Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6 - (G - H - I - J - K - L - M - N - O). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
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On comprendra que parmi tant d'édifices élevés sous l'inspiration d'une charité vive et voulant immédiatement porter remède au mal, beaucoup n'étaient que des bicoques, des maisons que l'on appropriait tant bien que mal au service des pauvres et des malades; car nombre de ces hospices se composaient d'une maison donnée par un simple bourgeois, avec une rente à prendre sur son bien. Peu à peu ces modestes donations s'étendaient, s'enrichissaient par les quêtes et devenaient des établissements importants. Cependant il nous reste encore quelques hôpitaux du moyen âge qui, au point de vue de l'art, sont remarquables. Bien bâtis, bien aérés, spacieux, ils ont aussi cet avantage, sur les constructions analogues que nous élevons aujourd'hui généralement, de laisser à l'art une large place, de ne point attrister les malades par cet aspect froid et désolé qui caractérise de notre temps (sauf de rares exceptions) les édifices publics de charité 58.
Parmi les hôpitaux les plus anciens qui existent encore en France, il faut citer l'Hôtel-Dieu de Chartres, situé près de la cathédrale, et l'hôpital d'Angers. Ce dernier surtout est remarquable par son étendue et par les services qui l'entourent. En voici le plan (1).
Il se compose d'une grande salle à trois nefs A, précédée d'un cloître, d'une chapelle voisine B, de logements, dénaturés aujourd'hui, et d'un vaste magasin ou grenier C, propre à renfermer des provisions de toutes natures. La construction de cet établissement date de 1153. La chapelle est un peu plus moderne (1184). C'est aussi vers cette dernière époque que fut élevé le grand bâtiment aux provisions.
La fig. 2 présente la coupe transversale de la grande salle, dans laquelle quatre rangées de lits peuvent facilement trouver place. La construction de ces bâtiments est excellente, traitée avec soin, les chapiteaux des piliers d'un excellent style. Le bâtiment des provisions est un édifice remarquable par ses dispositions et ses détails 59.
L'Hôtel-Dieu de Chartres date à peu près de la même époque et consiste aujourd'hui en une grande salle à trois nefs, séparées par deux rangs de colonnes et portant des charpentes lambrissées. Au fond, trois voûtes en pierre ferment les trois dernières travées. C'est une disposition analogue à celle de l'hôpital d'Angers, et qui paraît avoir été généralement suivie pendant les XIIe et XIIIe siècles.
Dans les bâtiments abbatiaux de Saint-Jean-des-Vignes de Soissons et d'Ourscamp, on voit encore de belles salles qui ont été affectées aux malades. La salle dite des Morts, à Ourscamp, est, entre toutes ces constructions hospitalières, la plus belle et la mieux entendue. C'est toujours un grand vaisseau divisé en trois nefs, celle du milieu plus large que les deux autres; le tout est couvert par des voûtes d'arête et un vaste grenier.
La fig. 3 présente le plan de cette salle avec son annexe, qui servait probablement de cuisine et de laboratoire; la fig. 4 la coupe transversale de la grande salle des malades, et la fig. 5 une de ses travées.
On observera que les fenêtres sont disposées de manière à donner beaucoup de jour à l'intérieur, celles du haut étant à vitrages fixes et celles du bas pouvant s'ouvrir pour aérer la salle. Suivant la disposition généralement adoptée à cette époque, il devait y avoir quatre rangées de lits disposés ainsi que l'indique notre plan en A; la salle pouvait en contenir facilement cent. Le long du mur, au droit des colonnes, sont percées de petites niches à hauteur de la main, pour déposer les boissons ou les pansements des malades. Une grande cheminée, s'ouvrant contre le pignon B, permettait d'assainir et de réchauffer ce vaste intérieur 60. Le bâtiment et son annexe sont isolés. Le pignon G seul est rapproché des bras de croix de l'église, à laquelle on pouvait probablement communiquer par le petit passage H. Toute la construction date des premières années du XIIIe siècle; et l'intérieur était peint de joints rouges avec archivoltes festonnées en petites arcatures.
À l'article CONSTRUCTION, fig. 123 et suivantes, nous avons donné un bâtiment dépendant de l'abbaye Sainte-Marie de Breteuil, dont une partie servait d'hospice pour les pauvres. Presque toutes les abbayes possédaient ainsi des bâtiments assez vastes pour donner asile aux voyageurs, ou même de véritables hôpitaux, comme cette grande salle d'Ourscamp 61.
La ville de Tonnerre possédait, au XIe siècle déjà, un Hôtel-Dieu situé, suivant l'usage, à côté de l'église Notre-Dame, qui servait de chapelle à cet établissement; un autre hôpital, également de la même époque, existait dans le faubourg de Bourberault. «Les dépendances de cet hôpital, dit M. Camille Dormois 62, ne consistaient qu'en une petite chapelle obscure, une très-petite maison et un jardin.» En 1204, Eudes III, duc de Bourgogne, fonda, dans la même ville, l'hôpital du Saint-Esprit; mais Marguerite de Bourgogne, belle-soeur de saint Louis, reine de Sicile, voulut doter la ville de Tonnerre d'un hôpital magnifique. En 1293, elle acheta un vaste clos près d'une source appelée Fontenille, le long de l'Armençon et des murs de la ville. Dans l'acte de fondation, il est dit que les pauvres seront hébergés dans l'établissement, les convalescents nourris sept jours et renvoyés avec chemise, cotte et soulier; qu'une chapelle sera bâtie avec quatre autels; que les frères et soeurs, au nombre de vingt, chargés des soins intérieurs, auront pour mission de donner à manger et à boire à ceux qui auront faim et soif, de recevoir les étrangers et pèlerins et de les héberger, de vêtir les pauvres, de visiter les malades, de consoler les prisonniers et d'ensevelir les morts; que les frères et soeurs auront des dortoirs et réfectoires
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Il faut reconnaître que depuis peu on a fait chez nous de grands progrès en ce genre. L'hospice de Charenton, ceux de Vincennes et du Vézinet, sont non-seulement parfaitement appropriés à leur destination; mais ce sont aussi, comme oeuvres d'architecture, des édifices faits pour donner aux malades des idées plutôt agréables que tristes.
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Voy. l'
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Voy., pour de plus amples détails, les gravures des
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L'abbaye d'Ourscamp appartient aujourd'hui à M. Peigné-Delacour, qui, heureusement, conserve avec un soin particulier ces restes remarquables.
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