La Daniella, Vol. I. Жорж Санд

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La Daniella, Vol. I - Жорж Санд

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de plomb, et je regardais attentivement ce qu'ils traînaient dans l'herbe avec précaution. Quand ils se redressèrent à demi dans le fossé, je vis que c'était simplement de gros bâtons, circonstance qui acheva de me donner confiance dans le succès de ma défense. Ils devaient avoir quelques couteaux sous leurs habits, car ils ne paraissaient pas gens à se permettre un grand luxe de pistolets. Il s'agissait de ne pas leur donner le temps de faire usage de ces lames, bonnes ou mauvaises.

      J'avais l'avantage de me trouver sur les derrières sans avoir été aperçu. Pendant que je faisais ces réflexions, me débarrassant de mon caban qui m'eût gêné, la calèche arrivait au lieu marqué pour le coup de main. Le postillon, sur une brève sommation, arrêtait ses chevaux, se jetait à genoux et se tournait la face contre terre avec une résignation vraiment édifiante. Cela réduisait d'un tiers les moyens de la défense. Je crus devoir agir prudemment; et, comme lord B***, ouvrant la portière avec flegme, regardait devant lui à combien d'ennemis il avait affaire, je lui fis signe de ne pas résister encore, ce qu'il comprit avec un admirable sang-froid. Il mit donc pied à terre en leur disant avec un sourire calme:

      – Dépêchez-vous, mes bons amis: la diligence est derrière nous.

      Cette menace parut ne pas les inquiéter, et, voyant qu'il n'y avait pas tentative de résistance, que les femmes ne criaient pas, et que, d'elle-mémes, elles descendaient précipitamment pour leur abandonner la calèche, ils parlèrent d'accommodement à l'amiable; et cela, dans des termes d'une courtoisie comique, rendant grâce à la gentilezza del cavaliere et hommage à la beauté des dames.

      En ce moment, j'étais sur leurs talons, et, m'adressant au grand chenapan, qui ne disait rien et tenait son bâton levé sur la tête de lord B*** par manière d'intimidation, je déchargeai sur la sienne un si bon coup de ma canne, qu'il tomba comme mort.

      Ramasser le bâton qui s'échappait de cette main défaillante, et en assommer le bandit obséquieux qui traitait avec lord B*** fut pour ce dernier l'affaire d'un instant. Le troisième larron, qui tenait les chevaux, ne m'attendit pas: il prit la fuite. Le quatrième ne fit guère mieux, et, après avoir essayé de montrer son couteau, disparut également.

      Nous restions là avec un homme qui demandait grâce, un autre, étendu à terre, qui ne donnait pas signe de vie, un postillon, toujours prosterné, qui ne voulait rien voir de ce qui se passait, et trois femmes plus ou moins évanouies sur les bras.

      Quand le drôle terrassé par lord B*** vit qu'il ne lui restait aucun espoir de sortir de ses mains, il prit le parti ingénieux de s'évanouir aussi. C'était nous créer un embarras, dans le cas où nous eussions voulu le faire prisonnier.

      – Je connais ces histoires-là, me dit lord B***, qui ne me parut nullement ému; si nous nous arrêtons à attendre la diligence, qui est encore loin et au pas, nous risquons de voir arriver du renfort à ces gens-ci, et alors, la vengeance se mêlant de l'affaire, nous n'en sortirons pas vivants. Si nous avançons, nous laissons échapper ces messieurs, qui ne sont peut-être pas si morts qu'ils en ont l'air. Le mieux est de retourner vers la diligence et de la forcer à marcher vite jusqu'ici, où nous aviserons à faire constater le fait et à nous emparer de ces deux blessés avant qu'ils aient pu se relever.

      C'était le meilleur avis possible. Il fallut rosser le postillon pour le faire revenir de son émotion. Dans l'opinion de son mari, lady Harriet aurait peut-être eu besoin du même stimulant pour retrouver le marchepied de la voiture. Elle avait la tête perdue. La nièce était d'un calme héroïque. Lord B*** voulut me faire monter avec elle. Je m'y refusai. Après avoir remis sur son cheval le postillon éperdu, et lui avoir fait tourner bride, je sautai sur le siége auprès de la soubrette, dont la frayeur ne se manifestait que par des torrents de larmes.

      Je n'eus guère le temps de m'occuper de ses nerfs.

