Les mystères du peuple, Tome III. Эжен Сю

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Les mystères du peuple, Tome III - Эжен Сю

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Jésus, baissant la tête sur sa poitrine, poursuivit péniblement sa marche au milieu du silence de stupeur et d'épouvante qui avait succédé à ses paroles prophétiques. Le cortége continuait de gravir la rue rapide qui conduit à la porte Judiciaire, sous laquelle on passe pour monter au Golgotha, colline située hors de la ville et au sommet de laquelle sont dressées les croix des suppliciés.

      Geneviève remarqua que la foule, d'abord si lâchement hostile à Jésus, commençait, à mesure qu'approchait l'heure du supplice, à s'émouvoir et à gémir sur le sort de la victime; ces malheureux comprenaient sans doute, mais, hélas! trop tard, qu'en laissant mettre à mort l'ami des pauvres et des affligés, non-seulement ils se privaient d'un défenseur, mais que, par leur honteuse ingratitude, ils glaceraient peut-être à l'avenir les âmes généreuses qui se seraient dévouées pour eux.

      Lorsque l'on eut passé sous la voûte de la porte Judiciaire, on commença de gravir la montée du Calvaire; cette pente était si rapide que souvent Simon, le Cyrénéen, toujours chargé de la croix de Jésus, fut obligé de s'arrêter, ainsi que le jeune maître lui-même… Celui-ci semblait avoir à peine conservé assez de forces pour pouvoir atteindre au sommet de cette colline aride, couverte de pierres roulantes, et où croissaient ça et là quelques buissons d'une pâle verdure… Le ciel s'était couvert de nuages épais, un jour sombre, lugubre, jetait sur toutes choses un voile de tristesse… Geneviève, à sa grande surprise, remarqua vers le sommet du Calvaire deux autres croix dressées en outre de celle qui devait être élevée pour Jésus. Dans son étonnement, elle s'informa à une personne de la foule, qui lui répondit:

      –Ces croix sont destinées à deux voleurs, qui doivent être crucifiés en même temps que le Nazaréen.

      –Et pourquoi supplicie-t-on ces voleurs en même temps que le jeune maître? – demanda l'esclave.

      –Parce que les pharisiens, hommes de justice, de sagesse et de piété, ont voulu que le Nazaréen fût accompagné jusqu'à la mort par ces misérables qu'il fréquentait durant sa vie.

      Geneviève se retourna pour savoir qui lui faisait cette réponse; elle reconnut un des deux émissaires.

      –Oh! les hommes impitoyables! – pensa l'esclave. – ils trouvent moyen d'outrager Jésus jusque dans sa mort.

      Lorsque les soldats romains qui escortaient le jeune maître arrivèrent, suivis de la foule de plus en plus silencieuse et attristée, au sommet du Calvaire, ainsi que le docteur Baruch, le banquier Jonas et le grand-prêtre Caïphe, tous trois jaloux d'assister à l'agonie et à la mort de leur victime, Geneviève aperçut les deux voleurs destinés au supplice, garrottés et entourés de gardes; ils étaient livides, et attendaient leur sort avec une terreur mêlée de rage impuissante.

      À un signe de l'officier romain, chef de l'escorte, les bourreaux ôtèrent les deux croix des trous où elles avaient été d'abord placées et dressées, les couchèrent par terre; puis, se saisissant des condamnés, malgré leurs cris, leurs blasphèmes et leur résistance désespérée, ils les dépouillèrent de leurs vêtements et les étendirent sur les croix; puis, tandis que des soldats les y maintenaient, les bourreaux, armés de longs clous et de lourds marteaux, clouaient sur la croix, par les pieds et par les mains, ces malheureux qui poussaient des hurlements de douleur. Par ce raffinement de barbarie on rendait le jeune maître de Nazareth témoin du sort qu'il allait bientôt subir lui-même; aussi, à la vue des souffrances de ces deux compagnons de supplice, Jésus ne put retenir ses larmes; puis il cacha son visage entre ses mains, pour échapper à cette pénible vision.

      Les deux voleurs crucifiés, on redressa leurs croix, sur lesquelles ils se tordaient en gémissant, elles furent enfoncées en terre et affermies au moyen de pierres et de pieux.

      –Allons, Nazaréen, – dit l'un des bourreaux à Jésus en s'approchant de lui, tenant d'une main son lourd marteau, de l'autre plusieurs grands clous, – allons, es-tu prêt? Va-t-il falloir user de violence envers toi comme envers tes deux compagnons?

