Correspondance, 1812-1876. Tome 1. Жорж Санд

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Correspondance, 1812-1876. Tome 1 - Жорж Санд

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présente ses tendres hommages, et moi je vous prie de penser un peu à nous quand le printemps reviendra.

      Donnez-nous de vos nouvelles, chère maman, et recevez mes embrassements.

      VIII

      A MADAME LA BARONNE DUDEVANT EN SA TERRE DE POMPIEY, PAR LE PORT-SAINTE-MARIE (LOT-ET-GARONNE)

      Nohant, 30 avril 1826.

      Nous avons reçu votre bonne lettre, chère madame, et appris avec chagrin le triste événement22 qui vient encore de vous environner de tristesse et de réveiller celle, déjà si profonde, que vous éprouviez.

      Nous apprécions et nous sentons votre douloureuse et triste situation avec la crainte amère de ne pouvoir l'adoucir, puisque rien ne saurait remplacer ce que vous avez perdu et que nulle consolation ne peut arriver, je le sens, jusqu'à votre coeur brisé. C'est en vous-même, c'est dans cette force morale que vous possédez, ou plutôt c'est dans la profondeur de votre mal, que vous trouvez le moyen de le supporter. Si j'ai bien compris votre souffrance, nulle distraction, nul témoignage d'intérêt ne sont assez puissants pour vous apporter un instant d'oubli. Vous les recevez avec douceur et bonté, mais ils ne sauraient vous faire un bien véritable.

      Ce sont vos tristes pensées qui seules vous font jouir d'un triste plaisir. Plus vous les sondez, moins elles doivent vous paraître amères. Vos souvenirs n'ont rien que de doux. Vous aviez entouré toute son existence de tant de soins et de douceurs! Son bonheur, ce bonheur inexprimable d'une union si parfaite, c'était l'oeuvre de toute votre vie. Ah! je crois que, quand il reste des regrets sans aucun remords, la douleur a ses charmes pour une âme comme la vôtre.

      Notre voyage a été fécond en événements dont aucun cependant n'a été grave. Nous avons voulu passer par les montagnes de la Marche, pour jouir de tableaux pittoresques et intéressants. Nous avons payé le plaisir de mille dangers. Des chevaux mourants, ou rétifs, menaçaient de nous culbuter ou de se laisser entraîner dans des descentes très rapides, sur des routes sinueuses et bordées de ravins profonds. Notre étoile nous a protégés cependant, et nous en avons été quittes pour la peur. Nous sommes arrivés tous bien portants.

      Maurice a eu, depuis, un gros rhume avec une forte inflammation aux yeux; l'eau de gomme pour la toux et l'eau de mauve pour les yeux l'ont beaucoup soulagé. Il se porte tout à fait bien à présent.

      Je vous remercie, chère et bonne madame, de l'intérêt que vous voulez bien prendre à ma santé. Elle est assez bonne, quoique j'aie toujours des douleurs et un mal opiniâtre à la tête, qui est mon inséparable. Je ne fais pourtant point d'imprudences, je suis ici d'une sagesse forcée, n'ayant point de sujets de courses comme à Guillery; mais, ayant plus d'occupations essentielles, je réussis à oublier mes misères et à vaquer à mes affaires comme quelqu'un qui se porte bien. C'est de vous, chère madame, qu'il convient de s'occuper; veuillez nous tenir au courant de votre précieuse santé.

      J'ai eu mon frère pendant quelques jours. Il est reparti pour Paris, où des réparations à sa maison le forcent à la surveillance. J'ai obtenu qu'il nous laissât sa femme et sa fille, à qui la campagne conviendra mieux.

      Adieu, chère madame; écrivez-nous souvent, peu à la fois, si cela vous fatigue, mais ne nous laissez pas ignorer comment vous êtes. Casimir et moi vous embrassons tendrement.

      AURORE D.

      Veuillez me rappeler au bon Larnaude 23; j'ose presque me regarder comme un de ses confrères. Je me suis lancée dans la médecine, ou, pour parler plus humblement, dans l'apothicairerie. M. Delaveau 24, qu'il connaît bien, est mon professeur. C'est lui qui ordonne et consulte, c'est moi qui prépare les drogues, qui pose les sangsues, etc. Nous avons déjà opéré des cures fort heureuses. Smith 25, avec son jalap, me serait ici d'un grand secours.

