Les mystères du peuple, Tome III. Эжен Сю

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Les mystères du peuple, Tome III - Эжен Сю

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cette souillure nous empêcherait de manger la pâque aujourd'hui 18.

      –Non, – ajouta le docteur Baruch, – nous ne pouvons commettre cette impiété abominable.

      –Les entendez-vous? – dit à la foule l'un des émissaires avec un accent d'admiration, – les entendez-vous les saints hommes? quel respect ils professent pour les commandements de notre religion!.. Ah! ceux-là ne sont pas comme cet impie Nazaréen, qui raille et blasphème les choses les plus sacrées, en osant déclarer qu'il ne faut pas observer le sabbat.

      –Oh! les infâmes hypocrites! – se dit Geneviève; – combien Jésus les connaissait, comme il avait raison de les démasquer! Les voilà qui craignent de souiller leurs sandales en entrant dans la maison d'un païen, et ils ne craignent pas de souiller leur âme en demandant à ce païen de verser le sang d'un juste, leur compatriote! Ah! pauvre jeune maître de Nazareth! ils vont te faire payer de ta vie le courage que tu as montré en attaquant ces méchants fourbes.

      L'officier des miliciens étant entré dans le palais de Ponce-Pilate, tandis que l'escorte demeurait au dehors gardant le prisonnier, Geneviève monta derrière un chariot attelé de boeufs arrêté par la foule, et tâcha d'apercevoir encore le jeune homme de Nazareth.

      Elle le vit debout au milieu des soldais, les mains liées derrière le dos, la tête nue, ses longs cheveux blonds tombant sur ses épaules, le regard toujours calme et doux, un sourire de résignation sur les lèvres. Il contemplait cette foule tumultueuse, menaçante, avec une sorte de commisération douloureuse, comme s'il eût plaint ces hommes de leur aveuglement et de leur iniquité. De tous côtés on lui adressait des injures; les miliciens eux-mêmes le traitaient avec tant de brutalité, que le manteau bleu qu'il portait sur sa tunique blanche était déjà presque déchiré en lambeaux. Jésus à tant d'outrages et de mauvais traitements opposait une inaltérable placidité; seulement, de temps à autre il levait tristement les yeux au ciel; mais sur son pâle et beau visage, Geneviève ne vit pas se trahir la moindre impatience, la moindre colère.

      Soudain on entendit ces mots circuler dans la foule:

      –Ah! voici le seigneur Ponce-Pilate!

      –Il va enfin prononcer la sentence de mort de ce Nazaréen maudit.

      –Heureusement d'ici au Golgotha, où l'on supplicie les criminels, il n'y a pas loin; nous pourrons aller le voir crucifier.

      En effet, Geneviève vit bientôt paraître le seigneur Ponce-Pilate à la porte de sa maison 19; il venait sans doute d'être arraché au sommeil, car il s'enveloppait d'une longue robe du matin; sa chevelure et sa barbe étaient en désordre; ses yeux, rougis, gonflés, semblaient éblouis des rayons du soleil levant, il put à peine dissimuler plusieurs bâillements, et semblait vivement contrarié d'avoir été réveillé de si bon matin, lui qui peut-être avait, selon son habitude, prolongé son souper jusqu'à l'aube. Aussi, s'adressant au docteur Baruch avec un ton de brusquerie et de mauvaise humeur, ainsi que quelqu'un très-impatient d'abréger une corvée qui lui pèse, il lui dit:

      «-Quel est le crime dont vous accusez ce jeune homme 20

      Le docteur Baruch paraissant, de son côté, blessé de la brusquerie et de la mauvaise humeur de Ponce-Pilate, lui répondit avec aigreur:

      «-Si ce n'était pas un malfaiteur, nous ne vous l'aurions pas amené 21

      Le seigneur Ponce-Pilate, choqué à son tour de l'aigreur du docteur Baruch, reprit impatiemment et en étouffant un nouveau bâillement:

      «-Eh bien! puisque vous dites qu'il a péché contre la loi, prenez-le et jugez-le selon votre loi 22

      Et le gouverneur tourna le dos au docteur Baruch en haussant les épaules, et rentra dans sa maison.

