrement, c'est à vous que je m'en serais pris, soyez-en sûre!»

      Mistress Quilp, qui était loin d'en douter, ne répliqua rien. Son mari ajouta avec une certaine chaleur:

      «Mais rendez grâces à votre bonne étoile, cette même étoile qui a fait de vous la compagne de Quilp, rendez-lui grâces de ce que je suis enfin sur la trace du vieillard, de ce que j'ai attrapé un rayon de lumière. Plus un mot sur ce sujet, soit maintenant, soit à l'avenir. Vous n'avez pas besoin de faire un dîner trop confortable, car je n'y serai pas ce soir.»

      En parlant ainsi, M. Quilp prit son chapeau et s'en alla. Betzy, désolée du rôle qu'elle avait été obligée de jouer, se retira dans sa chambre, où elle se jeta sur son lit; et là, se cachant la tête dans ses draps, elle pleura sa faute avec plus d'amertume que de bien plus grandes pécheresses au coeur moins tendre ne le font pour des fautes plus graves; car souvent la conscience n'est que trop élastique; souvent sa flexibilité lui permet de s'élargir sans fin et de se prêter complaisamment à toutes les circonstances. Il y a des gens qui, dans leur prudence habile, la quittent petit à petit comme on se débarrasse d'un gilet de flanelle dans les chaleurs de l'été, et qui réussissent même, à la longue, à s'en passer tout à fait; mais il en est d'autres qui savent franchement prendre ou quitter cet habit à volonté! Comme cette façon d'agir est la plus large et la plus facile, c'est aussi la plus à la mode.

      CHAPITRE VII

      «Fred, disait M. Swiveller, rappelez-vous la vieille ballade populaire: Loin de moi soucis fâcheux. Éventons, pour la rendre plus vive, la flamme de l'hilarité du bout de l'aile de l'amitié, et faisons circuler le vin rosé.»

      Le logis de Richard Swiveller était situé dans le voisinage de Drury-Lane et, outre ce que cette position offrait d'agréable, il avait l'avantage de se trouver au-dessus d'un débit de tabac; si bien que Richard pouvait en tout temps se procurer les douceurs rafraîchissantes de l'éternuement, rien qu'en allant sur son escalier, et jouir ainsi d'une tabatière permanente qui ne lui coûtait ni soins ni dépense. C'était dans ce logis que Swiveller avait cité de mémoire, pour consoler son ami et le relever de son abattement, un de ses souvenirs lyriques. Or, il n'est pas sans intérêt ni sans utilité de faire remarquer que ces quelques paroles tenaient doublement du langage figuré et du caractère poétique de Swiveller. Ainsi, le vin rosé n'était qu'un emblème, la réalité était un verre contenant du grog froid au gin, et qu'on remplissait, au fur et à mesure, avec une bouteille et une cruche posées sur la table. Faute d'autre verre, les deux amis se passaient tour à tour celui-là ce qu'on peut avouer sans honte, Swiveller étant logé en garçon. Par une fiction également plaisante, il mettait toujours au pluriel, dans la conversation, sa chambre unique. Lorsque cette chambre était vacante, le marchand de tabac l'avait annoncée sur son volet sous le titre pompeux «d'appartements pour une seule personne;» et Swiveller, fidèle à cette idée, n'avait jamais manqué de dire: «Mes chambres, mes appartements, mes salons,» ouvrant un espace illimité à l'imagination de ses auditeurs et la faisant s'égarer à son gré dans une longue suite de vastes salons, pour peu que cela lui fît plaisir.

      Dans ce débordement de son esprit inventif, Swiveller s'appuyait sur un meuble équivoque. C'était en apparence un corps de bibliothèque, en réalité une couchette qui occupait dans la chambre une place en évidence et semblait pouvoir défier tout soupçon et tromper tout examen. Bien certainement, pendant le jour, Swiveller aurait juré que c'était une bibliothèque et pas autre chose; il oubliait volontiers qu'il y eût un lit là-dessous, niait catégoriquement l'existence des couvertures et chassait dédaigneusement les traversins de sa pensée. Pas un mot, même avec ses amis les plus intimes, sur l'usage réel de ce meuble, pas le moindre aveu sur son service de nuit, pas une allusion à ses propriétés particulières. Une foi implicite dans cette déception, tel était le premier article de son symbole. Pour être l'ami de Swiveller, il fallait rejeter toute preuve évidente, toute raison, toute observation, et croire aveuglément à son corps de bibliothèque. C'était son faible, sa manie, et il y tenait.

      «Fred, reprit Swiveller, s'apercevant que sa citation poétique n'avait produit aucun effet; passez-moi le vin rosé.»

      Le jeune Trent poussa de son côté le verre avec un mouvement d'impatience, et retomba dans l'attitude chagrine d'où on l'avait tiré contre son gré.

      «Mon cher Fred, dit son ami, tout en remuant le mélange liquide, je veux vous donner un petit

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