Correspondance, 1812-1876. Tome 1. Жорж Санд

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Correspondance, 1812-1876. Tome 1 - Жорж Санд

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vient ce noir chagrin qu'on lit sur son visage?

      C'est de se voir si mal gravé.

      Hippolyte a dû vous dire, ma chère maman, que j'avais écrit à madame Defos pour lui demander pardon de la distraction qui m'avait empêchée de la reconnaître, et lui témoigner le désir de la voir à Clermont, si j'y vais, comme j'en ai le projet, le mois prochain.

      C'est en parlant du Mont-Dore probablement que vous me dites que je ne suis qu'à quatre lieues d'elle; car, d'ici par la route de poste, il y en a près de cinquante. Cette grande distance me fait craindre que M. Defos n'effectue point son projet de venir nous voir, à moins que quelque autre affaire ou le désir de voyager ne lui fasse prendre notre route pour revenir. à Paris, route qui est beaucoup moins directe et moins bien servie. S'il vient malgré ces obstacles, j'en serai ravie et je le recevrai de mon mieux. Je n'ose plus vous tourmenter pour faire ce voyage. Il vous ferait pourtant grand bien. Vous n'auriez pas de peurs à redouter pour la nuit, ni tout l'embarras de vivre en pension.

      Adieu, ma chère maman; je vous écris à la lueur des éclairs et aux grondements du tonnerre, ce qui n'empêche pas Maurice et Casimir de ronfler aussi fort que lui. Je vais faire comme eux, et, si à nous trois nous ne couvrons pas le bruit de l'orage, il faudra qu'il fasse grand train de son côté. Écrivez-moi un peu plus souvent.

      Portez-vous bien, et soignez-vous. Je vous embrasse bien tendrement.

      XVI

      A LA MÊME

      Nohant, 4 septembre 1827.

      Ma chère maman,

      Me voici de retour, depuis cinq ou six jours. J'ai été absolument empêchée d'écrire durant mon voyage. Toujours en route, soit à cheval, soit à pied; je n'ai pas eu un instant pour me reposer et pour rendre compte de mes courses. Madame Defos, que j'ai vue avant d'aller au Mont-Dore, et en en revenant, m'a dit vous avoir donné de nos nouvelles. J'étais donc sûre que vous ne seriez point inquiète de nous. Cette chère dame nous a reçus avec une bonté parfaite. J'ai fait connaissance avec mademoiselle Eugénie32, qui est fort aimable et fort aimée dans Clermont et dans sa maison.

      Votre adorateur, comme vous l'appelez, est aussi fort aimable et fort spirituel. Il nous a lu beaucoup de vers charmants, dont une partie fut faite en votre honneur, comme ceux de Victoire, Sophie, Antoinette, que vous connaissez. Aglaé33 était très bien quand nous sommes passés la première fois; à notre retour, elle était dans ses crises. Elle avait pris Maurice en grippe, bien qu'il fût fort tranquille. Moi, je n'étais pas trop rassurée et j'ai renvoyé le petit aussitôt après dîner, sous prétexte qu'il était fatigué.

      J'ai été voir le couvent de Saint-Joseph du haut en bas. Nous avons dîné tous ensemble, pris des glaces, etc. Clermont est une ville agréable, située dans un des plus beaux pays de la terre. Madame Defos est parfaitement logée, sur une place immense, en face des beaux coteaux de la Limagne et du Puy-de-Dôme, qui s'élève comme un géant à l'horizon. La maison qu'elle habite est une des plus belles de la ville et passerait pour belle, même à Paris. Je pense que vous serez bien aise d'apprendre ces détails et de savoir votre tante dans une position douce et agréable. Elle serait heureuse sans le fardeau qu'elle supporte avec tant de patience et de douceur. Elle en est sur les dents. C'est un enfant acariâtre qu'il faut endurer tout le jour et veiller la nuit; elle se sacrifie à l'intérêt de ce malheureux enfant, qui ne peut pas lui en savoir gré, avec une résignation et une tendresse dont le coeur d'une mère est seul capable.

