Correspondance, 1812-1876. Tome 1. Жорж Санд
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Je ne suis pas très forte, et la moindre course en voiture me fatigue beaucoup. A cela près, je vais bien. Je suis si grosse, que tout le monde pense que je me suis trompée dans mon calcul et que j'accoucherai très prochainement: je ne crois pourtant pas que ce soit avant deux mois.
Casimir me charge de vous dire qu'il est très mécontent de l'inexactitude de M. Puget à votre égard. Il ne peut vous adresser à M. Lambert, qui n'est plus notaire et qui n'habite plus Paris. Il chargera de vos affaires, dès le prochain trimestre, une personne sûre et parfaitement exacte. J'ai vu Léontine un instant. Elle se portait bien. Je vais la chercher demain pour quelques jours.
Adieu, ma chère maman; reposez-vous bien de vos fatigues, afin que je puisse aussi vous recevoir. Ce ne sera jamais assez tôt, au gré de mon impatience. Je vous embrasse tendrement; Casimir et Maurice se joignent à moi.
Le cher père est très occupé de sa moisson. Il a adopté une manière de faire battre le blé qui termine en trois semaines les travaux de cinq à six mois. Aussi il sue sang et eau. Il est en blouse, le râteau à la main, dès le point du jour.
Les ouvriers sont forcés de l'imiter; mais ils ne s'en plaignent pas, car le vin de pays n'est point ménagé pour eux. Nous autres femmes, nous nous installons sur les tas de blé dont la cour est remplie. Nous lisons, nous travaillons beaucoup, nous songeons fort peu à sortir. Nous faisons aussi beaucoup de musique.
Adieu, chère maman; rappelez-moi à l'amitié du vicomte. Maurice est mince comme un fuseau, mais droit et décidé comme un homme. On le trouve très beau, son regard est superbe.
XII
A M. CARON, A PARIS
15 novembre, 1828.
Je n'ose pas dire, mon bon révérend, que j'ai bien du regret de ne vous pas voir. Ce serait être égoïste que de s'affliger de vos succès. Mais, sauf la joie bien vraie que j'éprouve à vous voir satisfait et dont vous ne pouvez pas douter, il m'est bien permis, à part moi, d'être fâchée de votre absence, et de regretter votre aimable personne.
J'ai l'espoir que vous n'oublierez point notre sincère affection dans le cours de vos prospérités, et que, quand vos affaires vous laisseront quelque répit, vous viendrez passer ici ce temps de liberté, dormir la grasse matinée, flâner avec l'ami Duteil et faire jurer Casimir en le gagnant aux échecs.
Vous avez ici votre appartement, votre nourriture, éclairage, blansissage, etc., moyennant la somme modique de deux francs cinquante centimes par semaine, et, de plus, vous aurez ce qui ne s'achète pas, des coeurs qui vous aiment bien véritablement.
Cette lettre vous sera remise par votre ami Duteil, qui, je crois, a le projet de vous demander de le prendre en pension pour trois semaines. C'est un compagnon aimable, et c'est pour la même raison qu'il désire loger avec vous, si vous le trouvez bon.
Adieu, mon vénérable octogénaire. Que votre barque vogue au gré de vos désirs! C'est ce que je vous souhaite, au nom du Père, etc.
Je vous embrasse de tout mon coeur, et désire que vous terminiez heureusement et vite afin de revenir nous voir.
AURORE.
Comment va la grosse Pauline38? Embrassez-la de ma part et de celle de Maurice. On dit que vous avez une nouvelle Corinne pour cuisinière, je vous en fais mon compliment.
XXIII
A MADAME MAURICE DUPIN, A PARIS
Nohant, 27 décembre 1828.
Mon garde champêtre, qui est mon fournisseur et mon pourvoyeur, et qui, de plus, est ancien voltigeur et bel esprit, a fait ce matin, ma chère maman, une assez belle chasse. Je fais mettre dès demain ma cuisinière à l'oeuvre, et, quoiqu'elle ait beaucoup moins de génie que le garde champêtre, j'espère qu'elle en aura assez pour confectionner un bon pâté que je vous enverrai pour vos étrennes dès qu'il sera refroidi. Mon ami Caron, à qui j'adresse un envoi de même genre, vous fera passer ce qui vous revient.
Agréez en même temps, chère mère, tous mes voeux et mes embrassements du jour de l'an; ayez une bonne santé, de la gaieté, et venez nous voir, voilà mes souhaits.
Je suis charmée que vous ayez trouvé mes confitures bonnes. Je comptais vous en adresser un second volume; mais mon essai n'a pas été aussi heureux que le premier. Entraînée par l'ardeur du dessin, j'ai laissé brûler le tout et je n'ai plus trouvé sur mes fourneaux qu'une croûte noire et fumante qui ressemblait au cratère d'un volcan beaucoup plus qu'à un aliment quelconque.
Puisque nous sommes sur ce chapitre, je vous dirai que vous avez très bien fait de ne rien donner à mon envoyé. Il en eût été très choqué. Il veut bien se considérer comme mon ami et mon voisin, mais non comme un commissionnaire. Il vous eût dit qu'il était né natif de Nohant, qu'il se rendait mon messager uniquement par amitié, mais qu'il avait trop de sentiments, etc. Enfin il vous aurait dit peut-être de très belles choses, mais vous avez bien fait de ne le pas payer. Il est très glorieux, je suis sûre, de pouvoir dire qu'il nous a rendu service.
Je ne sais pas si mon projet d'aller à Paris s'effectuera. J'ai même tout lieu de croire qu'il ira grossir le nombre immense de projets en l'air qui sont en dépôt dans la lune avec tout ce qui se perd sur la terre. Ma fille est bien petite et bien délicate pour voyager par ce mauvais temps. Du reste, elle est fraîche et jolie à croquer. Maurice se porte bien aussi, et vous souhaite une bonne année; il embrasse son cousin Oscar. Veuillez, chère maman, être encore mon remplaçant dans le choix des étrennes à Oscar (ce que je laisse à votre disposition).
Je vous embrasse de toute mon âme, Casimir en prend sa part.
AURORE.
XXIV
A M. CARON, A PARIS
Nohant, 20 janvier 1829.
Il est très vrai que je suis une paresseuse, mon digne vieillard et bon ami. Vous savez que je suis de force à me laisser brûler les pieds plutôt que de me déranger, et à vous couvrir une lettre de pâtés plutôt que de tailler ma plume. Chacun sa nature. Vous n'êtes pas mal feugnant aussi, quand vous vous en mêlez. Mais ce n'est jamais quand il s'agit d'obliger; j'ai pu m'en convaincre mille fois, et j'ai même honte d'abuser si souvent de votre extrême bonté.
Je vous ai demandé dans quelque lettre qui se sera perdue:
Les Mémoires de Barbaroux, les Mémoires de madame Roland, et les Poésies de Victor Hugo.
J'ai deux volumes de Paul-Louis Courier intitulés Mémoires, Correspondance et Opuscules inédits. Il doit avoir paru un troisième volume contenant des fragments de Xénophon, l'Ane de Lucius, Daphnis et Chloé, etc. En outre, je voudrais avoir son meilleur volume contenant les pamphlets politiques et opuscules littéraires, imprimé clandestinement à Bruxelles in-8°. Celui-là sera peut-être difficile à trouver. Aidez-vous d'Hippolyte, qui s'aidera d'Ajasson, pour me le dépister. Veuillez avoir ma lettre dans votre poche, quand vous irez chez le libraire, afin de ne pas vous
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Nièce de Caron.