Discours par Maximilien Robespierre — 5 Fevrier 1791-11 Janvier 1792. Robespierre Maximilien
Чтение книги онлайн.
Читать онлайн книгу Discours par Maximilien Robespierre — 5 Fevrier 1791-11 Janvier 1792 - Robespierre Maximilien страница 5
III.
Lorsqu'il ne s'agira pas d'un délit emportant peine afflictive, tout citoyen qui donnera caution de se représenter sera laissé à la garde de ceux qui l'auront cautionné.
Je sens bien que les Comités ne manqueront pas d'attaquer les deux premières bases de ce système: le pouvoir d'élire que je veux donner au peuple, et le principe d'égalité que je veux maintenir. Je terminerai cette discussion en prévenant leurs objections.
Pour nommer les jurés tous les ans, il faudra tous les ans une assemblée nouvelle, me diront-ils; or, les assemblées sont incommodes et fatigantes pour le peuple. Je sais bien que, dès le commencement de la révolution, on cherche à propager ce principe; mais il ne peut être accueilli que par ceux qui veulent sacrifier le peuple et la liberté à des embarras et à des difficultés qu'ils se plaisent à créer. Rassurez-vous, le peuple aimera mieux s'assembler quelquefois pour user de ses droits, que de retomber sous le joug de ses tyrans. Ne découragez pas son patriotisme, n'abattez pas son courage; ne le rendez pas étranger à la patrie, par les distinctions funestes de citoyens éligibles, de citoyens actifs, et vous verrez que des hommes libres ne raisonnent pas comme les despotes.
J'avoue que mon système a d'abord en apparence ce désavantage vis-à-vis de celui du Comité, que les jurés seront connus un an d'avance, au lieu que, dans celui du Comité, ils ne le seront que trois mois d'avance; mais il faut d'abord observer que ceux qui, dans chaque affaire, devront de fait en exercer les fonctions, ne le seront qu'à une époque voisine du jugement; et l'on sent assez d'ailleurs que cet avantage de cacher plus ou moins leurs noms n'est qu'accessoire et bien subordonné à la nécessité du choix du peuple et aux premiers principes de la liberté.
Ces principes seraient anéantis; l'égalité des droits, qui assure à tous les citoyens la faculté d'être élus par la confiance publique, serait illusoire, si la différence des fortunes mettait le plus grand nombre d'entre eux dans l'impossibilité physique de soutenir le poids des fonctions nationales. C'est pour cela que je regarde comme tenant essentiellement à la liberté l'article par lequel je propose d'indemniser les jurés. J'avoue qu'en général ce n'est pas sans alarmes que j'ai vu introduire encore le système de laisser sans salaire un grand nombre de fonctionnaires publics. Ce n'est pas surtout sans étonnement que j'ai entendu les membres du Comité prononcer cette maxime nouvelle, que si les jurés étaient indemnisés, cette institution serait déshonorée. Les juges, les administrateurs sont donc déshonorés, parce que la justice, la dignité, l'intérêt de la société exigent qu'ils soient salariés? Les législateurs sont déshonorés! Le Roi, surtout, doit être bien humilié de sa liste civile! Je ne sais si cette espèce de délicatesse-là paraît à quelqu'un bien sublime. Pour moi, je la trouve ou bien puérile, ou bien perfide. Oui, le plus dangereux de tous les pièges que l'on peut tendre au patriotisme, la plus funeste manière de trahir le peuple, en le livrant à l'aristocratie des riches, c'est sans contredit d'accréditer cette absurde doctrine, qu'il est honteux de n'être pas assez riche pour vivre en servant la patrie sans indemnité; c'est d'oser mettre en parallèle, avec quelques dépenses nécessaires, l'intérêt sacré de la liberté et de la patrie.
Discours sur la liberté de la presse, prononcé à la Société des Amis de la Constitution, le 11 mai 1791, par Maximilien Robespierre, député à l'Assemblée nationale, et membre de cette Société (11 mai 1791)
Messieurs,
Après la faculté de penser, celle de communiquer ses pensées à ses semblables est l'attribut le plus frappant qui distingue l'homme de la brute. Elle est tout à la fois le signe de la vocation immortelle de l'homme à l'état social, le lien, l'âme, l'instrument de la société, le moyen unique de la perfectionner, d'atteindre le degré de puissance, de lumières et de bonheur dont il est susceptible.
