Les mystères du peuple, Tome III. Эжен Сю

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Les mystères du peuple, Tome III - Эжен Сю

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le récit de la vaillance et du martyre de nos ancêtres, réduits en servitude, qui m'a fait prendre, comme à tant d'autres, les armes contre les Romains.»

      Moi, donc, Scanvoch, fils d'Aurel, j'ai effacé de notre légende et récrit moi-même les lignes précédentes, jadis tracées par la main d'autrui, qui mentionnaient la mort et les noms de nos aïeux, Justin, Aurel, Ralf. Ces trois générations remontaient à Médérik, fils de Gomer, lequel était fils de Judicaël et petit-fils de Fergan, dont la femme Geneviève a vu mettre à mort, en Judée, Jésus de Nazareth, il y a aujourd'hui deux cent soixante-quatre ans.

      Mon père Ralf m'a aussi remis nos saintes reliques à nous:

      La petite faucille d'or de notre aïeule Hêna, la vierge de l'île de Sên.

      La clochette d'airain laissée par notre aïeul Guilhern, le seul survivant des nôtres à la grande bataille de Vannes; jour funeste, duquel a daté l'asservissement de la Gaule par César, il y a aujourd'hui trois cent vingt ans.

      Le collier de fer, signe de la cruelle servitude de notre aïeul Sylvest.

      La petite croix d'argent que nous a léguée notre aïeule Geneviève, témoin de la mort de Jésus, le charpentier de Nazareth.

      Ces récits, ces reliques, je te les léguerai après moi, mon petit Aëlguen, fils de ma bien-aimée femme Ellèn, qui t'a mis au monde il y a aujourd'hui quatre ans.

      C'est ce beau jour, anniversaire de ta naissance, que je choisis, comme jour d'un heureux augure, mon enfant, afin de commencer, pour toi et pour notre descendance, le récit de ma vie, selon le dernier voeu de notre aïeul Joel, le brenn de la tribu de Karnak.

      Tu t'attristeras, mon enfant, quand tu verras par ces récits que depuis la mort de Joel jusqu'à celle de mon arrière-grand-père Justin, sept générations, entends-tu? sept générations!.. ont été soumises à un horrible esclavage; mais ton coeur s'allégera lorsque tu apprendras que mon bisaïeul et mon aïeul étaient, d'esclaves, devenus colons attachés à la terre des Gaules, condition encore servile, mais de beaucoup supérieure à l'esclavage; mon père à moi, redevenu libre, grâce aux redoutables insurrections des Enfants du Gui, soulevés de siècle en siècle à la voix de nos druides, infatigables et héroïques défenseurs de la Gaule asservie, m'a légué la liberté, ce bien le plus précieux de tous; je te le léguerai aussi.

      Notre chère patrie a donc, à force de luttes, de persévérance contre les Romains, successivement reconquis, au prix du sang de ses enfants, presque toutes ses libertés. Un fragile et dernier lien nous attache encore à Rome, aujourd'hui notre alliée, autrefois notre impitoyable dominatrice; mais ce fragile et dernier lien brisé, nous retrouverons notre indépendance absolue, et nous reprendrons notre antique place à la tête des grandes nations du monde.

      Avant de te faire connaître certaines circonstances de ma vie, mon enfant, je dois suppléer en quelques lignes au vide que laisse dans l'histoire de notre famille l'abstention de ceux de nos aïeux qui, par suite de leur manque d'instruction et du malheur des temps, n'ont pu ajouter leurs récits à notre légende. Leur vie a dû être celle de tous les Gaulois qui, malgré les chaînes de l'esclavage, ont, pas à pas, siècle à siècle, conquis par la révolte et la bataille l'affranchissement de notre pays.

      Tu liras, dans les dernières lignes écrites par notre aïeul Fergan, époux de Geneviève, que, malgré les serments des Enfants du Gui et de nombreux soulèvements, dont l'un, et des plus redoutables, eut à sa tête Sacrovir, ce digne émule du chef des cent vallées, la tyrannie de Rome, imposée depuis César à la Gaule, durait toujours. En vain Jésus, le charpentier de Nazareth, avait prophétisé les temps où les fers des esclaves seraient brisés, les esclaves traînaient toujours leurs chaînes ensanglantées; cependant, notre vieille race, affaiblie, mutilée, énervée ou corrompue par l'esclavage, mais non soumise, ne laissait passer que peu d'années sans essayer de briser son joug; les secrètes associations des Enfants du Gui couvraient le pays et donnaient d'intrépides soldats à chacune de nos révoltes contre Rome.