      Nous avons beaucoup couru au Mont-Dore, aux environs, à Clermont, à Pontgibaud, où sont les mines de plomb, à Aubusson, où sont les belles manufactures de tapis. Enfin ce que nous avons fait en peu de temps est remarquable. J'ai pris la douche, j'ai été au bal, j'ai galopé à cheval, j'ai versé en voiture, et je pourrais faire une très longue relation de ce court voyage; mais je vous en épargne l'ennui.

      Je me borne à vous dire, ma chère maman, que tout le monde se porte à merveille, gendre, fille et petit-fils. J'ai un appétit effrayant et j'ai pris l'habitude de dormir, que je trouve très agréable.

      XVII

      A M. CARON, A PARIS

      Nohant, 22 novembre 1827.

      Il y a bien longtemps, mon bon ami, que je veux vous écrire, et ma mauvaise santé, de jour en jour plus détraquée, m'empêche de faire rien qui vaille, de m'appliquer même au travail qui m'est le plus agréable, c'est-à-dire de m'entretenir avec les gens que j'aime. Au lieu de cela, il faut m'ennuyer en cérémonies depuis une semaine avec des gens occupés de politique et d'élections, que je comprends fort peu, mais qu'il faut avoir l'air de comprendre sous peine d'impolitesse, et devant qui il faut sembler s'intéresser prodigieusement au succès de choses dont on entend parler pour la première fois. Casimir avait l'air tout ce temps d'un chef de parti; et, grâce à ses efforts, des députés parfaitement libéraux ont été nommés dans tous les collèges environnants. J'en suis charmée, et je le suis encore davantage de voir cette corvée terminée et de ne plus voir la fièvre sur tous les visages.

      Casimir m'a dit que vous aviez été malade, mon cher Caron. Donnez-nous de vos nouvelles; vous nous oubliez tout à fait, et vous avez tort; car vous avez toujours en nous de vrais et fidèles amis.

      Ne craignez donc aucun refroidissement de notre part: ma mauvaise santé et les ennuyeuses élections ont été la seule cause de mon long silence. Casimir m'a dit que vous aviez éprouvé beaucoup de chagrins. Quelle qu'en soit la cause, croyez que je les partage du fond du coeur et qu'ils ne me trouveront jamais indifférente.

      Voici l'ami Dutheil et le beau docteur34 qui me chargent de vous assurer de leur amitié et me forcent de vous dire adieu. Mais, auparavant, nous nous réunissons en corps pour vous prier de venir vous reposer ici de tous vos ennuis et boire sur eux le fleuve d'oubli, composé de vin de Champagne dont Casimir à découvert une nouvelle source dans sa cave.

      Je crois que je serai obligée d'aller passer une huitaine à Paris pour consulter sur ma santé. Vous seriez bien aimable de me ramener ici et d'y passer une partie de l'hiver. Vous êtes bien sûr que j'emmènerai Pauline.

      Adieu, mon cher Latreille; je vous embrasse de tout mon coeur et compte que vous accueillerez ma proposition favorablement.

      AURORE.

      XVIII

      A M. CARON, A PARIS

      Nohant, 1er avril 1828.

      Mon cher Caron,

      Il y a bien longtemps que je veux vous écrire; mais mon Maurice a été si malade pendant tout l'hiver, et moi, j'ai été si tourmentée de ses maux et des miens, que je n'ai donné signe de vie à personne; ce dont je reçois de vifs reproches de tous côtés.

      Quoique vous y mettiez plus d'indulgence que les autres, en ne me grondant pas, je ne veux pas abuser plus longtemps de votre longanimité, et je viens enfin vous dire que je ne vous ai point oublié; car nous parlons de vous bien souvent, avec mon mari et nos amis de la Châtre, qui demandent toujours quand vous viendrez. Je voudrais bien avoir une bonne réponse à leur donner et je n'en perds pas l'espérance; car vous trouverez bien quelque temps à nous consacrer et vous savez qu'il y a ici de bon vin et de bons garçons.

      J'espère que, dans quelques jours, nous aurons du beau temps qui me rendra moins maussade et mieux portante. Pour

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<p>32</p>

Fille de M. Defos.

<p>33</p>

Autre fille de M. Defos.

<p>34</p>

Charles Delaveau.