Les mystères du peuple, Tome III. Эжен Сю

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Les mystères du peuple, Tome III - Эжен Сю

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l'empereur, ton maître?.. Comment se fait-il que ce soit nous autres Hébreux, qui demandions la mort du séditieux qui veut renverser l'autorité romaine, et que ce soit toi, gouverneur pour Tibère, qui veuilles gracier ce séditieux?..

      Cette apostrophe parut d'autant plus troubler Ponce-Pilate, que de tous côtés on cria dans la foule:

      –Oui, oui… ce serait trahir l'empereur que de délivrer le Nazaréen!

      –Ou prouver peut-être que l'on est son complice.

      Ponce-Pilate, malgré le désir qu'il avait peut-être de sauver le jeune maître de Nazareth, parut de plus en plus troublé de ces reproches partis de la foule, reproches qui mettaient en doute sa fidélité à l'empereur Tibère 27. Il alla vers les pharisiens et s'entretint avec eux à voix basse, tandis que les miliciens gardaient toujours au milieu d'eux Jésus garrotté.

      Alors, Caïphe, prince des prêtres, reprit tout haut en s'adressant à Pilate, afin d'être entendu de la foule et en montrant Jésus:

      «-Nous avons trouvé que cet homme pervertit notre nation, qu'il l'empêche de payer le tribut à César, et qu'il se dit le roi des Juifs comme étant le fils de Dieu 28

      Alors, Ponce-Pilate, se tournant vers le jeune maître de Nazareth, lui dit:

      –Êtes-vous roi des Juifs?

      «-Dites-vous cela de vous-même?» – répondit Jésus d'une voix affaiblie par la souffrance, – «ou bien me le demandez-vous parce que d'autres vous l'ont dit avant moi?»

      –Les princes des prêtres et les sénateurs vous ont livré à moi… – reprit Ponce-Pilate. – Qu'avez-vous fait?.. Vous prétendez-vous roi des Juifs?..

      Jésus secoua doucement la tête et répondit:

      «-Mon royaume n'est pas de ce monde… si mon royaume était de ce monde, mes amis eussent combattu pour empêcher que je vous fusse livré… mais, je vous le répète, mon royaume n'est pas d'ici 29

      Ponce-Pilate se retourna de nouveau vers les pharisiens, comme pour les prendre eux-mêmes à témoignage de la réponse de Jésus, qui devait l'innocenter, puisqu'il proclamait que son royaume n'était pas de ce monde-ci.

      –Son royaume, – pensa Geneviève, – est sans doute dans ces mondes inconnus où nous allons, selon notre foi druidique, retrouver ceux que nous avons aimés ici… Comment oseraient-ils condamner Jésus comme rebelle à l'empereur? lui qui a tant de fois répété: «Rendez à César ce qui est à César, à Dieu ce qui est à Dieu!»

      Mais, hélas! Geneviève oubliait que la haine des pharisiens était implacable… Les seigneurs Baruch, Jonas et Caïphe, ayant de nouveau parlé bas à Ponce-Pilate, celui-ci dit à Jésus:

      «-Êtes-vous, oui ou non, le fils de Dieu?»

      «-Oui,» – répondit Jésus de sa voix douce et ferme, – «oui, je le suis 30…»

      A ces mots, les princes des prêtres, les docteurs et sénateurs, indignés, poussèrent des exclamations qui furent répétées par la foule.

      –Il a blasphémé!.. il a dit qu'il était le fils de Dieu!..

      –Et celui-là qui se dit le fils de Dieu, – cria l'émissaire-celui-là qui se dit le fils de Dieu se dit aussi roi des Juifs…

      –C'est un ennemi de l'empereur!

      –A mort! à mort! le Nazaréen!.. crucifiez-le Ponce-Pilate, singulier mélange de lâche faiblesse et d'équité, voulant sans doute tenter un dernier effort pour sauver Jésus, qu'il ne trouvait pas coupable, dit à la foule qu'il était d'usage pour la fête de ce jour de donner la liberté à un criminel, et que le peuple avait à choisir pour cet acte de clémence entre un prisonnier, nommé Barrabas, et Jésus, qui avait été déjà battu de verges, puis il ajouta:

      «-Lequel des deux voulez-vous que je délivre? Jésus, ou Barrabas 31

      Geneviève vit les émissaires des pharisiens courir dans la foule de groupe en groupe, et disant:

      –Demandons la liberté de Barrabas… que l'on délivre Barrabas. Et bientôt la foule cria de toutes parts:

      –Délivrez Barrabas et gardez Jésus!..

