Valentine. Жорж Санд

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Valentine - Жорж Санд

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sœur! répondit une voix inconnue et douce comme celle des anges que nous entendons chanter dans nos songes.

      Louise, en se redressant sur son chevet, perdit le mouchoir de soie qui retenait ses longs cheveux bruns. Dans ce désordre, pâle, effrayée, éclairée par un rayon de la lune qui perçait furtivement entre les fentes du rideau, elle se pencha vers la voix qui l'appelait. Deux bras l'enlacent; une bouche fraîche et jeune couvre ses joues de saintes caresses; Louise, interdite, se sent inondée de larmes et de baisers; Valentine, près de défaillir, se laisse tomber, épuisée d'émotion, sur le lit de sa sœur. Quand Louise comprit que ce n'était plus un rêve, que Valentine était dans ses bras, qu'elle y était venue, que son cœur était rempli de tendresse et de joie comme le sien, elle ne put exprimer ce qu'elle sentait que par des étreintes et des sanglots. Enfin, quand elles purent se parler:

      – C'est donc toi? s'écria Louise, toi que j'ai si longtemps rêvée?

      – C'est donc vous? s'écria Valentine, vous qui m'aimez encore!

      – Pourquoi ce vous? dit Louise; ne sommes-nous pas sœurs?

      – Oh! c'est que vous êtes ma mère aussi! répondit Valentine. Allez, je n'ai rien oublié! Vous êtes encore présente à ma mémoire comme si c'était hier; je vous aurais reconnue entre mille. Oh! oui, c'est vous, c'est bien vous! Voilà vos grands cheveux bruns dont je crois voir encore les bandeaux sur votre front; voilà vos petites mains blanches et menues, voilà votre teint pâle. C'est ainsi que je vous rêvais.

      – Oh! Valentine! ma Valentine! écarte donc ce rideau, que je te voie aussi. Ils m'avaient bien dit que tu étais belle! mais tu l'es cent fois plus qu'ils n'ont pu l'exprimer. Tu es toujours blonde, toujours blanche; voilà tes yeux bleus si doux, ton sourire si caressant! C'est moi qui t'ai élevée, Valentine, tu t'en souviens! C'est moi qui préservais ton teint du hâle et des gerçures; c'est moi qui prenais soin de tes cheveux et qui les roulais chaque jour en spirales dorées; c'est à moi que tu dois d'être restée si belle, Valentine; car ta mère ne s'occupait guère de toi; moi seule je veillais sur tous tes instants…

      – Oh! je le sais, je le sais! Je me rappelle encore les chansons avec lesquelles vous m'endormiez; je me souviens qu'à mon réveil je trouvais toujours votre visage penché vers le mien. Oh! comme je vous ai pleurée, Louise! Comme j'ai été longtemps sans savoir me passer de vous! Comme je repoussais les soins des autres femmes! Ma mère ne m'a jamais pardonné l'espèce de haine que je lui témoignais alors, parce que ma nourrice m'avait dit: «Ta pauvre sœur s'en va, c'est ta mère qui la chasse.» Oh! Louise! Louise! vous m'êtes enfin rendue!

      – Et nous ne nous séparerons plus, n'est-ce pas? s'écria Louise; nous trouverons le moyen de nous voir souvent, de nous écrire. Tu ne te laisseras pas effrayer par les menaces; nous ne redeviendrons jamais étrangères l'une à l'autre?

      – Est-ce que nous l'avons jamais été! répondit-elle; est-ce que cela est au pouvoir de quelqu'un! Tu me connais bien mal, Louise, si tu crois que l'on pourra te bannir de mon cœur quand on ne l'a pas pu même dès les jours de ma faible enfance. Mais, sois tranquille, nos maux sont finis. Dans un mois je serai mariée; j'épouse un homme doux, sensible, raisonnable, à qui j'ai parlé de toi souvent, qui approuve ma tendresse, et qui me permettra de vivre auprès de toi. Alors, Louise, tu n'auras plus de chagrin, n'est-ce pas? tu oublieras tes malheurs en les répandant dans mon sein. Tu élèveras mes enfants si j'ai le bonheur d'être mère; nous croirons revivre en eux… Je sécherai toutes tes larmes, je consacrerai ma vie à réparer toutes les souffrances de la tienne.

      – Sublime enfant, cœur d'ange! dit Louise en pleurant de joie; ce jour les efface toutes. Va, je ne me plaindrai pas du sort qui m'a donné un tel instant de joie ineffable! N'as-tu pas adouci déjà pour moi les années d'exil? Tiens, vois! dit-elle en prenant sous son chevet un petit paquet soigneusement enveloppé d'un carré de velours, reconnais-tu ces quatre lettres? C'est toi qui me les as écrites à diverses époques de notre séparation. J'étais en Italie quand j'ai reçu celle-ci; tu n'avais pas dix ans.

