Les mystères du peuple, Tome III. Эжен Сю

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Les mystères du peuple, Tome III - Эжен Сю

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serviteurs, se glissa parmi eux lors de l'entrée des soldats, et resta d'abord sous le vestibule, éclairé par des flambeaux. A cette lueur, elle reconnut l'homme qui, comme elle, avait, depuis le bois des oliviers, suivi l'ami des opprimés: c'était Pierre, un de ses disciples. Il semblait aussi chagrin qu'effrayé, les larmes inondaient son visage; Geneviève crut d'abord que cet homme serait du moins fidèle à Jésus, et qu'il témoignerait de son dévouement en accompagnant le jeune maître devant le tribunal de Caïphe. Hélas! l'esclave se trompait. A peine Pierre eut-il dépassé le seuil de la porte, qu'au lieu d'aller rejoindre le fils de Marie, il s'assit sur l'un des bancs du vestibule, au milieu des serviteurs de Caïphe 5, cachant sa figure entre ses mains.

      Geneviève, apercevant alors au fond de la cour une vive lumière s'échapper d'une porte au dehors de laquelle se pressaient les soldats de l'escorte, se rapprocha d'eux. Cette porte était celle d'une vaste salle, au milieu de laquelle s'élevait un tribunal éclairé par de nombreux flambeaux. Assises derrière ce tribunal, elle reconnut plusieurs des personnes qu'elle avait vues au souper chez Ponce-Pilate: les seigneurs Caïphe, prince des prêtres; Baruch, docteur de la loi; Jonas, sénateur et banquier, se trouvaient parmi les juges du jeune maître de Nazareth. Il fut conduit devant eux les mains liées, la figure toujours calme, triste et douce; à peu de distance de lui se tenaient les huissiers, derrière eux, mêlés aux miliciens et aux gens de la maison de Caïphe, les deux émissaires mystérieux que Geneviève avait remarqués à la taverne de l'Onagre.

      Autant la contenance de l'ami des affligés était tranquille et digne, autant ses juges paraissaient violemment irrités; leurs traits exprimaient le triomphe d'une joie haineuse; ils se parlaient à voix basse, et, de temps à autre, ils désignaient d'un geste menaçant le fils de Marie, qui attendait patiemment son interrogatoire. Geneviève, confondue parmi ceux qui remplissaient la salle, les entendait se dire:

      –Le voici donc enfin pris, ce Nazaréen qui prêchait la révolte!

      –Oh! il est moins hautain à cette heure que lorsqu'il était à la tête de sa troupe de scélérats et de femmes de mauvaise vie!

      –Il prêche contre les riches, – dit un des serviteurs du prince des prêtres. – Il commande le renoncement des richesses… mais si nos maîtres faisaient maigre chère, nous serions donc, nous autres serviteurs, réduits au sort des mendiants affamés, au lieu de nous engraisser des abondants reliefs des festins délicats de nos maîtres!

      –Et ce n'est pas tout, – reprit un autre serviteur. – Si l'on écoutait ce Nazaréen maudit, nos maîtres, volontairement appauvris, renonceraient à toutes les magnificences, à tous les plaisirs… ils ne mettraient pas chaque jour au rebut de superbes robes ou tuniques parce que la broderie ou la couleur de ces vêtements ne leur plaît plus… Or, qui profite de ces caprices de nos fastueux seigneurs, sinon nous autres, puisque tuniques et robes nous reviennent?

      –Et si nos maîtres renonçaient aux plaisirs, pour vivre de jeûne et de prières, ils n'auraient plus de belles maîtresses, ils ne nous chargeraient plus de ces amoureux courtages, récompensés si magnifiquement en cas de succès!

      –Oui, oui, – criaient-ils tous ensemble, – à mort ce Nazaréen, qui veut faire de nous, qui vivons dans la paresse, l'abondance et la joyeuseté, des mendiants ou des animaux de travail!

      Geneviève entendit encore d'autres propos, tenus à demi-voix, et menaçants pour la vie de l'ami des affligés; l'un des deux mystérieux émissaires derrière lequel elle se trouvait, dit à son compagnon:

      –Maintenant notre témoignage suffira pour faire condamner ce maudit; je me suis entendu avec le seigneur Caïphe.

