Les mystères du peuple, Tome III. Эжен Сю

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Les mystères du peuple, Tome III - Эжен Сю

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le gouverneur est convaincu de l'innocence du jeune maître, – se disait Geneviève, – pourquoi le fait-il châtier?.. C'est à la fois lâche et cruel… Il espère peut-être calmer, par cette concession, la rage des ennemis de Jésus… Hélas! il s'est trompé; il ne les apaisera que par la mort de ce juste!..

      À peine Ponce-Pilate eut-il donné l'ordre de châtier le fils de Marie, que les miliciens s'en emparèrent, lui arrachèrent les derniers lambeaux de son manteau, le dépouillèrent de sa tunique de toile et de sa tunique de laine, qu'ils rabattirent sur sa ceinture de cuir, et mirent ainsi à nu le haut de son corps; puis ils le garrottèrent à l'une des colonnes qui ornaient la porte d'entrée de la maison du gouverneur romain.

      Jésus n'opposa aucune résistance, ne proféra pas une plainte, tourna vers la foule son céleste visage, et la contempla tristement sans paraître entendre les injures et les huées qui redoublèrent.

      On était allé quérir le bourreau de la ville pour battre Jésus de verges; aussi, en attendant la venue de l'exécuteur, les vociférations continuèrent, toujours excitées par les émissaires des pharisiens.

      –Ponce-Pilate espère nous satisfaire par le châtiment de ce maudit, mais il se trompe, – disaient les uns.

      –La coupable indulgence du gouverneur romain, – ajouta l'un des émissaires, – ne prouve que trop qu'il s'entend secrètement avec le Nazaréen…

      –Eh! mes amis… de quoi vous plaignez-vous? – disait un autre; – Ponce-Pilate nous donne plus que nous ne lui demandions: nous ne voulions que la mort du Nazaréen, et il sera châtié avant d'être mis à mort… Gloire au généreux Ponce-Pilate!..

      –Oui, oui! car il faudra bien qu'il le condamne… nous l'y forcerons…

      –Ah! voici le bourreau! – crièrent plusieurs voix; – voici le bourreau et son aide…

      Geneviève reconnut les deux mêmes hommes qui, trois jours auparavant, l'avaient battue à coupes de fouet chez son maître; elle ne put retenir ses larmes à cette pensée, que ce jeune homme, qui n'était qu'amour et miséricorde, allait subir l'ignominieux châtiment réservé aux esclaves.

      Les deux bourreaux portaient sous leur bras un paquet de baguettes de coudrier, longues, flexibles et grosses comme le pouce. Chacun des exécuteurs en prit une, et, à un signe de Caïphe, les coups commencèrent à pleuvoir, violents et rapides, sur les épaules du jeune maître de Nazareth… Lorsqu'une baguette était brisée, les bourreaux en prenaient une autre.

      D'abord Geneviève détourna la vue de ce cruel spectacle; mais elle fut forcée d'entendre les railleries féroces de la foule, qui devaient paraître au fils de Marie un supplice plus affreux que le supplice même.

      –Toi qui disais: Aimez-vous les uns les autres, Nazaréen maudit! – criaient les uns, – vois comme l'on t'aime!

      –Toi qui disais: Partagez votre pain et votre manteau avec qui n'a ni pain ni manteau, ces honnêtes bourreaux suivent tes préceptes, ils partagent fraternellement leurs baguettes pour les briser sur ton échine…

      –Toi qui disais: Qu'il était plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer au Paradis, ne trouves-tu pas qu'il te serait plus facile de passer par le trou d'une aiguille que d'échapper aux baguettes dont on caresse ton dos?

      –Toi qui glorifiais les vagabonds, les voleurs, les courtisanes, et autres gibiers de houssines, tu les aimais sans doute, ces scélérats, parce que tu savais devoir être un jour fouetté comme eux, ô grand prophète!..

      Geneviève, malgré sa répugnance à voir le supplice de Jésus, ne l'entendant pas pousser un cri ou une plainte, craignit qu'il ne se fût évanoui de douleur, et jeta sur lui les yeux avec angoisse.

