Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6 - (G - H - I - J - K - L - M - N - O). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc

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Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6 - (G - H - I - J - K - L - M - N - O) - Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc

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mourut, en 1308, les bâtiments et leurs dépendances étaient complétés depuis longtemps. Il nous reste de cet hôpital la grande salle et quelques dépendances, et nos lecteurs ne nous sauront pas mauvais gré probablement de leur donner un ensemble ainsi que des détails de la partie principale de cette grande salle, en même temps chapelle et hospice.

      La figure 6 présente le plan à l'échelle de 0,001m pour mètre. En A est la grande salle, autrefois précédée d'un porche B avec escalier, dont nous allons indiquer la destination. Cette salle contenait quarante cellules de boiseries, sortes d'alcôves dans chacune desquelles était placé un lit (voir en C). En D était un autel principal sous une voûte, et en F deux chapelles également voûtées. Le tombeau de la fondatrice était en E, et se composait d'une figure de bronze couchée sur un sarcophage. La sacristie des chapelles était en G. En H, un jubé, posé devant le choeur, mettait en communication deux galeries latérales qui, établissant une circulation continue au-dessus des alcôves, permettaient d'ouvrir les fenêtres et de surveiller l'intérieur des cellules. On pouvait monter à ces galeries par l'escalier latéral du porche 63 et par un escalier I qui était mis en communication avec une galerie réunissant le logis L de la reine à la grande salle. De ses appartements, situés au premier étage de ce logis, cette princesse pouvait ainsi, soit descendre dans la salle, soit inspecter les cellules en se promenant sur la galerie qu'elles portaient. En Z était une petite chapelle. Les bâtiments de service de l'hôpital sont situés en K et la cuisine en M. On communiquait de ces bâtiments avec la salle au moyen d'une autre galerie N aboutissant à une petite porte. La voie publique passe en O. En P était le cimetière; en J, le jardin de la reine, borné par la muraille de la ville et par le ruisseau de Fontenille. En R, un lavoir; en V, un bras de l'Armençon, et en S le prieuré. Deux canaux souterrains passant des deux côtés de la grande salle entraînaient dans la rivière les vidanges de l'établissement. Outre les murailles de la ville, des remparts entouraient les autres parties du clos. En X était un puits public.

      La fig. 7 donne la coupe transversale de ce magnifique vaisseau, qui n'a pas moins de 18m,60 de largeur dans oeuvre sur 88m,00 de long depuis le porche jusqu'au sanctuaire. La coupe (fig. 7) montre, en A, les alcôves avec la galerie supérieure B, passant par-dessus le jubé. On aperçoit au fond les trois absides. La charpente en chêne, bien conservée, nous donne des bois d'une longueur extraordinaire; les entraits, d'un seul morceau, ont 21m,40; les arbalétriers et chevrons portant ferme, 19m,00. Elle est entièrement lambrissée en berceau plein cintre légèrement surbaissé à l'intérieur. En C, nous avons tracé l'un des chevrons portant ferme, et en D une coupe d'une travée de charpente avec le lambrissage et les ventilateurs E, de 0m,10 d'ouverture. Les fenêtres latérales, à meneaux, sont disposées pour pouvoir être ouvertes du bas jusqu'à la naissance des tiers-points, et des marches, ménagées dans l'appui, permettent de tirer les targettes. Ce vaisseau, qui existe à peu près intact, sauf le porche, produit un grand effet. C'est un des plus beaux exemples de l'architecture civile de la fin du XIIIe siècle; il n'a pas moins fallu que toute l'insistance de la Commission des monuments historiques pour obtenir de la ville de Tonnerre sa conservation. Pourquoi la ville de Tonnerre voulait-elle démolir cet édifice? C'est ce qu'on aurait beaucoup de peine à savoir probablement. Pourquoi la ville d'Orléans a-t-elle démoli son ancien Hôtel-Dieu, l'un des plus beaux édifices de la Renaissance? Combien de villes se sont ainsi, sans raison sérieuse, dépouillées des monuments qui constataient leur ancienneté, qui leur donnaient un intérêt particulier et qui retenaient des étrangers dans leurs murs! Beaucoup regrettent, un peu tardivement, ces actes de vandalisme, et s'étonnent de ce que les voyageurs passent indifférents au milieu de leurs rues neuves, n'accordant pas même un regard au frontispice à colonnes du palais de justice, ou à la façade de l'hôpital nouveau que l'on confond volontiers avec une caserne.

