Les mystères du peuple, Tome III. Эжен Сю

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Les mystères du peuple, Tome III - Эжен Сю

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la tunique que l'on avait rejetée sur le dos de Jésus. Sans doute la laine de ce vêtement s'était déjà collée à la chair vive, car, au moment où il fut violemment arraché des épaules de Jésus, il poussa un grand cri de douleur, mais ce fut tout, il se laissa patiemment revêtir du manteau rouge.

      –Maintenant, prends ton sceptre, ô grand roi! – ajouta un autre soldat en s'agenouillant devant le jeune maître et lui mettant dans la main le cep de vigne du centurion; puis tous, avec de grands éclats de rire, répétèrent:

      –Salut, ô roi des Juifs, salut!

      Un grand nombre d'entre eux s'agenouillèrent même devant lui par dérision en répétant:

      –Salut! ô grand roi!

      Jésus garda dans sa main ce sceptre dérisoire et ne prononça pas un mot; cette résignation inaltérable, cette douceur angélique frappèrent tellement les Romains, qu'ils restèrent d'abord stupéfaits; puis, leur colère s'exaltant en raison de la patience du jeune maître de Nazareth, ils s'irritèrent à l'envi, s'écriant:

      –Ce n'est pas un homme, c'est une statue.

      –Tout le sang qu'il avait dans les veines est sorti sous les baguettes du bourreau.

      –Le lâche! il n'ose pas seulement se plaindre.

      –Lâche? – dit un vétéran, d'un air pensif, après avoir longtemps contemplé Jésus, quoiqu'il eût été d'abord l'un de ses tourmenteurs acharnés. – Non, celui-là n'est pas un lâche! non, pour endurer patiemment tout ce que nous lui faisons souffrir, il faut plus de courage que pour se jeter, tête baissée, l'épée à la main, sur l'ennemi… Non, – répéta-t-il en se retirant à l'écart, – non, cet homme-là n'est pas un lâche!

      Et Geneviève crut voir une larme tomber sur les moustaches grises du vieux soldat.

      Mais les autres Romains se moquèrent de l'attendrissement de leur compagnon, et s'écrièrent:

      –Il ne voit pas que ce Nazaréen feint la résignation pour nous apitoyer.

      –C'est vrai! il est au dedans rage et haine, tandis qu'au dehors il se montre bénin et pâtissant.

      –C'est un tigre honteux qui se revêt d'une peau d'agneau…

      À ces paroles insensées, Jésus se contenta de sourire tristement en secouant la tête; ce mouvement fit pleuvoir autour de lui une rosée de sang, car les blessures faites à son front par les épines saignaient toujours…

      À la vue du sang de ce juste, Geneviève ne put s'empêcher de murmurer tout bas le refrain du chant des Enfants du Gui cité dans les écrits des aïeux de son mari:

      «Coule, coule, sang du captif! – Tombe, tombe, rosée sanglante! – Germe, grandis, moisson vengeresse!..»

      –Oh! – se disait Geneviève, – le sang de cet innocent, de ce martyr, si indignement abandonné par ses amis, par ce peuple de pauvres et d'opprimés qu'il chérissait… ce sang retombera sur eux et sur leurs enfants… Mais qu'il féconde aussi la sanglante moisson de la vengeance!

      Les Romains, exaspérés par la céleste patience de Jésus, ne savaient qu'imaginer pour la vaincre… Les injures, les menaces ne pouvant l'ébranler, un des soldats lui arracha des mains le cep de vigne qu'il continuait de tenir machinalement et le lui brisa sur la tête 35, en s'écriant:

      –Tu donneras peut-être signe de vie, statue de chair et d'os!

      Mais Jésus ayant d'abord courbé sous le coup sa tête endolorie, la releva en jetant un regard de pardon sur celui qui venait de le frapper.

      Sans doute cette ineffable douceur intimida ou embarrassa ces barbares, car l'un d'eux, détachant son écharpe, banda les yeux du jeune maître de Nazareth 36, en lui disant:

      –Ô grand roi! tes respectueux sujets ne sont pas dignes de supporter tes regards!

