Les mystères d'Udolphe. Анна Радклиф

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Les mystères d'Udolphe - Анна Радклиф

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et la variété des plantes aromatiques le chargeaient des plus doux parfums.

      Le brouillard léger qui voilait les objets environnants disparut peu à peu, et permit à Emilie de contempler les progrès du jour. Les reflets incertains de l'aurore colorant les pointes des rochers, les revêtirent successivement d'une vive lumière, tandis que leur base et les fonds de la vallée restaient couverts d'une vapeur sombre. Pendant ce temps, les nuages de l'orient éclaircirent leurs nuances, rougirent, brillèrent enfin de mille couleurs. La transparence des airs découvrit des flots d'or pur, des rayons éclatants chassèrent l'obscurité, pénétrèrent au fond du vallon et se répétèrent dans son ruisseau: la nature s'éveillait de la mort à la vie. Saint-Aubert se sentit ranimé, son cœur était plein; il versa des larmes et éleva ses pensées vers le créateur de toutes choses.

      Emilie voulut descendre et fouler ce gazon tout humide de rosée; elle voulait goûter cette liberté dont le chamois semblait jouir sur la crête brune de ces montagnes. Valancourt s'arrêtait avec les voyageurs, et leur montrait avec sentiment les objets particuliers de son admiration. Saint-Aubert s'attachait à lui. Le jeune homme est ardent, il est bon, se disait-il; on voit bien qu'il n'a jamais habité Paris.

      Ce ne fut pas sans chagrin qu'il se vit arrivé à l'endroit où les deux chemins se rencontraient: il prit congé de lui avec plus d'affection qu'une si nouvelle connaissance ne le permet ordinairement. Valancourt causa longtemps près de la voiture; il était au moment de s'en aller, et pourtant il restait encore; il cherchait des sujets d'entretien qui l'excusassent de le prolonger. A la fin il prit congé, et quand il partit, Saint-Aubert observa de quel air attentif et occupé il contemplait Emilie; elle le salua avec une douceur timide, la voiture partit. Mais Saint-Aubert, bientôt après s'avançant à la portière, aperçut Valancourt immobile sur la route, les bras croisés sur son bâton, et regardant aller la voiture; il salua de la main, et Valancourt sortant de sa rêverie, rendit le salut et s'éloigna.

      L'aspect du pays changea bientôt. Les voyageurs se virent alors au milieu de montagnes à pic, et couvertes jusqu'en haut de noires forêts de sapins. Des flèches de granit, s'élançant du vallon même, allaient cacher au sein des nues leurs pointes couvertes de neige. Le ruisseau, devenu une rivière, coulait doucement et en silence, et ses noires forêts se réfléchissaient dans ses eaux limpides. Par intervalles un roc sourcilleux relevait son front hardi au-dessus des bois et des vapeurs qui servaient de ceinture aux montagnes; quelquefois une aiguille de marbre se soutenait perpendiculairement au bord des eaux; un mélèse colossal la serrait de ses bras vigoureux, et son front sillonné de la foudre était encore couronné de pampres.

      Quand la voiture marchait doucement, et se frayait des routes nouvelles, Saint-Aubert descendait et cherchait les plantes curieuses dont ce lieu était semé; et Emilie, dans l'exaltation de l'enthousiasme, s'enfonçait dans l'épaisseur des bois, et prêtait l'oreille en silence à leur imposant murmure.

      On ne vit, durant plusieurs lieues, ni village, ni même de hameau; quelques cabanes de chasseurs étaient la seule trace d'habitation humaine. Les voyageurs dînèrent en plein air, dans une jolie partie de la vallée, et placés à l'ombre des hêtres. Bientôt après ils partirent pour Beaujeu.

      La route montait sensiblement; et laissant les pins au-dessous d'eux, ils se trouvèrent au milieu des précipices. Le crépuscule du soir ajoutait à l'horreur du site, et les voyageurs ignoraient l'éloignement de Beaujeu. Saint-Aubert, néanmoins, ne croyait pas la distance considérable, et se félicitait de n'avoir plus, au delà de Beaujeu, à franchir de pareils déserts. Les bois, les rocs, les montagnes, se confondaient peu à peu dans l'obscurité, et bientôt il ne fut plus possible de distinguer ces images confuses. Michel avançait avec précaution; à peine il distinguait la route, mais ses mules plus habiles cheminaient encore d'un pas sûr.

