Correspondance, 1812-1876. Tome 1. Жорж Санд

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Correspondance, 1812-1876. Tome 1 - Жорж Санд

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le girondin sur la Révolution, avec quelque chose de nouveau que son fils C.-O. Barbaroux vient de publier à la suite ou au commencement d'une biographie de la Chambre des pairs. J'attendrai pour lire l'histoire des vivants qu'ils soient morts, et, si je suis morte avant eux, je m'en passerai.

      Cela ne veut pas dire que je dédaigne les oeuvres des contemporains; seulement la postérité jugera les hommes mieux que nous. Je voudrais avoir quelque chose de Benjamin Constant et surtout de Royer-Collard. Mais quoi! je ne suis pas au courant de ces publications. Veuillez m'aider, m'envoyer ce qu'il y a de plus remarquable et le plus à la portée d'une bête comme moi.

      En voilà-t-il assez? Je vous plains bien sincèrement, mon vieux, si vous avez beaucoup de femmes comme moi sur les bras.

      Pour faire diversion à ces factures, car mes lettres ne sont pas autre chose, je vous envoie le récit lamentable d'une histoire récemment arrivée à la Châtre. Vous savez qu'il y a sept ou huit sociétés qui ne se mêlent point. Vous savez que Périgny et moi, qui avons la prétention d'être philosophes, nous invitons tout le monde.

      Moi, je ne reçois pas cette année; mais, lui, il a commencé. La première soirée s'est assez bien passée, moyennant que les plus huppées ont été stupéfaites de surprise en se voyant amalgamées avec ce qu'elles appellent de la canaille, quoique cette canaille les vaille et plus. Le maître de musique et sa femme, fort gentille, ont surtout causé par leur admission, une indignation, et les bonnes personnes de dire que M. de Périgny comblait d'honnêtetés le musicien susdit afin d'économiser cinq francs par soirée.

      Voulant mettre à profit cet incident, mais ne voulant pas mettre en scène l'innocent musicien et son innocente moitié, nous avons, Duteil et moi (auteurs indignes de cette chanson), offert nos propres individus aux traits de la satire, nous maltraitant soi-même (nous avions tenu l'orchestre à nous deux, la première soirée); nous détournons par cette ruse adroite les soupçons qui se dirigeraient sur nous si nous ne gardions le secret sur notre génie poétique, car nous en pinçons. Il a pu, à Paris, vous chanter des complaintes de notre façon; que vous en semble? Nous avons tant d'esprit, que nous en sommes zonteux nous-mêmes. Nous avons montré la susdite chanson à M. et madame de Périgny, qui en ont beaucoup ri et nous ont autorisés à la répandre clandestinement, à condition qu'ils ne soient pas reconnus en avoir eu connaissance.

      Voyez-vous d'ici la bonne figure qu'ils vont faire, et vous aussi, quand, d'un air piteux, on viendra vous raconter qu'un libelle impertinent, arme à deux tranchants, et dans lequel nous sommes particulièrement maltraités, circule dans la ville? Voyez-vous l'air de philosophie et de générosité avec lequel nous témoignerons notre mépris de cet outrage? J'oubliais de vous dire qu'à la seconde soirée il n'est venu personne que ce maître de musique, Casimir et moi; la chanson, d'ailleurs, vous l'apprendra; mais vous saurez que j'avais l'honneur de faire partie des trois invités qui font une si pauvre figure à la fin du dernier couplet. Nous attendons à demain pour voir si la cabale continue. Moi, je n'en aurai pas le démenti, et j'irai pour voir. Vous voilà au courant des cancans.

      J'écrirai à Félicie quand je pourrai. En attendant, dites-lui que je l'embrasse, que je ne me soucie guère d'apprendre les modes, qu'il me suffit qu'elle se porte bien et ne m'oublie pas. Au reste, je lui dirai cela moi-même dans quelques jours. Je verrai demain toutes vos amoureuses et m'acquitterai de vos commissions.

      Bonsoir, mon vieux; portez-vous bien, dormez quinze heures sur seize, et aimez toujours votre fille

      AURORE

      Casimir vous embrasse, et Maurice embrasse Pauline. A propos, j'ai un ménage entier de porcelaine de Verneuil39 pour elle; mais comment le lui envoyer? le port coûtera plus que la chose ne vaut; fixez-moi là-dessus.

LA SOIRÉE ADMINISTRATIVEouLE SOUS-PRÉFET PHILOSOPHE

      Air: Tous les bourgeois de Chartres

1

      Habitants de la Châtre Nobles, bourgeois, vilains. D'un petit

      gentillâtre Apprenez les dédains.

      Ce jeune homme, égaré par la philosophie40,

      Oubliant, dans sa déraison,

      Les usages et le bon ton,

      Vexe la bourgeoisie

2

      Voyant que, dans la ville, Plus d'un original Tranche de

      l'homme habile Et se dit libéral;

      A nos tendres moitiés qui frondent la noblesse

      Il crut plaire en donnant un bal

      Où chacun pût d'un pas égal

      Aller comme à la messe.

3

      Un écorcheur d'oreilles, Ci-devant procureur41. Croit faire

      des merveilles Avec madame Orreur42.

      Sur son piano discord quand l'une nous assomme,

      L'autre nous fait grincer des dents,

      Le tout pour épargner cinq francs

      Au ménage économe.

4

      Juges et militaires, Médecins, avocats, Chirurgiens et

      notoires, Chacun prend ses ébats.

      On entendit pourtant plus d'une grande dame,

      Pinçant la lèvre et clignant l'oeil,

      Murmurer dans son noble orgueil:

      «Voyez! quel amalgame!»

5

      Guidant la contredanse, Périgny tout en eau, Croyait par sa

      prudence Nous dorer le gâteau.

      L'avant-deux n'était pas la chose délicate:

      Mais, quand on fut au moulinet,

      C'est en vain que le sous-préfet

      Cria: «Donnez la patte!…»

6

      Quand finit ce supplice, Chaque dame aussitôt Demande sa

      pelisse, Sa bonne et son falot,

      Et toutes en sortant se disaient dans la rue,

      En retroussant leur falbala:

      «Jamais on ne me reprendra

      En pareille cohue

7

      La semaine suivante Le punch est préparé, La maîtresse est

      brillante, Le salon est ciré.

      vint trois invités de chétive encolure.

      Dans la ville on disait: «Bravo!

      On donne un bal incognito

      A la sous-préfecture!»

      XXV

      A MADAME MAURICE-DUPIN, A PARIS

      Nohant, 8 mars 1829.

      Ma chère maman,

      Il y a bien longtemps que je veux vous écrire; mais il a fallu que le carême arrivât pour m'en laisser le temps. Jamais à Paris on ne mena une vie plus active et plus dissipée que celle que nous avons passée durant le carnaval: courses à cheval, visites, soirées, dîners, tous les jours ont été pris, et nous avons beaucoup moins habité Nohant que la Châtre et les grands chemins.

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<p>39</p>

Village de potiers près de Nohant.

<p>40</p>

Pérnigy.

<p>41</p>

Duteil.

<p>42</p>

Aurore.