      Lorsque Jésus eut ainsi les yeux bandés, une idée d'une lâcheté féroce vint à l'esprit de ces Romains; l'un d'eux s'approcha de la victime, lui donna un soufflet, et lui dit en éclatant de rire:

      -O grand prophète! devine le nom de celui qui t'a frappé 37! Alors un horrible jeu commença…

      Ces hommes robustes et armés vinrent tour à tour, riant aux éclats, souffleter ce jeune homme garrotté, brisé par tant de tortures, lui disant chaque fois qu'ils le frappaient à la figure:

      –Devineras-tu cette fois qui t'a frappé?

      Jésus (et ce furent les seules paroles que Geneviève lui entendit prononcer durant ce long martyre), Jésus dit d'une voix miséricordieuse, en levant vers le ciel sa tête toujours couverte d'un bandeau:

      «-Seigneur, mon Dieu! pardonnez-leur… ils ne savent ce qu'ils font 38

      Telle fut l'unique et tendre plainte que fit entendre la victime, et ce n'était pas même une plainte… c'était une prière qu'il adressait aux dieux, implorant leur pardon pour ses tourmenteurs…

      Les Romains, loin d'être apaisés par cette divine mansuétude, redoublèrent de violences et d'outrages…

      Des infâmes crachèrent au visage de Jésus… 39

      Geneviève n'aurait pu supporter plus longtemps la vue de ces monstruosités si les dieux n'y eussent mis un terme; elle entendit dans la rue un grand tumulte, et vit arriver le docteur Baruch, le banquier Jonas et Caïphe, prince des prêtres. Deux hommes de leur suite portaient une lourde croix de bois, un peu plus haute que la grandeur d'un homme. À la vue de cet instrument de supplice, les personnes arrêtées au dehors de la porte du prétoire, et parmi lesquelles se trouvait Geneviève, crièrent d'une voix triomphante:

      –Enfin, voici la croix!.. voici la croix!

      –Une croix toute neuve et digne d'un roi!

      –Et comme roi… le Nazaréen ne dira pas qu'on le traite en mendiant…

      Lorsque les Romains entendirent annoncer qu'on apportait la croix, ils parurent contrariés de ce que leur victime allait leur échapper. Jésus, au contraire, à ces mots: – Voici la croix!.. voici la croix! – se leva avec une sorte d'allégement, espérant sans doute sortir bientôt de ce monde-ci… Des soldats lui débandèrent les yeux, lui ôtèrent le manteau rouge, lui laissant seulement la couronne d'épines sur la tête; de sorte qu'il resta demi-nu; on le conduisit ainsi jusqu'à la porte du prétoire, où se tenaient les hommes qui venaient d'apporter la croix.

      Le docteur Baruch, le banquier Jonas et le prince des prêtres, Caïphe, dans leur haine toujours inassouvie, échangeaient des regards triomphants, en se montrant le jeune maître de Nazareth, pâle, sanglant et dont les forces semblaient être à bout. Ces pharisiens impitoyables ne purent résister au cruel plaisir d'outrager encore la victime, le banquier Jonas lui dit:

      –Tu vois, audacieux insolent, à quoi mènent les injures contre les riches; tu ne les railles plus à cette heure? tu ne les compares plus à des chameaux incapables de passer par le trou d'une aiguille! C'est grand dommage que l'envie de plaisanter te soit passée!

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<p>35</p>

Évangile selon saint Matthieu, ch. XXVII, v. 30, 31 et suivants.

<p>36</p>

Évangile selon saint Luc, ch. XXIII, v. 33.

<p>37</p>

Évangile selon saint Luc, ch. XXIII, v. 31.

<p>38</p>

Évangile selon saint Luc, ch. XXIII, v. 32.

<p>39</p>

Évangile selon saint Luc, ch. XXIII, v. 35.