Les mystères du peuple, Tome III. Эжен Сю

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Les mystères du peuple, Tome III - Эжен Сю

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c'est parce qu'il vous a aimés… c'est parce qu'il a plaint vos malheurs… c'est parce qu'il a fait honte aux riches de leur hypocrisie et de leur dureté de coeur envers ceux qui souffrent!

      –C'est vrai; il nous prédit sans cesse le royaume de Dieu sur la terre, – répondit le vagabond en se recouchant sur son banc ainsi que son camarade, afin de se réchauffer aux rayons du soleil levant; – cependant ces beaux jours qu'il nous promet n'arrivent pas… et nous sommes aussi gueux aujourd'hui que nous l'étions hier.

      –Eh! qui vous dit que ces beaux jours, promis par lui, n'arriveront pas demain? – reprit Geneviève?.. – ne faut-il pas à la moisson le temps de germer, de grandir, de mûrir?.. Pauvres aveugles impatients que vous êtes!.. Songez donc que laisser mourir celui que vous appeliez votre ami, avant qu'il ait fécondé les bons germes qu'il a semés dans tant de coeurs, c'est fouler aux pieds, c'est anéantir en herbe une moisson peut-être magnifique…

      Les deux vagabonds gardèrent le silence en secouant la tête, et Geneviève s'éloigna d'eux, se disant avec un redoublement de douleur profonde:

      –Ne rencontrerai-je donc partout qu'ingratitude, oubli, lâcheté, trahison! Oh! ce n'est pas le corps de Jésus qui sera crucifié, ce sera son coeur…

      L'esclave se hâta de rejoindre les soldats, qui se rapprochaient de plus en plus du palais de Ponce-Pilate. Au moment où elle doublait le pas, elle remarqua une sorte de tumulte parmi les miliciens de Jérusalem qui s'arrêtèrent brusquement. Elle monta sur un banc de pierre, et vit Banaïas seul, à l'entrée d'une arcade assez étroite que les soldats devaient traverser pour se rendre chez le gouverneur, leur barrant audacieusement le passage, en faisant tournoyer autour de lui son long bâton, terminé par une masse de fer.

      –Ah! celui-là, du moins, n'abandonne pas celui qu'il appelait son ami! – pensa Geneviève.

      –Par les épaules de Samson! – criait Banaïas de sa voix retentissante, – si vous ne mettez pas sur l'heure notre ami en liberté, miliciens de Belzébuth! je vous bats aussi dru que le fléau bat le blé sur l'aire de la grange!.. Ah si j'avais eu le temps de rassembler une bande de compagnons aussi résolus que moi à défendre notre ami de Nazareth, c'est un ordre que je vous adresserais au lieu d'une simple prière, et cette simple prière, je la répète: Laissez libre notre ami, ou sinon, par la mâchoire dont se servit Samson, je vous assomme tous comme il a assommé les Philistins!

      –Entendez-vous ce scélérat? Il appelle cette audacieuse menace une prière! – s'écria l'officier commandant les miliciens, qui se tenait prudemment au milieu de sa troupe; – percez ce misérable de vos lances… Frappez-le de vos épées s'il ne vous livre passage!

      Les miliciens de Jérusalem n'étaient pas une troupe très-vaillante, car ils avaient hésité avant d'oser arrêter Jésus qui s'avançait vers eux, seul et désarmé; aussi, malgré les ordres de leur chef, ils restèrent un moment indécis devant l'attitude menaçante de Banaïas. En vain Jésus, dont Geneviève entendait la voix douce et ferme, tâchait d'apaiser son défenseur et le suppliait de se retirer. Banaïas reprit d'un ton plus menaçant encore, répondant ainsi aux supplications du jeune maître:

      –Ne t'occupe pas de moi, notre ami: tu es un homme de paix et de concorde; moi, je suis un homme de violence et de bataille. Lorsqu'il faut protéger un faible! laisse-moi faire… J'arrêterai ici ces mauvais soldats, jusqu'à ce que le bruit du tumulte ait averti et fait accourir mes compagnons; et alors, par les cinq cents concubines de Salomon qui dansaient devant lui, tu verras la danse de ces miliciens du diable, au son de nos bâtons ferrés battant la mesure sur leurs casques et sur leurs cuirasses!

