Le Rêve. Emile Zola
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– Mais sa femme lui jeta un coup d'œil mécontent. Elle devenait sévère.
– Ma fille, tu verras plus tard, tu connaîtras la vie.
– La vie, je la connais.
– Où aurais-tu pu la connaître?.. Tu es trop jeune, tu ignores le mal. Va, le mal existe, et tout-puissant.
– Le mal, le mal…
Angélique articulait lentement ce mot, pour en pénétrer le sens. Et, dans ses yeux purs, c'était la même surprise innocente.
Le mal, elle le connaissait bien, la Légende le lui avait assez montré. N'était-ce pas le diable, le mal? et n'avait-elle pas vu le diable toujours renaissant, mais toujours vaincu? À chaque bataille, il restait par terre; roué de coups, pitoyable.
– Le mal, ah! mère, si vous saviez comme je m'en moque!..
On n'a qu'à se vaincre, et l'on vit heureux.
Hubertine eut un geste d'inquiétude chagrine.
– Tu me ferais repentir de t'avoir élevée dans cette maison, seule avec nous, à l'écart de tous, ignorante à ce point de l'existence… Quel paradis rêves-tu donc? comment t'imagines-tu le monde?
La face de la jeune fille s'éclairait d'un vaste espoir, tandis que, penchée, elle menait la broche, du même mouvement continu.
– Vous me croyez donc bien sotte, mère?.. Le monde est plein de braves gens. Quand on est honnête et qu'on travaillé, on en est récompensé, toujours… Oh! je sais, il y a des méchants aussi, quelques-uns. Mais est-ce qu'ils comptent? On ne les fréquente pas, ils sont vite punis… Et puis, voyez-vous, le monde, ça me produit de loin l'effet d'un grand jardin, oui! d'un parc immense, tout plein de fleurs et de soleil. C'est si bon de vivre, la vie est si douce, qu'elle ne peut pas être mauvaise.
Elle s'animait, comme grisée par l'éclat des soies et de l'or.
– Le bonheur, c'est très simple. Nous sommes heureux, nous autres. Et pourquoi? parce que nous nous aimons. Voilà! ce n'est pas plus difficile… Aussi, vous verrez, quand viendra celui que j'attends. Nous nous reconnaîtrons tout de suite. Je ne l'ai jamais vu, mais je sais comment il doit être. Il entrera, il dira: Je viens te prendre. Alors, je dirai: Je t'attendais, prends-moi. Il me prendra, et ce sera fait, pour toujours. Nous irons dans un palais dormir sur un lit d'or, incrusté de diamants. Oh! c'est très simple!
– Tu es folle, tais-toi! interrompit sévèrement Hubertine.
Et, la voyant excitée, près de monter encore dans le rêve:
– Tais-toi! tu me fais trembler… Malheureuse, quand nous te marierons à quelque pauvre diable, tu te briseras les os, en retombant sur la terre. Le bonheur, pour nous misérables, n'est que dans l'humilité et l'obéissance.
Angélique continuait de sourire, avec une obstination tranquille.
– Je l'attends, et il viendra.
– Mais elle a raison! s'écria Hubert, soulevé lui aussi, emporté dans sa fièvre. Pourquoi la grondes-tu?.. Elle est assez belle pour qu'un roi nous la demande. Tout arrive.
Tristement, Hubertine leva sur lui ses beaux yeux de sagesse.
– Ne l'encourage donc pas à mal faire. Mieux que personne tu sais ce qu'il en coûte de céder à son cœur.
Il devint très pâle, de grosses larmes parurent au bord de ses paupières. Tout de suite, elle avait eu regret de la leçon, elle s'était levée pour lui prendre les mains. Mais, lui, se dégagea, répéta d'une voix bégayante:
– Non, non, j'ai eu tort. Tu entends, Angélique, il faut écouter ta mère. Nous sommes deux fous, elle seule est raisonnable…
J'ai eu tort, j'ai eu tort…
Trop agité pour s'asseoir, laissant la chape qu'il venait de tendre, il s'occupa à coller une bannière, terminée et restée sur le métier. Après avoir pris le pot de colle de Flandre dans le bahut, il enduisit au pinceau l'envers de l'étoffe, ce qui consolidait la broderie. Ses lèvres avaient gardé un petit frisson, il ne parla plus. Mais, si Angélique, obéissante, se taisait également, elle continuait tout bas, elle montait plus haut, plus haut encore, dans l'au-delà du désir; et tout le disait en elle, sa bouche que l'extase entrouvrait, ses yeux où se reflétait l'infini bleu de sa vision. Maintenant, ce rêve de fille pauvre, elle le brodait de son fil d'or; c'était de lui que naissaient, sur le satin blanc, et les grands lis, et les roses, et le chiffre de Marie. La tige du lis, en couchure chevronnée, avait l'élancement d'un jet de lumière, tandis que les feuilles longues et minces, faites de paillettes cousues chacune avec un brin de cannetille, retombaient en une pluie d'étoiles. Au centre, le chiffre de Marie était l'éblouissement, d'un relief d'or massif, ouvragé de guipure et de gaufrure, brûlant comme une gloire de tabernacle, dans l'incendie mystique de ses rayons. Et les roses de soies tendres vivaient, et la chasuble entière resplendissait, toute blanche, miraculeusement fleurie d'or.
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