      Après la tentative héroïque de Sacrovir, dont tu verras la mort sublime dans les récits de notre aïeul Fergan, le chétif et timide esclave tisserand, d'autres insurrections éclatèrent sous les empereurs romains Tibère et Claude; elles redoublèrent d'énergie pendant les guerres civiles qui, sous le règne de Néron, divisèrent l'Italie. Vers cette époque, l'un de nos héros, Vindex, aussi intrépide que le CHEF DES CENT VALLÉES ou que Sacrovir, tint longtemps en échec les armées romaines. – Civilis, autre patriote gaulois, s'appuyant sur les prophéties de Velléda, une de nos druidesses, femme virile et de haut conseil, digne de la vaillance et de la sagesse de nos mères, souleva presque toute la Gaule, et commença d'ébranler profondément la puissance romaine. Plus tard, enfin, sous le règne de l'empereur Vitellius, un pauvre esclave de labour, comme l'avait été notre aïeul Guilhern, se donnant comme messie et libérateur de la Gaule, de même que Jésus de Nazareth s'était donné comme messie et libérateur de la Judée, poursuivit avec une patriotique ardeur l'oeuvre d'affranchissement commencée par le chef des cent vallées, et continuée par Sacrovir, Vindex, Civilis et tant d'autres héros. Cet esclave laboureur, nommé Marik, âgé de vingt-cinq ans à peine, robuste, intelligent, d'une héroïque bravoure, était affilié aux Enfants du Gui; nos vénérés druides, toujours persécutés, avaient parcouru la Gaule pour exciter les tièdes, calmer les impatients, et prévenir chacun du terme fixé pour le soulèvement. Il éclate; Marik, à la tête de dix mille esclaves, paysans comme lui, armés de fourches et de faux, attaque, sous les murs de Lyon, les troupes romaines de Vitellius. Cette première tentative avorte; les insurgés sont presque entièrement détruits par l'armée romaine, trois fois supérieure en nombre; loin d'accabler les insurgés gaulois, cette défaite les exalte; des populations entières se soulèvent à la voix des druides prêchant la guerre sainte: les combattants semblent sortir des entrailles de la terre; Marik se voit bientôt à la tête d'une nombreuse armée. Doué par les dieux du génie militaire, il discipline ses troupes, les encourage, leur inspire une confiance aveugle, marche vers les bords du Rhin, où campait, protégée par ses retranchements, la réserve de l'armée romaine, l'attaque, la bat, et force des légions entières, qu'il fait prisonnières, à changer leurs enseignes pour notre antique coq gaulois. Ces légions romaines, devenues presque nos compatriotes par leur long séjour dans notre pays, entraînées par l'ascendant militaire de Marik, se joignent à lui, combattent les nouvelles cohortes romaines venues d'Italie, les dispersent ou les anéantissent. L'heure de la délivrance de la Gaule allait sonner… Marik tombe entre les mains de l'immonde empereur Vespasien, par une lâche trahison… Ce nouveau héros de la Gaule, criblé de blessures, est livré aux animaux du cirque, comme notre aïeul Sylvest.

      La mort de ce martyr de la liberté exaspère les populations; sur tous les points de la Gaule de nouvelles insurrections éclatent. La parole de Jésus de Nazareth, proclamant l'esclave l'égal de son maître, commence à pénétrer dans notre pays, prêchée par des apôtres voyageurs; la haine contre l'oppression étrangère redouble: attaqués en Gaule de toutes parts, harcelés de l'autre côté du Rhin par d'innombrables hordes de Franks, guerriers barbares, venus du fond des forêts du Nord, et attendant le moment de fondre à leur tour sur la Gaule, les Romains capitulent avec nous; nous recueillons enfin le fruit de tant de sacrifices héroïques! Le sang versé par nos pères depuis trois siècles a fécondé notre affranchissement, car elles étaient prophétiques ces paroles du chant du chef des cent vallées:

      «Coule, coule, sang du captif! – Tombe, tombe, rosée sanglante! – Germe, grandis, moisson vengeresse!..»

      Oui, mon enfant, elles étaient prophétiques ces paroles; car, c'est en chantant ce refrain que nos pères ont combattu et vaincu l'oppression étrangère. Enfin, Rome nous rend une partie de notre indépendance; nous formons des légions

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