Qu'il les communique par la parole, par l'écriture ou par l'usage de cet art heureux qui a reculé si loin les bornes de son intelligence, et qui assure à chaque homme les moyens de s'entretenir avec le genre humain tout entier, le droit qu'il exerce est toujours le même, et la liberté de la presse ne peut être distinguée de la liberté de la parole; l'une et l'autre est sacrée comme la nature; elle est nécessaire comme la société même.
Par quelle fatalité les lois se sont-elles donc presque partout appliquées à la violer? C'est que les lois étaient l'ouvrage des despotes, et que la liberté de la presse est le plus redoutable fléau du despotisme. Comment expliquer en effet le prodige de plusieurs millions d'hommes opprimés par un seul, si ce n'est par la profonde ignorance et par la stupide léthargie où ils sont plongés? Mais que tout homme qui a conservé le sentiment de sa dignité puisse dévoiler les vues perfides et la marche tortueuse de la tyrannie; qu'il puisse opposer sans cesse les droits de l'humanité aux attentats qui les violent, la souveraineté des peuples à leur avilissement et à leur misère; que l'innocence opprimée puisse faire entendre impunément sa voix redoutable et touchante, et la vérité rallier tous les esprits el tous les coeurs, aux noms sacrés de liberté et de patrie; alors l'ambition trouve partout des obstacles, et le despotisme est contraint de reculer à chaque pas ou de venir se briser contre la force invincible de l'opinion publique et de la volonté générale. Aussi voyez avec quelle artificieuse politique les despotes se sont ligués contre la liberté de parler et d'écrire; voyez le farouche inquisiteur la poursuivre au nom du ciel, et les princes au nom des lois qu'ils ont faites eux-mêmes pour protéger leurs crimes. Secouons le joug des préjugés auxquels ils nous ont asservis, et apprenons d'eux à connaître tout le prix de la liberté de la presse.
Quelle doit en être la mesure? Un grand peuple, illustre par la conquête récente de la liberté, répond à cette question par son exemple.
Le droit de communiquer ses pensées, par la parole, par l'écriture ou par l'impression, ne peut être gêné ni limité en aucune manière; voilà les termes de la loi que les Etats-Unis d'Amérique ont faite sur la liberté de la presse, et j'avoue que je suis bien aise de pouvoir présenter mon opinion sous de pareils auspices à ceux qui auraient été tentés de la trouver extraordinaire ou exagérée.
La liberté de la presse doit être entière et indéfinie, ou elle n'existe pas. Je ne vois que deux moyens de la modifier: l'un d'en assujettir l'usage à de certaines restrictions et à de certaines formalités, l'autre d'en réprimer l'abus par des lois pénales; l'un et l'autre de ces deux objets exige la plus sérieuse attention.
D'abord il est évident que le premier est inadmissible, car chacun sait que les lois sont faites pour assurer à l'homme le libre développement de ses facultés, et non pour les enchaîner; que leur pouvoir se borne à défendre à chacun de nuire aux droits d'autrui, sans lui interdire l'exercice des siens. Il n'est plus nécessaire aujourd'hui de répondre à ceux qui voudraient donner des entraves à la presse sous le prétexte de prévenir les abus qu'elle peut produire. Priver un homme des moyens que la nature et l'art ont mis en son pouvoir de communiquer ses sentiments et ses idées, pour empêcher qu'il n'en fasse un mauvais usage, ou bien enchaîner sa langue de peur qu'il ne calomnie, ou lier ses bras de peur qu'il ne les tourne contre ses semblables, tout le monde voit que ce sont là des absurdités du même genre, que cette méthode est tout simplement le secret du despotisme qui, pour rendre les hommes sages et paisibles, ne connaît pas de meilleur moyen que d'en faire des instruments passifs et de vils automates. Eh! quelles seraient les formalités auxquelles vous soumettriez le droit de manifester ses pensées? Défendrez-vous aux citoyens de posséder des presses, pour faire, d'un bienfait commun à l'humanité entière, le patrimoine de quelques mercenaires? Donnerez-vous ou vendrez-vous aux uns le privilège exclusif de disserter périodiquement sur des objets de littérature, aux autres celui de parler de politique et des événements publics? Décrèterez-vous que les hommes ne pourront donner l'essor à leurs opinions, si elles n'ont obtenu