      Un moment Geneviève crut le jeune homme de Nazareth sauvé, car la réponse de Ponce-Pilate souleva de nombreux murmures dans la foule.

      –Voilà bien les Romains, – disaient les uns; – ils ne cherchent qu'à entretenir l'agitation dans notre pauvre pays pour le dominer plus sûrement.

      –Ce Ponce-Pilate semble évidemment protéger ce maudit Nazaréen!..

      –Moi, je suis certain que ce Nazaréen est un secret affidé des Romains, – ajouta l'un des émissaires, – ils se servent de ce misérable séditieux pour de ténébreux projets.

      –Il n'y a pas à en douter, – reprit l'autre émissaire, – le Nazaréen est vendu aux Romains.

      À ce dernier outrage, qui sembla pénible à Jésus, Geneviève le vit lever de nouveau les yeux au ciel d'un air navré, tandis que la foule répétait:

      –Oui, oui, c'est un traître!..

      –C'est un agent des Romains!..

      –À mort le traître! à mort!..

      Le docteur Baruch n'avait pas voulu lâcher sa proie; lui et plusieurs princes des prêtres, voyant Ponce-Pilate rentrer dans sa maison, coururent après lui, et l'ayant supplié de revenir, ils le ramenèrent dehors aux grands applaudissements de la foule.

      Le seigneur Ponce-Pilate semblait continuer presque malgré lui cet interrogatoire; il dit avec impatience au docteur Baruch en désignant Jésus du geste:

      «-De quoi accusez-vous cet homme?»

      Le docteur de la loi répondit à haute voix:

      «-Cet homme soulève le peuple par la doctrine qu'il enseigne dans toute la Judée, depuis la Galilée, où il a commencé, jusqu'ici 23

      À cette accusation, Geneviève entendit l'un des émissaires dire à demi-voix à son compagnon:

      –Le docteur Baruch est un fin renard; par cette accusation de sédition, il va forcer le gouverneur à condamner le Nazaréen.

      Ponce-Pilate ayant fait signe à Jésus de s'approcher, ils échangèrent entre eux quelques paroles; à chaque réponse du jeune maître de Nazareth, toujours calme et digne, Ponce-Pilate semblait de plus en plus convaincu de son innocence; il reprit à haute voix, s'adressant aux princes des prêtres et aux docteurs de la loi:

      «-Vous m'avez présenté cet homme comme poussant le peuple à la révolte; néanmoins, l'ayant interrogé en votre présence, je ne le trouve coupable d'aucun des crimes dont vous l'accusez. Je ne le juge pas digne de la mort… je m'en vais donc le renvoyer après l'avoir fait châtier 24

      Et Ponce-Pilate, étouffant un dernier bâillement, fit signe à un de ses serviteurs qui partit en courant.

      La foule, non satisfaite de l'arrêt de Ponce-Pilate, murmura d'abord, puis se plaignit tout haut.

      –Ce n'est pas pour faire châtier le Nazaréen qu'on l'a conduit ici, – disaient les uns, – mais pour le faire condamner à mort…

      –Après son châtiment, il recommencera ses séditions et à soulever le peuple…

      –Ce n'est pas le châtiment de Jésus que nous voulons,

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<p>18</p>

Évangile selon saint Jean, ch. XVIII, v. 28.

<p>19</p>

«Pilate les vint donc trouver dehors.» (Évangile selon saint Jean, ch. XVIII, v. 29.)

<p>20</p>

Évangile selon saint Jean, ch. XVIII, v. 30.

<p>21</p>

Évangile selon saint Jean, ch. XVIII, v. 31.

<p>22</p>

Évangile saint Jean, ch. XVIII, v. 31.

<p>23</p>

Évangile selon saint Luc, ch. XXIII, v. 6.

<p>24</p>

Évangile selon saint Luc, ch. XXIII, v. 16, 17.