      – Oh! je m'en souviens bien! dit Valentine; j'ai les vôtres aussi. Je les ai tant relues, tant baignées de mes larmes! Celle-là, tenez, je vous l'ai écrite du couvent. Comme j'ai tremblé, comme j'ai tressailli de peur et de joie, quand une femme que je ne connaissais pas me remit la vôtre au parloir! Elle me la glissa avec un signe d'intelligence, en me donnant des friandises qu'elle feignait d'apporter de la part de ma grand'mère. Et quand, deux ans après, étant aux environs de Paris, j'aperçus contre la grille du jardin, une femme qui avait l'air de demander l'aumône, quoique je ne l'eusse vue qu'une seule fois, qu'un seul instant, je la reconnus tout de suite. Je lui dis: «Vous avez une lettre pour moi? – Oui, me dit-elle, et je viendrai chercher la réponse demain.» Alors je courus m'enfermer dans ma chambre; mais on m'appela, on me surveilla tout le reste de la journée. Le soir, ma gouvernante resta auprès de mon lit à travailler jusqu'à près de minuit. Il fallut que je feignisse de dormir tout ce temps; et quand elle me laissa pour passer dans sa chambre, elle emporta la lumière. Avec combien de peine et de précautions je parvins à me procurer une allumette, un flambeau, et tout ce qu'il fallait pour écrire, sans faire de bruit, sans éveiller ma surveillante! J'y réussis cependant; mais je laissai tomber quelques gouttes d'encre sur mon drap, et le lendemain je fus questionnée, menacée, grondée! Avec quelle impudence je sus mentir! comme je subis de bon cœur la pénitence qui me fût infligée! La vieille femme revint et demanda à me vendre un petit chevreau. Je lui remis la lettre, et j'élevai la chèvre. Quoi qu'elle ne vînt pas directement de vous, je l'aimais à cause de vous. Ô Louise! je vous dois peut-être de n'avoir pas un mauvais cœur; on a tâché de dessécher le mien de bonne heure; on a tout fait pour éteindre le germe de ma sensibilité; mais votre image chérie, vos tendres caresses, votre bonté pour moi, avaient laissé dans ma mémoire des traces ineffaçables. Vos lettres vinrent réveiller en moi le sentiment de reconnaissance que vous y aviez laissé; ces quatre lettres marquèrent quatre époques bien senties dans ma vie; chacune d'elles m'inspira plus fortement la volonté d'être bonne, la haine de l'intolérance, le mépris des préjugés, et j'ose dire que chacune d'elles marqua un progrès dans mon existence morale. Louise, ma sœur, c'est vous qui réellement m'avez élevée jusqu'à ce jour.

      – Tu es un ange de candeur et de vertu, s'écria Louise; c'est moi qui devrais être à tes genoux…

      – Eh! vite, cria la voix de Bénédict au bas de l'escalier! séparez-vous! Mademoiselle de Raimbault, M. de Lansac vous cherche.

      VIII

      Valentine s'élança hors de la chambre. L'arrivée de M. de Lansac était pour elle un incident agréable; elle voulait lui faire prendre part à son bonheur; mais, à son grand déplaisir, Bénédict lui apprit qu'il l'avait dérouté en lui répondant qu'il n'avait pas entendu parler de mademoiselle de Raimbault depuis la fête. Bénédict s'excusa en disant qu'il ne savait pas quelles étaient les dispositions de M. de Lansac à l'égard de Louise. Mais au fond du cœur il avait éprouvé je ne sais quelle joie maligne à envoyer ce pauvre fiancé courir les champs au milieu de la nuit, tandis que lui, Bénédict, tenait la fiancée sous sa garde.

      – Ce mensonge est peut-être maladroit, lui dit-il; mais je l'ai fait dans de bonnes intentions, et il n'est plus temps de le rétracter. Permettez-moi, Mademoiselle, de vous engager à retourner au château tout de suite; je vous accompagnerai jusqu'à la porte du parc, et vous direz qu'après vous avoir égaré le hasard vous a fait retrouver votre chemin toute seule.

      – Sans doute, répondit Valentine troublée: c'est ce qu'il y a de moins inconvenant à faire, après avoir trompé et renvoyé M. de Lansac. Mais si nous le rencontrons?

      – Je dirai, reprit vivement Bénédict, que, prenant part à sa peine, je suis monté à cheval pour l'aider à vous retrouver, et que la fortune m'a

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