Discours par Maximilien Robespierre — 5 Fevrier 1791-11 Janvier 1792. Robespierre Maximilien

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Discours par Maximilien Robespierre — 5 Fevrier 1791-11 Janvier 1792 - Robespierre Maximilien

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ne sent pas que le système anglais présente à l'innocence une sauvegarde qui suffirait seule pour prévenir bien des inconvénients, pour tempérer bien des vices dans la composition des jurés? C'est la loi qui veut l'unanimité absolue pour condamner l'accusé: or, cette loi salutaire est précisément celle que les Comités commencent par effacer de leur projet.

      Non contents d'avoir ainsi garanti l'innocence avant le jugement, les lois anglaises lui ménagent une ressource puissante après la condamnation, en donnant à un juge unique le pouvoir de venir à son secours en soumettant l'affaire à un nouveau juré.

      Les Comités ne laissent la possibilité de réclamer la revision que dans le cas presque chimérique où le tribunal tout entier et le Commissaire du Roi sont unanimement d'un avis contraire à la déclaration du juré qui a prononcé la condamnation, de manière que, suivant, dans les deux cas, le principe diamétralement opposé à celui de la législation anglaise, ils exigent l'unanimité lorsqu'il s'agit de secourir l'accusé; ils en dispensent, lorsqu'il est question de le condamner.

      Mais quoi! les Anglais ont-ils lié au système de leurs jurés ce pouvoir monstrueux de la maréchaussée? Ont-ils remis dans les mains de l'aristocratie militaire le pouvoir de rendre et d'exécuter des ordonnances de police; de traiter les citoyens comme suspects; de les déclarer prévenus; de les livrer à l'accusateur public; de les envoyer en prison; de dresser des procès-verbaux, et de faire contre eux une procédure provisoire? Ont-ils confondu les limites de la Justice criminelle et de la Police, pour donner à des gendarmes royaux, sous le titre de gendarmes nationaux, le plus terrible de tous les pouvoirs? Ah! ils ont tellement respecté les droits du citoyen, qu'ils ont repoussé avec effroi toutes ces institutions dignes du génie du despotisme. Tout le monde sait qu'ils ont poussé, à cet égard, les précautions jusqu'au scrupule, et qu'ils ont mieux aimé paraître affaiblir l'énergie et l'activité de la police, que d'exposer la liberté civile aux vexations de ses agents. Or, croit-on que cette différence doit être comptée pour rien? Croit-on que ce soit la même chose de pouvoir être exposé arbitrairement à des poursuites criminelles par une autorité essentiellement violente et despotique, ou d'être protégé par la loi contre ces premiers dangers?

      Pouvez-vous nier encore que, malgré quelques rapports de ressemblance presque matériels, de quelques-unes des dispositions que vous proposez avec celles de la législation anglaise, il y a dans l'ensemble et dans les détails de grandes nuances, qui doivent en déterminer les effets? Mais pouvez-vous surtout vous dissimuler à quel point les vices énormes de votre système sont liés aux circonstances politiques où nous nous trouvons?

      Les jurés d'Angleterre ont-ils été établis, ont-ils fleuri au milieu des troubles civils, au sein des intrigues des ennemis du peuple qui nous environnent? Sont-ils organisés de manière à fournir à ses oppresseurs les moyens de l'abattre, de le remettre sous le joug, avec l'appareil des formes judiciaires?

      En Angleterre, le peuple a-t-il réclamé ses droits contre le gouvernement et contre l'aristocratie? Existe-t-il des factions dominantes qui le calomnient, qui peignent les plus zélés défenseurs de la liberté, qui le représentent lui-même comme une troupe de brigands et de séditieux? L'a-t-on livré, sous ce prétexte, à des prévois, à des soldats? A-t-on lieu de croire que les jurés anglais nommés par un seul homme, apporteront sur le tribunal ces sinistres préventions, ou le dessein formé d'immoler des victimes de la tyrannie? Si des représentants du peuple anglais, dans des circonstances semblables à celles que je viens d'indiquer, proposaient de pareilles mesures; si, avant que la révolution fût affermie, au moment où elle serait menacée de toutes parts, ils affectaient toujours une défiance injuste et une rigueur inexorable pour la majorité des citoyens intéressés à la maintenir, et une aveugle confiance, une complaisance sans borne pour ceux dont elle aurait ou irrité les préjugés ou offensé l'orgueil, quel jugement faudrait-il porter, ou de leur prévoyance, ou de leur zèle pour la liberté?