      À ce moment, l'un des huissiers du prince des prêtres placé à côté du jeune maître de Nazareth et chargé de veiller sur lui, frappa de sa masse sur les dalles de la salle; un grand silence se fit.

      Caïphe, après quelques paroles échangées à voix basse avec les autres pharisiens composant le tribunal, dit à l'assistance:

      –Quels sont ceux qui peuvent déposer ici contre le nommé Jésus de Nazareth?

      L'un des deux émissaires s'avança au pied du tribunal, et dit d'une voix solennelle:

      –Je jure avoir entendu cet homme affirmer que les princes des prêtres et les docteurs de la loi étaient tous des hypocrites, et les traiter de: race de serpents et de vipères.

      Un murmure d'indignation s'éleva parmi les miliciens et les serviteurs du grand-prêtre; les juges s'entre-regardèrent, ayant l'air de se demander si d'aussi horribles paroles avaient pu être prononcées.

      L'autre émissaire s'avançant auprès de son complice, ajouta d'une voix non moins solennelle:

      –Je jure avoir entendu cet homme-ci affirmer qu'il fallait se révolter contre le prince Hérode et contre l'empereur Tibère, auguste protecteur de la Judée, afin de le proclamer, lui, Jésus de Nazareth, roi des Juifs.

      Tandis qu'un sourire de pitié effleurait les lèvres du fils de Marie à ces accusations mensongères, puisqu'il avait dit: Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu, les pharisiens du tribunal levèrent les mains au ciel comme pour le prendre à témoin de tant d'énormités.

      Un des serviteurs de Caïphe, s'avançant à son tour, dit aux juges:

      –Je jure avoir entendu cet homme-ci dire, qu'il fallait massacrer tous les pharisiens, piller leurs maisons et violenter leurs femmes et leurs filles!

      Un nouveau mouvement d'horreur se manifesta parmi les juges et l'assistance qui leur était dévouée.

      –Le pillage! le massacre! les violences! – s'écrièrent les uns, – voilà ce que voulait ce Nazaréen!

      –C'est pour cela qu'il traînait toujours après lui sa bande de scélérats.

      –Il voulait un jour, à leur tête, mettre Jérusalem à feu, à sac et à sang.

      Le prince des prêtres, Caïphe, présidant le tribunal, fit signe à l'un des huissiers de commander le silence; l'huissier frappa de sa masse les dalles de la salle; tout le monde se tut, Caïphe s'adressant au jeune maître d'une voix menaçante, lui dit:

      -Pourquoi ne répondez-vous pas à ce que ces personnes déposent contre vous 6?

      Jésus lui dit avec un accent rempli de douceur et de dignité:

      -«J'ai parlé publiquement à tout le monde, j'ai toujours enseigné dans le temple et dans la synagogue où tous les Juifs s'assemblent; je n'ai rien dit en secret… pourquoi donc m'interrogez-vous? Interrogez ceux qui m'ont entendu, pour savoir ce que je leur ai dit… ceux-là savent ce que j'ai enseigné 7

      À peine eut-il parlé de la sorte que Geneviève vit un des huissiers, furieux de cette réponse si juste et si calme, lever la main sur Jésus et le frapper au visage, en s'écriant:

      -Est-ce ainsi que tu parles au grand-prêtre 8.

      À cet outrage infâme!.. frapper un homme garrotté, Geneviève sentit son coeur bondir, ses larmes couler, tandis qu'au contraire de grands éclats de rire s'élevèrent parmi les soldats et les serviteurs du grand-prêtre.

      Le fils de Marie resta toujours placide; seulement, il se retourna vers l'huissier et

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<p>5</p>

Évangile selon saint Matthieu, ch. XXXVI, v. 58.

<p>6</p>

Évangile selon saint Matthieu, ch. XXVI, v. 62.

<p>7</p>

Évangile selon saint Jean, ch. XVIII, v. 20, 21.

<p>8</p>

Évangile selon saint Jean, ch. XVIII, v. 22.