      La disposition des lits de l'hôpital de Tonnerre, logés chacun dans une cellule avec galerie de service supérieure, mérite de fixer notre attention. Chaque malade, en étant soumis à une surveillance d'autant plus facile qu'elle s'exerçait de la galerie, se trouvait posséder une véritable chambre. Il profitait du cube d'air énorme que contient la salle et recevait du jour par les fenêtres latérales; sa tête étant placée du côté du mur et abritée par la saillie du balcon, il ne pouvait être fatigué par l'éclat de la lumière. On objectera peut-être que la ventilation de ces cellules était imparfaite; mais la salle ne contenant que quarante lits, les fenêtres latérales pouvant être ouvertes, et le vaisseau étant fort élevé, ventilé par les trous percés dans le lambrissage de la charpente, on peut admettre que les conditions de salubrité étaient bonnes.

      Pour faire saisir à nos lecteurs la disposition des cellules et des galeries de surveillance, nous présentons(8) une vue perspective d'une des travées de la salle.

      Les fenêtres de la galerie étaient garnies de vitraux en grisaille, celles du sanctuaire en vitraux colorés. Une longue flèche en charpente surmontait ce sanctuaire; elle était couverte de plomberie peinte et dorée, et ne fut détruite qu'en 1793. Toute la charpente de la salle est couverte en tuiles vernies avec faîtières en terre cuite émaillée.

      Par l'escalier carré pratiqué vers le nord, à côté de l'une des deux chapelles du chevet, on arrivait à une salle voûtée bâtie au-dessus de cette chapelle, et servant autrefois, comme encore aujourd'hui, de trésor et de chartrier. Le tympan de la porte principale s'ouvrant sous le porche du côté de la rue était décoré d'un bas-relief représentant le Jugement dernier, dont il existe encore quelques fragments 64.

      Tous ceux qui s'intéressent quelque peu à nos anciens édifices ont visité le charmant Hôtel-Dieu de Beaune, fondé en 1443 par Nicolas Rolin, chancelier du duc de Bourgogne. Cet établissement est à peu près tel que le XVe siècle nous l'a laissé, bien qu'il soit construit, en grande partie, en bois. Il se compose de trois corps de logis élevés autour d'une cour quadrangulaire. Dans le bâtiment qui donne sur la rue est placée la grande salle, avec sa chapelle à l'extrémité, la porterie et quelques pièces voûtées destinées aux provisions. Les deux autres corps de logis, devant lesquels passe une galerie à deux étages, contiennent le noviciat des soeurs, trois salles, la cuisine et la pharmacie. De grands gâbles en charpente, vitrés, donnent du jour dans les salles par-dessus les galeries du dehors, tandis que l'aération se fait par les galeries mêmes et par les faces opposées (voy. l'Architecture civile et domestique de MM. Verdier et Cattois, t. I). La cour de cet établissement, d'un aspect riant, bien proportionnée, contenant encore son puits du XVe siècle, son lavoir et sa chaire, donnerait presque envie de tomber malade à Beaune. La porte sur la rue est protégée par un auvent en charpente couvert en ardoise (voy. AUVENT).

      Nous donnons (9) le plan de l'Hôtel-Dieu de Beaune, et (10) la vue de l'angle de la cour du côté de l'escalier principal desservant les deux étages. En A (voy. le plan) est l'entrée; en B, un passage de service; en C, la grande salle lambrissée 65 avec sa chapelle D, maintenant séparée de la salle; en E, le réfectoire des soeurs et le salon de la supérieure; en F, les salles aux provisions; en G, le noviciat des soeurs; en H, des salles de malades; en I, un passage donnant sur un jardin; en K, la cuisine, et en L la pharmacie; le puits est placé en O, la chaire en M, et le lavoir en P.

      Examinons maintenant un de ces établissements plus modestes qui, éloignés des grands centres, voisins de quelque abbaye ou de quelque prieuré, étaient si fort répandus sur le sol français au moyen âge. Entrons dans la maladrerie dite du Tortoir, non loin de la route qui mène de Laon à la

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<p>63</p>

Les comptes de 1556, d'après l'excellent travail de M. C. Dormois cité plus haut, présentent des dépenses occasionnées par la réfection de l'une de ces galeries.

«Payé à Jehan Desmaisons, charpentier, la somme de 91 liv. 40 s. pour la fasson de la grande gallery dudit hospital, contenant 20 toises de long et 2 de large... À Nicolas..., maçon, pour avoir fait la massonnerie pour soutenir les poteaux d'icelle gallery... À Jehan et Pierre les Mathieux, couvreurs, la somme de 8 liv. 13 s. pour avoir couvert l'escalier de la d. gallery... À Jehan, marchand,... pour ferrer les portes de l'hospital et les chevrons de la grande gallery,...» etc.

<p>64</p>

C'est à M. Lefort, architecte à Sens, que nous devons un relevé minutieux de cette grande salle de l'hôpital de Tonnerre. M. Lefort a eu l'obligeance de mettre tous ses dessins à notre disposition.

<p>65</p>

Un plafond a été établi sous la voûte en bardeau et a détruit l'aspect grandiose de cette salle.