      Que conclure de tout ce que j'ai dit? Pour moi; j'en conclus d'abord qu'il faut au moins faire disparaître de la constitution des jurés tous les vices monstrueux que je viens de relever.

      Je conclus qu'à la place de leur système, il faut substituer un plan d'organisation fondé sur les principes d'une Constitution libre, et qui puisse réaliser les avantages que le nom des jurés semble promettre à la société.

      Nous en viendrons facilement à bout, ce me semble, si nous voulons, d'un côté, fixer un moment notre attention sur les maximes fondamentales de noire Constitution, de l'autre, observer rapidement les causes de la méprise où les Comités me semblent être tombés. Elle consiste, suivant moi, en ce que, se livrant trop à l'esprit d'imitation et à cette espèce d'enthousiasme que nous a inspiré l'habitude d'entendre vanter les jurés anglais, ils n'ont pas fait attention qu'à la hauteur où notre Révolution nous a placés, nous ne pouvons pas être aussi faciles à contenter en ce genre que la nation anglaise.

      Que les Anglais, chez qui le pouvoir de nommer les officiers de justice était livré au Roi, aient regardé comme un avantage d'être jugés, en matière criminelle, par des citoyens choisis par un officier appelé shérif, et ensuite réduits par le sort, cela se conçoit aisément; que les Anglais, dont la représentation politique, si absurde et si informe, n'était que l'abus de l'aristocratie des riches, ne présentait aux yeux des politiques philosophes qu'un fantôme de Corps législatif asservi et acheté par un monarque; que les Anglais, dis-je, aient vu, sans étonnement le choix des jurés renfermé dans la classe des citoyens qui possédaient une quantité de propriétés déterminée, cela se conçoit avec la même facilité.

      Que les Anglais, contemplant d'un côté les lois bienfaisantes qui adoucissaient les inconvénients de cette formation vicieuse de leurs jurés, comparant de l'autre leur système judiciaire avec le honteux esclavage des peuples qui les entouraient, et, avec les vices mêmes des autres parties de leur gouvernement, aient regardé ce système comme le Palladium de leur liberté individuelle, et qu'ils nous aient communiqué leur enthousiasme dans le temps où nous n'osions même élever nos regards vers l'image de la liberté, tout cela était dans l'ordre naturel des choses.

      Mais qu'en France, où les droits de l'homme et la souveraineté de la nation ont été solennellement proclamés; où ce principe constitutionnel que les juges doivent être choisis par le peuple a été reconnu;

      Qu'en France, où, en conséquence de ce principe, les moindres intérêts civils et pécuniaires des citoyens ne sont décidés que par les citoyens à qui ils ont confié ce pouvoir; leur honneur, leur destinée, soient abandonnés à des hommes qui n'ont reçu d'eux aucune mission, à des hommes nommés par un simple administrateur auquel le peuple n'a point donné et n'a pu donner une telle puissance;

      Que ces hommes ne puissent être choisis que dans une classe particulière, que parmi les plus riches; que les législateurs descendent des principes simples et justes qu'ils ont eux-mêmes consacrés, pour calquer laborieusement un système de justice criminelle sur des institutions étrangères, dont ils ne conservent pas même les dispositions les plus favorables à l'innocence, et qu'ils nous vantent ensuite avec enthousiasme, et la sainteté des jurés, et la magnificence du présent qu'ils veulent faire à l'humanité, voilà ce qui me paraît incroyable, incompréhensible; voilà ce qui me démontre plus évidemment que toute autre chose à quel point on s'égare, lorsqu'on veut s'écarter de ces vérités éternelles de la morale publique qui doivent être la base de toutes les sociétés humaines.

      Il suffit de revenir à ce principe pour découvrir le véritable plan d'organisation des jurés que nous devons adopter.

      Voici celui que je propose, c'est-à-dire les dispositions que je regarde comme fondamentales de l'organisation des jurés (car, pour les lois de détail, et pour les formes de la procédure, je ne me pique pas de les énoncer toutes, d'autant que j'adopte une grande partie de celles que les

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