      –Vous laisserez-vous insulter plus longtemps par un seul homme, gens sans courage? – s'écria l'officier à ses miliciens… – Oh! si je n'avais l'ordre de ne pas quitter le Nazaréen plus que son ombre, je vous donnerais l'exemple, et ma grande épée aurait déjà coupé la gorge de ce bandit!

      –Par le nombril d'Abraham! c'est moi qui vais aller te percer le ventre, à toi qui parles si bien, et t'arracher notre ami! – s'écria Banaïas… – Je suis seul… mais un faucon vaut mieux que cent merles.

      Et Banaïas se précipita sur les miliciens, en faisant tournoyer avec furie son bâton ferré, malgré les prières de Jésus.

      D'abord surpris et ébranlés par tant d'audace, quelques soldats du premier rang de l'escorte lâchèrent pied; mais bientôt, honteux de ne pas résister à un seul homme, ils se rallièrent, attaquèrent à leur tour Banaïas, qui, accablé par le nombre, malgré son courage héroïque, tomba mort percé de coups. Geneviève vit alors les soldats dans leur rage jeter au fond d'un puits, voisin de l'arcade, le corps ensanglanté du seul défenseur du fils de Marie. Après cet exploit, l'officier, brandissant sa longue épée, se mit à la tête de sa troupe, et ils arrivèrent devant la maison du seigneur Ponce-Pilate, où Geneviève avait accompagné sa maîtresse Aurélie plusieurs jours auparavant.

      Le soleil était déjà haut. Attirés par le bruit de la lutte de Banaïas contre les soldats, beaucoup d'habitants de Jérusalem, sortant de leurs maisons, avaient suivi les miliciens. La maison du gouverneur romain se trouvait dans l'un des plus riches quartiers de la ville; les personnes qui, par curiosité, accompagnèrent, Jésus loin de le prendre en pitié, l'accablaient d'injures et de huées.

      –Enfin, – criaient les uns, – le voilà donc pris ce Nazaréen qui portait le trouble et l'inquiétude dans notre ville!

      –Ce séditieux qui ameutait les gueux contre les riches!

      –Cet impie qui blasphémait notre sainte religion!

      –Cet audacieux qui portait le trouble dans nos familles en glorifiant les fils prodigues et débauchés, – dit un des deux émissaires qui avait suivi la troupe!

      –Cet infâme qui voulait pervertir nos épouses, – dit l'autre émissaire, – en glorifiant l'adultère, puisqu'il a arraché une de ces indignes pécheresses au supplice qu'elle méritait!

      –Grâce au Seigneur, – ajouta un vendeur d'argent, – si ce Nazaréen est mis à mort, ce qui sera justice, nous pourrons aller rouvrir nos comptoirs sous la colonnade du Temple, dont ce profanateur et sa bande de vagabonds nous avaient chassés, et où nous n'osions retourner.

      –Combien nous étions fous de craindre son entourage de mendiants! – ajoutait un autre; – voyez si l'un d'eux a seulement osé se révolter pour défendre ce Nazaréen par le nom duquel ils juraient sans cesse… Lui qu'ils appelaient leur ami!

      –Qu'on en finisse donc avec cet abominable séditieux! Qu'on le crucifie, et qu'il n'en soit plus question!

      –Oui… oui, mort au Nazaréen! – criait la foule, parmi laquelle se trouvait Geneviève; et ce rassemblement, allant toujours grossissant, répétait, avec une fureur croissante, ces cris funestes:

      –Mort au Nazaréen!

      –Hélas! – se disait l'esclave, – est-il un sort plus affreux que celui de ce jeune homme, abandonné des pauvres qu'il chérissait, haï des riches auxquels il prêchait le renoncement et la charité! combien doit être profonde l'amertume de son coeur!

      Les miliciens, suivis de la foule, étaient arrivés en face de la maison de Ponce-Pilate; plusieurs princes des prêtres, docteurs de la loi, sénateurs et autres pharisiens, parmi lesquels se trouvaient Caïphe, le docteur Baruch et le banquier Jonas, avaient rejoint la troupe et marchaient à sa tête. L'un de ces pharisiens ayant crié:

      –Seigneurs, entrons chez Ponce-Pilate, afin qu'il condamne

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