      Rencontrer la diligence, l'arrêter, raconter l'aventure, et reprendre les devants pour montrer au conducteur et aux voyageurs la preuve des faits déclarés, tout cela fut accompli en moins d'un quart d'heure. Mais, ô surprise! comme on dit dans les romans; quand nous fûmes sur le lieu du combat, bien reconnaissable pour moi, grâce au fragment de ruine que j'avais exploré à dix pas du chemin, plus de morts, plus de blessés, plus de trace de l'aventure. Pas une goutte du sang de celui à qui j'avais fendu le crâne, pas un haillon enlevé dans la lutte à ses acolytes, pas même l'empreinte du piétinement des chevaux effrayés, ni celle des roues de la voiture sur le sable. Il semblait qu'un coup de vent eût tout balayé, et pourtant il n'y avait pas un souffle dans l'air.

      Lord B*** était plus mortifié que surpris. Il était surtout blessé de l'air de doute du postillon de la diligence. Celui de la calèche était muet comme la tombe, défait, tremblant, peut-être désappointé. Brumières et quelques voyageurs ajoutaient foi à ma parole; d'autres se disaient tout bas, en riant, que nous avions rêvé bataille, et qu'une panique nous avait troublé la cervelle. Quelques bergers, à la recherche de leurs troupeaux errants, riaient aussi et juraient n'avoir rien vu, rien entendu. Lord B*** avait fort envie de se mettre en colère et de se livrer à une minutieuse perquisition; mais la nuit approchait, la diligence voulait arriver; lady Harriet, nerveuse et malade, s'impatientait de l'obstination de son mari. Brumières, enchanté de retrouver sa princesse, et jaloux du bonheur que j'avais eu de lui porter secours, profitait de l'occasion pour faire l'empressé autour d'elle. Quand on se remit en marche, je ne sais comment la chose s'était passée, mais j'étais dans la diligence et Brumières dans la calèche avec les dames, milord sur le siége avec la soubrette.

      Cette soubrette est, par parenthèse, assez jolie, et, dans le peu de mots que j'avais échangés avec elle sur ce même siége de calèche, je lui avais trouvé la voix douce et un très agréable accent. Je lui avais laissé mon caban pour s'envelopper, car elle était peu vêtue pour affronter l'influenza, c'est-à-dire l'atmosphère de fièvre mortelle qui commence ici à la chute du jour et qui, comme le désert et le brigandage, règne jusqu'au mur d'enceinte de la ville des papes.

      Le caban ne me revint en mémoire que lorsque cette jeune fille me le rapporta à la porte Cavalleggieri, où nous nous arrêtâmes tous pour exhiber une fois de plus nos passe-ports. Comme, pour reprendre mon vêtement, je tendais la main, j'y sentis avec beaucoup d'étonnement le baiser d'une bouche fraîche, et, avant que je me fusse rendu compte d'un fait si étrange, la soubrette avait disparu. Brumières, qui arrivait à moi, ne fit que rire de ma stupéfaction.

      – C'est une chose toute simple, me dit-il; c'est la manière du pays pour dire merci, et cela ne vous donne pas le droit d'exiger davantage.

      C'était plus que je n'aurais jamais songé à exiger d'une jolie femme.

      On venait de visiter nos malles pendant une heure, lorsque le conducteur nous annonça que ceci n'était rien, et que nous allions subir une autre visite bien plus longue et bien plus minutieuse à la douane, mais qu'il pouvait nous en dispenser si nous voulions lui donner chacun deux pauls. Nous mourions de faim et nous donnâmes tous; mais, quand nous fûmes à la douane, notre collecte ne servit de rien: le digne homme ne put s'entendre avec les douaniers. Un colloque, peu mystérieux et fort long, s'établit à deux pas de nous. Ils voulaient un paul et demi par tête, et lui, voulait partager seulement par moitié avec eux. On se querella beaucoup; notre homme se piqua, garda le tout, et nous fûmes visités.

      Comme nous sortions enfin de ce purgatoire, riant, à force de dégoût, de toutes ces bouffonneries, et nous disposant à chercher un gîte, lord B***, qui, muni d'un laisser-passer, avait disparu depuis longtemps, me frappa amicalement sur l'épaule en me disant:

      – Je viens de faire ma déclaration relativement à nos brigands, et de conduire ma femme et ma nièce au logement qui les attendait. A présent, je viens vous chercher de leur part. Est-ce que vous avez ici des parents ou des amis qui vous réclament?

      Je

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