      Maurice n'a point oublié Guillery. Il y revient sans cesse, il sait les noms de tout le monde et parle surtout du gros Totor. Il a trouvé ici de quoi se consoler de l'absence de sa poule favorite, qu'il se rappelle aussi à ce qu'il prétend.

      IX

      A MADAME MAURICE DUPIN, A PARIS

      Nohant, 13 juillet 1826.

      Ma chère maman,

      J'ai reçu votre aimable lettre il y a quelque temps, et j'ai vu depuis M. Duvernet, qui m'a dit vous avoir trouvée bien portante, et avoir passé la journée avec vous et l'ami Pierret26. Il m'a beaucoup parlé de vous. Vous savez que c'est une de vos conquêtes les plus dévouées. Il m'a dit que vous viendriez sans la crainte de nous voir partir au premier moment et d'avoir fait un voyage inutile. Ce serait une crainte bien mal fondée; car, outre que le plaisir d'être près de vous nous ôterait l'envie de courir, nous n'avons pas le moindre projet de voyage d'ici à bien longtemps.

      Quand je dis nous, je parle de moi et de mon enfant; car mon mari n'a pas fait voeu de réclusion. Il est à Bordeaux dans ce moment pour une affaire indispensable: le payement d'une maison qu'il a vendue l'hiver dernier et dont l'échéance était le 10 de ce mois. Je pense qu'il reviendra par Nérac et qu'il passera quelques jours auprès de madame Dudevant. Je ne sais au juste quand il sera de retour. Il voulait assister à sa moisson. I1 faudra qu'il se dépêche; car les blés sont mûrs, et je vais les faire mettre à terre.

      Quand il se sera reposé un peu de son voyage, il sera forcé de faire celui de Paris pour le placement de ses fonds. Alors il plaidera notre cause de vive voix auprès de vous, et peut-être vous décidera-t-il à revenir avec lui!

      Vous avez dû voir Hippolyte27 souvent. Il vous aura dit qu'il m'a laissé sa petite, dont je prends soin et qui se porte très bien. Nous avons eu des jours très brillants: d'abord la fête de Maurice, à l'occasion de laquelle j'ai régalé une centaine de paysans. Les danses, les coups de fusil, le carillon des cloches, le son de la cornemuse et les chansons des buveurs, auxquels se mêlaient les hurlements des chiens contrariés, out célébré avec bruit l'anniversaire de notre jeune homme, qui était charmé de ce tapage et de ces honneurs.

      Nous avons eu ensuite mademoiselle George à la Châtre. Elle y a donné deux représentations qui ont fait courir tout le pays a mis la ville et les environs sens dessus dessous. Je vous conterais bien d'autres fêtes antérieures; mais Hippolyte vous aura conté notre chasse au sanglier; il vous aura dit que Nohant devenait chaque jour plus brillant. Nous serions bien heureux si cela pouvait vous donner l'envie d'y venir.

      Adieu, ma chère maman; je vous embrasse tendrement et vous prie de me donner de vos nouvelles. Pardonnez-moi le long temps que j'ai mis à vous donner des nôtres. Je suis si occupée en l'absence de mon mari, que je suis forcée de remplacer, que je n'ai pas le courage d'écrire le soir, et que je vais me coucher bien lasse.

      Vous saurez que je m'occupe beaucoup de médecine, non pas pour moi, car j'aime peu à y songer, mais pour mes paysans. J'ai fait de très heureuses cures; mais l'état a aussi ses désagréments.

      X

      A LA MÊME

      Nohant, 9 octobre 1826.

      Ma chère petite maman,

      Pardonnez-moi d'avoir été si longue à vous remercier des peines que vous avez prises pour moi. J'ai

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<p>22</p>

La mort du baron Dudevant, beau-père de George Sand.

<p>23</p>

Pharmacien à Barbaste (Lot-et-Garonne).

<p>24</p>

Charles Delaveau, médecin à la Châtre, puis député, de 1846 à 1876.

<p>25</p>

Domestiques de la baronne Dudevant.

<p>26</p>

Pierret, ami de la famille.

<p>27</p>

Hippolyte Chatiron, frère de George Sand.