Les mystères du peuple, Tome III. Эжен Сю

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Les mystères du peuple, Tome III - Эжен Сю

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tombe, rosée sanglante!

      Que nos pères, les armes à la main, ont reconquis cette liberté dont nous jouissons.

      –C'est vrai, Scanvoch… mais ce bardit est long, et tu nous as prévenus que nous devions bientôt rester muets comme les poissons du Rhin.

      –Douarnek, – reprit un jeune soldat, – si tu nous chantais le bardit d'Hêna, la vierge de l'île de Sên…? Il me fait toujours venir les larmes aux yeux; car c'est ma sainte, à moi, cette belle et douce Hêna, qui vivait il y a des cents et des cents ans!

      –Oui, oui, – reprirent les trois autres soldats-chante-nous le bardit d'Hêna, Douarnek; ce bardit prophétise la victoire de la Gaule… et la Gaule est victorieuse aujourd'hui!

      Moi, entendant cela, je ne disais rien; mais j'étais ému, heureux, et je l'avoue, fier, en songeant que le nom d'Hêna, morte depuis plus de trois cents ans, était resté populaire en Gaule comme au temps de mon aïeul Sylvest, et allait être chanté.

      –Va pour le bardit d'Hêna, – reprit le vétéran, – j'aime aussi cette sainte et douce fille, qui offre son sang à Hésus pour la délivrance de la Gaule; et toi, Scanvoch, le sais-tu ce chant?

      –Oui… à peu près… je l'ai déjà entendu…

      –Tu le sauras toujours assez pour répéter le refrain avec nous.

      Et Douarnek se mit à chanter d'une voix pleine et sonore qui, au loin, domina le bruit des grandes eaux du Rhin:

      «Elle était jeune, elle était belle, elle était sainte.

      Elle a donné son sang à Hésus pour la délivrance de la Gaule!

      Elle s'appelait Hêna! Hêna, la vierge de l'île de Sên.

      -Bénis soient les dieux, ma douce fille, – lui dit son père Joel, le brenn de la tribu de Karnak, – bénis soient les dieux, ma douce fille, puisque te voilà ce soir dans notre maison pour fêter le jour de ta naissance!

      » – Bénis soient les dieux, ma douce fille, – lui dit sa mère Margarid, – bénie soit ta venue! Mais ta figure est triste?

      » – Ma figure est triste, ma bonne mère; ma figure est triste, mon bon père, parce qu'Hêna, votre fille, vient vous dire adieu et au revoir.»

      «-Et où vas-tu, chère fille? Le voyage sera donc bien long? Où vas-tu ainsi?

      » – Je vais dans ces mondes mystérieux que personne ne connaît et que tous nous connaîtrons, où personne n'est allé et où tous nous irons, pour revivre avec ceux que nous avons aimés.»

      Et moi et les rameurs, nous avons repris en choeur:

      «Elle était jeune, elle était belle, elle était sainte.

      Elle a donné son sang à Hésus pour la délivrance de la Gaule!

      Elle s'appelait Hêna, Hêna, la vierge de l'île de Sên.»

      Douarnek continua son chant:

      «Et entendant Hêna dire ces paroles-ci, bien tristement se regardèrent et son père et sa mère, et tous ceux de sa famille, et aussi les petits enfants, car Hêna avait un grand faible pour l'enfance.

      » – Pourquoi donc, chère fille, pourquoi donc déjà quitter ce monde, pour t'en aller ailleurs sans que l'ange de la mort t'appelle?

      » – Mon bon père, ma bonne mère, Hésus est irrité, l'étranger menace notre Gaule bien-aimée. Le sang innocent d'une vierge, offert par elle aux dieux, peut apaiser leur colère…

      » – Adieu donc, et au revoir, mon bon père, ma bonne mère! Adieu et au revoir, vous tous, mes parents et mes amis! Gardez ces colliers, ces anneaux en souvenir de moi; que je baise une dernière fois vos têtes blondes, chers petits! adieu et au revoir! Souvenez-vous d'Hêna, votre amie; elle va vous attendre dans les mondes inconnus.»

      Et moi et les rameurs nous avons repris en choeur, au bruit cadencé des rames.

      «Elle était jeune, elle était belle, elle était sainte!

      Elle a offert son sang à Hésus pour la délivrance de la Gaule!

      Elle s'appelait Hêna, Hêna, la vierge de l'île de Sên.»

      Douarnek continua le bardit:

      » – Brillante est la lune, grand est le bûcher qui s'élève auprès des pierres sacrées de Karnak; immense est la foule des tribus qui se pressent autour du bûcher.

      » – La voilà! c'est elle! c'est Hêna!.. Elle monte sur le bûcher, sa harpe d'or à la main, et elle chante ainsi:

      » – Prends mon sang, ô Hésus! et délivre mon pays de l'étranger! Prends mon sang, ô Hésus! pitié pour la Gaule! Victoire à nos armes! – Et il a coulé, le sang d'Hêna!

      » – Ô vierge sainte! il n'aura pas en vain coulé, ton sang innocent et généreux! courbée sous le joug, la Gaule un jour se relèvera libre et fière, en criant comme toi-victoire à nos armes! victoire et liberté!»

      Et Douarnek, ainsi que les trois soldats, répétèrent à voix plus basse ce dernier refrain avec une sorte de pieuse admiration:

      «-Celle-là qui a ainsi offert son sang à Hésus, pour la délivrance de la Gaule!

      Elle était jeune, elle était belle, elle était sainte.

      Elle s'appelait Hêna, Hêna, la vierge de l'île de Sên!»

      Moi seul je n'ai pas répété avec les soldats le dernier refrain du bardit, tant je me sentais ému.

      Douarnek, remarquant mon émotion et mon silence, me dit d'un air surpris:

      –Quoi, Scanvoch, voici maintenant que la voix te manque? Tu restes muet pour achever un chant si glorieux?

      –Tu dis vrai, Douarnek; c'est parce que ce chant est glorieux pour moi… que tu me vois ému.

      –Glorieux pour toi, ce bardit; je ne te comprends pas?

      –Hêna était fille d'un de mes aïeux!

      –Que dis-tu?

      –Hêna était fille de Joel, le brenn de la tribu de Karnak, mort, ainsi que sa femme et presque toute sa famille, à la grande bataille de Vannes, livrée sur terre et sur mer il y a plus de trois siècles; moi, de père en fils, je descends de Joel.

      Le chant d'Hêna était si connu en Gaule que je vis (pourquoi le nier?) avec un doux orgueil les soldats me regarder presque avec respect.

      –Sais-tu, Scanvoch, – reprit Douarnek, – sais-tu que des rois seraient fiers de tes aïeux?

      –Le sang versé pour la patrie et la liberté, c'est notre noblesse, à nous autres Gaulois, – lui dis-je; – voilà pourquoi nos vieux bardits sont chez nous si populaires.

      –Quand on pense, – reprit le plus jeune des soldats, – qu'il y a plus de trois cents ans qu'Hêna, cette douce et belle sainte, a offert sa vie pour la délivrance du pays, et que son nom est venu jusqu'à nous!

      –Quoique la voix de la

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