      –De quoi se plaignent-ils? – répondit l'autre bourreau; – l'on est pourtant si à l'aise sur une croix… les bras étendus, comme un homme qui se détire après un long sommeil!..

      Jésus ne répondit pas; il se dépouilla de ses vêtements, se plaça lui-même sur l'instrument de son supplice, étendit ses bras en croix, et tourna vers le ciel ses yeux noyés de larmes…

      Geneviève vit alors les deux bourreaux s'agenouiller de chaque côté du jeune maître de Nazareth, et saisir leurs longs clous, leurs lourds marteaux… L'esclave ferma les yeux… mais elle entendit les coups sourds des marteaux faisant pénétrer les clous dans la chair vive, tandis que les deux voleurs crucifiés continuaient de pousser des hurlements de douleur… Le bruit des coups de marteau cessa; Geneviève ouvrit les yeux… La croix à laquelle on avait attaché le jeune maître de Nazareth venait d'être dressée et placée au milieu de celles des deux autres crucifiés.

      Jésus, le front couronné d'épines, ses longs cheveux blonds collés à ses tempes par une sueur mêlée de sang, la figure livide et empreinte d'une douleur effrayante, les lèvres bleuâtres, semblait au moment d'expirer; tout le poids de son corps pesant sur ses deux mains clouées à la croix, ainsi que ses pieds, et d'où le sang ruisselait, ses bras se raidissaient par de violents mouvements convulsifs, tandis que ses genoux à demi fléchis s'entre-choquaient de temps à autre.

      Alors Geneviève entendit la voix déjà presque agonisante des deux voleurs qui, s'adressant à Jésus, lui disaient:

      –Maudit sois-tu… Nazaréen! maudit sois-tu, toi, qui nous disais que les premiers seraient les derniers… et les derniers les premiers!.. nous voici crucifiés… que peux-tu faire pour nous?

      –Maudit sois-tu, toi, qui promettais la consolation aux affligés! – reprit l'autre voleur… – nous voici crucifiés, où est notre consolation?

      –Maudit sois-tu… toi qui nous disais que ceux-là seuls qui sont malades ont besoin de médecin!.. nous voici malades… où est le médecin?

      -Maudit sois-tu… toi qui nous disais que le bon pasteur abandonne son troupeau pour chercher une seule brebis égarée!.. nous sommes égarés, et toi, le bon pasteur, tu nous laisses aux mains des bouchers 43!

      Et ces misérables ne furent pas les seuls à insulter l'agonie de Jésus; car, chose horrible, à laquelle Geneviève, à l'heure où elle écrit ceci, peut à peine croire, le docteur Baruch, le banquier Jonas et Caïphe le prince des prêtres, se joignirent aux deux voleurs pour railler et outrager le jeune maître de Nazareth au moment où il allait rendre l'âme 44.

      –Oh! Jésus de Nazareth! Jésus le messie! Jésus le prophète! Jésus le sauveur du monde! – disait Caïphe en raillant, – comment n'as-tu pas prophétisé ton sort?.. Pourquoi ne commences-tu pas par te sauver toi-même, toi qui devais sauver le monde?

      –Tu te dis le fils de Dieu, ô Nazaréen le divin! – ajoutait le banquier Jonas; – nous croirons à ta céleste puissance si tu descends de ta croix… Nous ne te demandons que ce petit prodige!.. Voyons, fils de Dieu… descends! descends donc! Quoi! tu préfères rester cloué sur cette poutre, comme un oiseau de nuit à la porte d'une grange?.. Libre à toi… on pourra t'appeler Jésus le crucifié… mais jamais Jésus le fils de Dieu…

      –Tu te montrais si confiant dans le Seigneur! – ajouta le docteur Baruch; – appelle-le donc à ton secours! S'il te protége, si tu es véritablement son fils, que ne tonne-t-il contre nous, tes meurtriers? Que ne change-t-il cette croix en un buisson de roses, d'où tu t'élancerais

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<p>43</p>

«Et les deux voleurs crucifiés auprès de Jésus l'accablaient de railleries et de reproches.» (Évangile selon saint Matthieu, ch. XXVII, v. 46.)

<p>44</p>

«Les princes des prêtres, les docteurs de la loi et les sénateurs se moquaient de Jésus sur la croix en disant: Il a sauvé les autres et il ne peut pas se sauver lui-même.» Etc. (Évangile selon saint Matthieu, ch. XXVII, v. 40, 42.)