Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6 - (G - H - I - J - K - L - M - N - O). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
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HOTEL-DIEU, s. m. Maison-Dieu, maladrerie, hospice, hôpital, léproserie. Rien n'établit que les anciens eussent des maisons de refuge pour les malades où ceux-ci pouvaient recevoir les soins des médecins et attendre leur guérison. À Athènes, les soldats mutilés étaient entretenus aux frais de la république 48; mais il n'est pas dit que ce secours fût autre chose qu'une pension; d'ailleurs ce fait ne paraît pas avoir existé dans les autres villes de la Grèce. À Sparte, après la bataille perdue par les Lacédémoniens contre Antigone, les maisons des citoyens furent ouvertes pour recevoir les blessés 49. Les Romains, en campagne, avaient des espaces réservés aux hommes et aux chevaux malades; mais aucun auteur ne signale, ni à Rome ni dans les villes de l'Empire, des hôpitaux destinés soit aux soldats blessés, soit aux pauvres malades. Saint Jérôme, le premier, parle d'une certaine Fabiola, dame romaine fort riche, qui fonda, vers l'an 380, un hôpital dans lequel on recevait les malades, jusqu'alors gisant abandonnés dans les rues et sur les places publiques. Dans les premiers temps du moyen âge, en effet, dans les villes de l'Italie, de la France, de l'Allemagne, il se fait de nombreuses fondations pour soigner et loger les malades, les voyageurs, les pauvres. Dans l'origine, ces fondations consistent en l'abandon d'une maison, d'un local, avec une rente perpétuelle. Naturellement, les établissements religieux réguliers, les chapitres, les paroisses même, étaient les conservateurs de la fondation. «La plus ancienne mention, peut-être, de l'Hôtel-Dieu de Paris remonte, dit M. Guérard dans sa préface aux cartulaires de l'église Notre-Dame de Paris 50, à l'année 829.» Du Breul 51 admet que cet établissement fut fondé par saint Landry, vingt-huitième évêque de Paris, vers l'an 660. Guillaume de Nangis dit, dans la Vie du roi saint Louis, que ce prince l'augmenta considérablement en 1258. Lebeuf 52 prétend que cet hôpital portait encore le nom de Saint-Christophe dans le Xe siècle; il ne trouve point de preuves que saint Landry ait établi proche de la cathédrale une maladrerie ou un Hôtel-Dieu. «On doit distinguer, dit-il, entre un Hôpital, un Hôtel-Dieu ou une Maladrerie. J'ai beaucoup de peine à croire que les Maladreries ayent été originairement proche les cathédrales qui étoient bâties dans l'intérieur des cités. Pour ce qui est des indigens qui ne faisoient que passer, j'avoue qu'on a pu leur donner l'hospitalité dans ce quartier-là sous la seconde race de nos rois... Peut-être, ajoute-t-il, qu'avec de plus profondes recherches on trouveroit l'époque du changement de l'hôpital ou maison de l'hospitalité de cette cathédrale en Maladrerie ou Hôtel-Dieu.» En 1168, sous l'épiscopat de Maurice de Sully, le nombre des lits fut augmenté par suite d'un statut du chapitre de Notre-Dame. Il fut décidé que tous les chanoines qui viendraient à mourir ou qui quitteraient lenr prébende donneraient à cet hôpital un lit garni. Trente ans après ce règlement, Adam, clerc du roi Philippe Auguste, fit don à l'Hôtel-Dieu de deux maisons dans Paris, afin que, sur le revenu de ces maisons, le jour de son anniversaire, on fournirait aux malades «tout ce qu'il leur viendroit dans la pensée de vouloir manger.»