      –Mais, – reprit Ponce-Pilate, – que ferai-je de Jésus?

      –Crucifiez-le!.. – répondirent les mille voix de la foule, – crucifiez-le!..

      –Mais, – reprit encore Ponce-Pilate, – quel mal a-t-il fait?

      –Crucifiez-le!.. – reprit la foule de plus en plus furieuse. – Crucifiez-le!.. Mort au Nazaréen!..

      Ponce-Pilate, n'ayant pas le courage de défendre Jésus, qu'il trouvait innocent, fit signe à l'un de ses serviteurs: celui-ci rentra dans la maison du gouverneur, pendant que la foule criait avec une furie croissante:

      –Crucifiez le Nazaréen!.. crucifiez-le!..

      Jésus, toujours calme, triste, pensif, semblait étranger à ce qui se passait autour de lui.

      –Sans doute, – se dit Geneviève, – il songe déjà aux mondes mystérieux, où l'on va renaître et revivre en quittant ce monde-ci.

      Le serviteur de Ponce-Pilate revint, tenant un vase d'argent d'une main et de l'autre un bassin; un second serviteur prit ce bassin, et, pendant que le premier serviteur y versait de l'eau, Ponce-Pilate trempa ses mains dans cette eau, en disant à haute voix:

      «-Je suis innocent de la mort de ce juste; c'est à vous d'y prendre garde… Quant à moi, je m'en lave les mains 32…»

      –Que le sang du Nazaréen retombe sur nous!.. – cria l'un des émissaires.

      -Oui… que son sang retombe sur nous et sur nos enfants 33!..

      –Prenez donc Jésus, et crucifiez-le vous-mêmes… – répondit Ponce-Pilate. – On va, puisque vous l'exigez, délivrer Barrabas.

      Et Ponce-Pilate rentra dans sa maison au bruit des acclamations de la foule, tandis que Caïphe, le docteur Baruch, le banquier Jonas et les autres pharisiens triomphants montraient le poing à Jésus.

      L'officier qui avait commandé l'escorte de miliciens chargés d'arrêter le fils de Marie dans le jardin des Oliviers, s'approchant de Caïphe, lui dit:

      –Seigneur, pour conduire le Nazaréen au Golgotha, lieu de l'exécution des criminels, nous aurons à traverser le quartier populeux de la porte Judiciaire; il se pourrait que le calme des partisans de ce séditieux ne fût qu'apparent… et qu'une fois arrivés dans ce quartier de vile populace, elle ne se soulevât pour délivrer le Nazaréen… Je réponds du courage de mes braves miliciens; ils ont déjà, ce matin, après un combat acharné, mis en fuite une grosse troupe de scélérats déterminés, commandée par un bandit nommé Banaïas, qui voulaient nous forcer à leur livrer Jésus… Pas un

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<p>27</p>

«Ponce-Pilate était fonctionnaire public (fait très-judicieusement observer M. Dupin); il tenait à sa place: il fut intimidé par les cris qui mettaient en doute sa fidélité à l'empereur, il craignit une destitution, il céda.» (Jésus devant Caïphe, p. 105, par Dupin aîné.)

<p>28</p>

Évangile selon saint Luc, ch. XXIII, v. 1, 3.

<p>29</p>

Évangile selon saint Jean, ch. XXVIII, v. 23 et 36.

<p>30</p>

Évangile selon saint Jean, ch. XXVIII, v. 38, 39.

<p>31</p>

«Mais les princes des prêtres et les sénateurs persuadèrent au peuple de demander Barrabas et de faire mourir Jésus.» (Évangile selon saint Matthieu, ch. XXVIII, v. 20)

<p>32</p>

Évangile selon saint Matthieu, ch. XXVII, v. 25.

<p>33</p>

Évangile selon saint Matthieu, ch. XXVII, v. 26, 27.