      En tournant l'angle d'une montagne, une lumière parut; les rocs et l'horizon furent éclairés à une grande distance. Il était sûr que c'était un grand feu, mais rien n'indiquait qu'il était accidentel, ou préparé. Saint-Aubert le crut allumé par quelque troupe de ces bandits qui infestent les Pyrénées; il était attentif, et désirait savoir si la route passait près de ce feu. Il avait des armes qui pouvaient le défendre au besoin; mais qu'était-ce qu'une si faible ressource contre une bande de voleurs aussi déterminés? Il réfléchissait à ce sujet, quand une voix s'éleva derrière eux, et commanda au muletier d'arrêter. Saint-Aubert lui ordonna d'avancer plus vite; mais soit par l'entêtement de Michel, soit par celui des mules, elles ne se pressèrent pas davantage: on entendit les pieds d'un cheval, un homme atteignit la voiture, et commanda qu'on arrêtât. Saint-Aubert ne doutant plus de son dessein, arma son pistolet et tira par la portière: l'homme chancela sur son cheval, le bruit du coup fut suivi d'un gémissement, et l'on peut imaginer l'effroi de Saint-Aubert, qui crut reconnaître alors la voix plaintive de Valancourt. Il fit arrêter lui-même, prononça le nom de Valancourt, et ne put conserver aucun doute. Saint-Aubert courut à son secours. Il était encore sur son cheval; son sang coulait en abondance; il paraissait souffrir beaucoup, quoiqu'il cherchât à consoler Saint-Aubert en l'assurant que ce n'était rien, et qu'il n'était blessé qu'au bras. Saint-Aubert et le muletier le descendirent de cheval et le posèrent à terre; Saint-Aubert voulut bander sa blessure, mais ses mains tremblaient tellement qu'il n'y put réussir. Michel poursuivait le cheval, qui s'était échappé en perdant son maître; il appela Emilie. Ne recevant point de réponse, il courut à la voiture, et la trouva sans connaissance. Dans cette affreuse position, et pressé par la douleur de laisser Valancourt perdre son sang, il s'efforça de la soulever; il appela Michel, et lui demanda de l'eau du ruisseau qui bordait la route. Michel avait couru trop loin; mais Valancourt entendant le nom d'Emilie, comprit son accident, et s'oubliant presque lui-même, vint aussitôt à son secours: déjà elle était revenue quand il fut auprès d'elle; il sut que sa crainte pour lui avait causé cet accident, et d'une voix troublée par un autre sentiment que celui de la douleur, il l'assura que sa blessure était peu de chose. Saint-Aubert s'aperçut alors que pourtant elle saignait encore: ses alarmes changèrent d'objet, il déchira son linge pour lui faire un bandage. Le sang fut arrêté; mais Saint-Aubert redoutant les suites, demanda plusieurs fois si l'on était bien loin de Beaujeu: il apprit qu'on avait encore deux lieues; sa frayeur augmenta. Il ignorait comment Valancourt pourrait supporter la voiture, et le voyait tout prêt à s'évanouir. A peine Valancourt eut-il connu son inquiétude, qu'il s'empressa de le rassurer; il parla de son accident comme d'une bagatelle. Le muletier avait ramené le cheval; il plaça Valancourt dans la voiture; Emilie s'était remise, et l'on reprit le chemin de Beaujeu.

      Le blessé.

      Saint-Aubert, revenu de sa terreur, exprima sa surprise sur la rencontre de Valancourt; mais celui-ci la fit cesser. Vous avez, monsieur, lui dit-il, renouvelé mon goût pour la société: depuis que vous l'avez quitté, mon hameau me semble un désert; et puisqu'en voyageant le plaisir est mon unique but, je me suis déterminé à partir sur-le-champ. J'ai pris cette route parce que je la savais plus agréable que toute autre; et, d'ailleurs, ajouta-t-il en hésitant un peu, je l'avouerai (pourquoi ne l'avouerais-je pas?), j'avais quelque espoir de vous rejoindre.

      –J'ai cruellement répondu à votre honnêteté, dit Saint-Aubert, qui déplorait sa précipitation, et lui en expliquait la cause. Mais Valancourt, soigneux d'éviter à ses compagnons la moindre peine à son sujet, surmonta l'angoisse qu'il éprouvait, et soutint gaiement l'entretien. Emilie gardait le silence, à moins que Valancourt ne lui adressât directement la parole, et le ton ému dont il le faisait suffisait seul pour exprimer beaucoup.

      Ils étaient alors près de ce feu qui tranchait si vivement sur les ombres de la nuit; il éclairait alors toute la route, et l'on pouvait aisément distinguer les figures qui l'entouraient. Ils reconnurent, en s'approchant, une bande de ces bohémiens qui, particulièrement à cette époque, fréquentaient les Pyrénées, et pillaient le voyageur. Emilie ne remarqua pas sans effroi l'air farouche de cette compagnie, et le feu qui les découvrait, répandant

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