Pendant les XIe, XIIe et XIIIe siècles, il est fondé une quantité prodigieuse d'hospices; presque toutes les abbayes avaient un hôpital dans leur enceinte. De plus, on fonda un grand nombre de léproseries hors les villes. «La maison de Saint-Lazare, dit Lebeuf 53, ne doit être considérée que comme une célèbre Léproserie. Autant la ville de Paris étoit fameuse, autant sa Léproserie l'étoit en son espèce. Ce fut dans le XIIe siècle que l'on commença à avoir une attention plus singulière de séparer les lépreux d'avec le reste du peuple: de là l'époque de l'origine de toutes ces maladreries du titre de Saint-Lazare, dont on voit encore des restes proche une infinité de bourgs et de villages du royaume... Dès le règne de Louis le Jeune, il y avoit entre Paris et Saint-Denis un hôpital de lépreux, qui consistoit en un assemblage de plusieurs cabanes où ils étoient renfermés. Odon de Dueil, moine de Saint-Denis, écrit qu'il fut témoin, comme, en l'an 1147, le mercredi onzième de juin, ce même roi, venant prendre l'étendard à Saint-Denis avant de partir pour la croisade, entra dans cet hôpital situé sur sa route, et prit la peine d'y rendre visite aux lépreux dans leurs cellules, accompagné seulement de deux personnes.» Cette célèbre léproserie, dès la fin du XIIe siècle, était gouvernée par des religieux de l'ordre de Saint-Augustin. Les léproseries étaient au nombre de 2,000 dans les États du roi de France, au XIIIe siècle, ainsi que le prouve une donation faite par Louis VIII, dans son testament du mois de juin 1225 54. Nous ne chercherons pas à établir si la lèpre fut importée en France par les croisés revenus de Palestine, ou si, comme le prétendent quelques auteurs, cette maladie existait déjà, dès l'époque celtique, sur le sol occidental de l'Europe 55. Ce qu'il est difficile de nier, c'est que cette maladie, ou une maladie certainement analogue, qui était ou que l'on croyait contagieuse, existait sur toute la surface de l'Europe au XIIe siècle, même dans les contrées qui n'avaient envoyé personne en Palestine, puisque, d'après Mathieu Pâris, on ne comptait pas moins de 19,000 léproseries en France, en Allemagne, en Angleterre, en Italie, en Espagne, en Brabant, en Suisse, en Hongrie, en Pologne, en Bohême et dans les États du Danemark. Ces établissements, situés hors des villes, ainsi que nous venons de le dire, consistaient en une enceinte dans laquelle s'élevaient des cellules assez semblables à celles des chartreux, avec une chapelle commune. Les religieux qui avaient cure du temporel et du spirituel des léproseries logeaient dans des bâtiments voisins de l'église.
Il est clair que les dispositions architectoniques n'avaient rien à voir dans ces enclos parsemés de cabanes. Il n'en est pas de même pour les hôpitaux. Il nous reste, de l'époque du moyen âge et particulièrement des XIIe et XIIIe siècles, d'admirables bâtiments affectés aux malades recueillis dans les monastères, dans le voisinage des cathédrales, ou même dans des cités florissantes. Chaque monastère possédait son aumônerie, c'est-à-dire un personnel chargé d'exercer l'hospitalité. Pendant le moyen âge, l'hospitalité était obligatoire. Dès l'époque carlovingienne, il existait des impôts destinés à secourir les pauvres, les pèlerins, les malades. Charlemagne avait, dans ses ordonnances et capitulaires, recommandé à ses sujets d'offrir l'hospitalité, et «il n'était pas permis alors de refuser aux voyageurs le couvert, le feu et l'eau 56.» Les communes rivalisèrent avec les rois, les seigneurs et les simples particuliers, dans ces oeuvres de bienfaisance. Beaucoup de villes établirent des hospices, à leurs dépens, soit dans des bâtiments neufs, soit dans des édifices abandonnés que l'on faisait restaurer en vue de cette destination. Des hospices furent même bâtis dans des lieux isolés pour servir de refuges aux voyageurs et les garantir contre les voleurs qui infestaient les routes; ces bâtiments étaient souvent fondés par des cénobites et sous la garde de religieux. Les villes étant habituellement fermées le soir, les voyageurs attardés étaient contraints de passer la nuit à la belle étoile; des maisons de refuge, sortes de caravansérails gratuits, s'élevèrent non loin des portes. «En 1202, deux nobles allemands voulurent remédier à ce grave inconvénient, et firent construire un hospice hors la porte de Saint-Denis à Paris. Un emplacement d'une contenance de deux arpents fut promptement couvert de bâtiments. Une grande salle en pierre de taille, élevée au milieu du sol au moyen d'arcades formées à croix d'osier, y fut construite pour y coucher les pauvres;
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Plutarque, l'
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Justin,
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«Art. 13. Donamus et legamus duobus millibus domorum leprosorum decem millia librarum, videlicet cuilibet earum centum solidos.»
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Voy. le curieux ouvrage de M. Labourt,
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Voy.