      Hélas! ce fut pour elle un spectacle horrible.

      Le dos du jeune maître n'était qu'une large plaie saignante, interrompue çà et là par quelques sillons bleuâtres de meurtrissures… à ces endroits seulement la peau n'avait pas été enlevée. Jésus tournait la tête vers le ciel et fermait les yeux, pour échapper sans doute à la vision de cette foule impitoyable. Son visage, livide, baigné de sueur, trahissait une souffrance horrible à chaque nouvelle flagellation fouettant sa chair meurtrie à vif… Et pourtant, parfois, il essayait encore de sourire avec une résignation angélique!

      Les princes des prêtres, les docteurs de la loi, les sénateurs et tous ces méchants pharisiens, suivaient d'un regard triomphant et avide l'exécution du supplice… Parmi les plus acharnés à se repaître de cette torture, Geneviève remarqua le docteur Baruch, Caïphe et le banquier Jonas… Les bourreaux commençaient à se lasser de frapper; ils avaient brisé sur les épaules de Jésus presque toutes leurs baguettes; ils interrogèrent d'un coup d'oeil le docteur Baruch, comme pour lui demander s'il n'était pas temps de mettre fin au supplice; mais le docteur de la loi s'écria:

      –Non, non… usez jusqu'à la dernière de vos baguettes…

      L'ordre de pharisien fut exécuté… les dernières verges furent brisées sur les épaules du jeune maître, et éclaboussèrent de sang le visage des bourreaux… ce n'était plus la peau qu'ils flagellaient, mais une plaie saignante… Le martyre devint alors si atroce, que Jésus, malgré son courage, défaillit et laissa tomber sa tête appesantie sur son épaule gauche; ses genoux fléchirent, il fût tombé à terre sans les liens qui le garrottaient à la colonne par le milieu du corps.

      Ponce-Pilate, après avoir ordonné le châtiment, était rentré dans sa maison; il ressortit alors de chez lui, et fit signe aux bourreaux de délier le condamné… Ils le délièrent et le soutinrent; l'un d'eux lui jeta sur les épaules sa tunique de laine. Le contact de cette rude étoffe sur sa chair vive causa sans doute une nouvelle et si cruelle douleur à Jésus, qu'il tressaillit de tous ses membres. L'excès même de la souffrance le fit revenir à lui; il releva la tête, tâcha de se raffermir assez sur ses jambes pour n'avoir plus besoin du soutien des bourreaux, ouvrit les yeux et jeta sur la foule un regard miséricordieux…

      Ponce-Pilate, croyant avoir satisfait à la haine des pharisiens, dit à la foule, après avoir fait délier Jésus:

      «-Voilà l'homme 25…»

      Et il fit signe à ses officiers de rentrer dans sa maison; il se disposait à les suivre, lorsque le prince des prêtres, Caïphe, après s'être consulté à voix basse avec le docteur Baruch et le banquier Jonas, s'écria en arrêtant le gouverneur par sa robe, au moment où il rentrait chez lui:

      «-Seigneur Pilate, si vous délivrez Jésus, vous n'êtes pas ami de l'empereur; car le Nazaréen s'est dit roi, et quiconque se dit roi se déclare contre l'empereur 26

      –Ponce-Pilate va craindre de passer pour traître à son maître, l'empereur Tibère, – dit à son complice l'un des émissaires placés non loin de Geneviève. – Il sera forcé de livrer le Nazaréen.

      Puis ce méchant homme s'écria d'une voix éclatante:

      –Mort au Nazaréen! l'ennemi de l'empereur Tibère, le protecteur de la Judée!..

      –Oui, oui! – reprirent plusieurs voix, – le Nazaréen s'est dit roi des Juifs!

      –Il veut renverser la domination de l'empereur Tibère!

      –Il veut

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<p>25</p>

Évangile selon saint Jean, ch. XIX, v. 5.

<p>26</p>

Évangile selon saint Jean, ch. XIX, v. 12.